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Rachel Whiteread : et le vide devient solide

Une artiste, une anecdote sur Rachel Whiteread, celle qui donne une présence solide à l’espace.

Rachel Whiteread voit le jour le 20 avril 1963 à Londres. Elle a deux sœurs plus âgées, qui sont jumelles. Elle passe son enfance à Ilford, dans la périphérie de Londres, avant de s’installer dans le comté d’Essex. Dès son plus jeune âge, elle se passionne pour l’art, influencée par sa mère Patricia, une artiste engagée qui peut s’arrêter en voiture pour prendre des photos. Son père, Thomas, est professeur de géographie. Ce soutien familial joue alors un rôle crucial dans sa décision de suivre une carrière artistique. Ils lui ont appris à regarder la nature et les transformations crées par l’homme.

Entre 1982 et 1985, Rachel poursuit ses études de peinture au Brighton Polytechnic. Durant cette période, elle développe une vision distinctive du volume et de l’espace. De 1985 à 1987, elle continue sa formation en sculpture à la Slade School of Fine Art à Londres. Rachel y perfectionne donc ses compétences et explore des techniques de moulage. L’artiste veut faire du vide un espace solide, « momifier l’air ». Durant cette période, elle travaille au Hightgate Cemetery, réparant les couvercles de cercueils abîmés.

En 1988, Rachel Whiteread développe sa méthode distincte de moulage des espaces négatifs d’objets du quotidien. Après avoir terminé ses études, elle organise sa première exposition personnelle en 1989 dans une petite galerie de Londres. L’artiste dévoile alors quatre œuvres majeures dont des moulages de l’intérieur d’un placard et de l’espace sous un lit, illustrant sa maturité artistique. À cette époque, Whiteread vit dans l’est de Londres et travaille dans un atelier situé à Carpenters Road, Stratford, un quartier en difficulté.

Rachel Whiteread garde un souvenir nostalgique de cet environnement d’artiste. Avec Fiona Banner et Grayson Perry cet espace créatif était perçu comme un club artistique non officiel. Son père décède cette année là. L’artiste crée alors « Shallow Breath » le moulage du dessous d’un matelas, évoquant ce qui n’est plus. Chaque espace moulé contient des sensations, des souvenirs impalpables.

Son exposition inaugurale à la Carlisle Gallery d’Islington à Londres marque son entrée sur la scène artistique. Elle y présente « Torso », le moulage en plâtre de l’intérieur d’une bouillotte. Le titre évoque un torse humain dépourvu de membres, rappelant le découpage des corps dans la sculpture classique. Toutefois elle s’éloigne de cette tradition par son approche processuelle et théorique. Cette œuvre, délicate et robuste à la fois, suscite une réaction viscérale. Un objet familier se transforme ainsi en une pièce intrigante et personnelle. La bouillotte évoque en général la chaleur et le réconfort. Cette version de Whiteread, bien que tangible, est dépourvue de ces qualités. L’artiste montre ainsi sa capacité à doter des objets banals d’une force expressive et parfois dérangeante.

Rachel Whiteread concrétise son approche de l’espace et du vide avec l’œuvre « Ghost » en 1990. Ce moulage grandeur nature d’un salon victorien lui permet de développer sa démarche à une échelle architecturale. Pendant le moulage à la main des pièces, Rachel dit avoir ressenti ce qu’être partie intégrante de l’espace. Selon l’artiste, cette œuvre représente également un sorte de mausolée d’une certaine classe sociale.

L’artiste reçoit le Turner Prize et une renommée internationale en 1993 grâce à son œuvre « House ». Elle devient ainsi la première femme à recevoir cet honneur. Cette sculpture en béton reproduit l’intérieur d’une maison victorienne abandonnée à Bow, dans l’est de Londres. Bien que détruite en 1994, « House » reste une avancée majeure dans l’art moderne, abordant des questions sociales comme l’abandon urbain et la gentrification.

Rachel Whiteread représente le Royaume-Uni à la Biennale de Venise de 1997, affirmant ainsi son statut sur la scène artistique internationale. L’année suivante, en 1998, elle crée « Water Tower » à New York, une sculpture en résine transparente qui intègre harmonieusement l’art dans le paysage urbain.

Avec son partenaire Marcus Taylor, Rachel acquiert en 1999 une ancienne synagogue à Bethnal Green pour y installer son atelier. Cet achat lui fournit un espace de création qui répond à ses ambitions croissantes.

En 2000, Rachel Whiteread dévoile le Mémorial de la Shoah sur la Judenplatz à Vienne. L’œuvre montre le moulage en béton de l’intérieur d’une bibliothèque. Le dos des livres alignés est inaccessible, les titres illisibles, symbolisant les 65 000 victimes autrichiennes de la Shoah. Cela lui vaudra le surnom de « La Bibliothèque sans Nom ». Ce projet a nécessité 5 ans de travail, l’artiste s’est inspirée des bunkers du Mur de l’Atlantique, mettant ainsi en opposition la brutalité, la tragédie avec l’architecture baroque de la ville.

Sur le quatrième socle de Trafalgar Square à Londres, « Untitled Monument » joue avec la perception urbaine. Cette œuvre de 2001 en résine explore les notions de vide et de plein dans l’espace public.

« Untitled (Room 101) » créée en 2003, reproduit en plâtre le célèbre bureau de la Broadcasting House de la BBC, associé à George Orwell. Pour réaliser ce projet ambitieux, Whiteread et son équipe enlèvent les conduits électriques puis effectuent ensuite un moulage complet, à l’échelle, de l’espace vide. Les marques et imperfections des murs, du sol et du plafond demeurent.

À la mort de sa mère en 2003, l’artiste Rachel Whiteread trouve un carton. Elle le vide, le moule, le reproduit. Voici le point de départ de « Embankment », un empilement de 14 000 moulages en résine blanche translucide de cartons de rangement. Rachel présente l’installation en 2005 dans le Turbine Hall de la Tate Modern à Londres. Son approche innovante lui permet ici d’explorer le souvenir, le vide, l’absence, le quotidien.

En 2007, Rachel Whiteread intégre davantage de couleur dans son travail. Parmi ses nouvelles créations, on trouve des moulages en résine translucide représentant des fenêtres et des portes. Elle travaille aussi sur plusieurs projets de miniatures de hangars, inspirés de lieux emblématiques tels que New York, Londres et la Norvège. Pour les Jeux Olympiques de Londres de 2012, Rachel Whiteread réalise le projet « Tree of Life ». La façade de la Whitechapel Gallery est alors ornée de moulages de fenêtres végétalisées. En 2016, l’artiste crée « Cabin », une sculpture publique permanente sur Governors Island, à New York.

À partir de 2020, l’artiste laisse l’empreinte en négatif pour la construction à partir d’éléments de récupération, mêlant nature et détournement industriel. « Untitled (Thicket) » en 2022 peinte en blanc mat pour évoquer une résistance à la décomposition. Les sculptures, comme « Sans titre (Lavande et rose) » en 2022, utilisent du papier mâché fait de notes abandonnées, symbolisant ainsi la violence et le potentiel régénérateur des matériaux recyclés.

Le travail de Whiteread rend l’invisible visible, transformant le familier en quelque chose de nuancé et troublant. L’artiste n’a cessé de souligner l’importance de son enfance dans ses travaux ultérieurs. Elle pense ainsi à son père, « dont la fascination pour l’archéologie industrielle m’a aidée à lever les yeux » et à comprendre des thèmes tels que le design, la spatialité et le souvenir.

Le travail d’artiste de Rachel Whiteread continue d’explorer les relations complexes entre espace, absence et mémoire. Sa démarche unique défie constamment les attentes car plongeant le spectateur dans une réflexion profonde sur la matérialité et l’immatérialité des objets, et l’histoire des espaces.

Au revoir et à bientôt pour une nouvelle anecdote !

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