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Chana Orloff : « Parce que la vie était magnifique, libre »

Une artiste, une anecdote sur Chana Orloff, artiste sculptrice qui cherchait la vie en chacun.

Chana Orloff naît le 12 juillet 1888 en Ukraine, huitième enfant d’une famille juive de neuf enfants. Sa mère et sa grand-mère sont sages-femmes, tandis que son père est devenu commerçant après que les juifs se voient interdire l’exercice du métier d’enseignant. En 1905, sa famille émigre en Palestine, où son père devient agriculteur. Chana soutient ses parents en réalisant des travaux de couture.

Arrivée à Paris en 1910, elle entre en apprentissage dans la prestigieuse maison de couture Paquin. Elle se classe deuxième lors du concours d’entrée de l’École des arts décoratifs l’année suivante et étudie également à l’Académie Marie-Vassilief. Au cours de son séjour à Paris, elle côtoie de nombreux artistes tels que Picasso, Foujita, Apollinaire et Modigliani dans le quartier de Montparnasse. Lors d’une interview elle dira avoir choisi ce quartier « Parce que la vie était magnifique, libre ». Elle réalise sa première sculpture, un portrait de sa grand-mère d’après une photographie. En 1916, elle épouse Ary Justman et expose aux côtés de Matisse. Malheureusement, engagé volontairement comme brancardier, il décède de la grippe espagnole en 1918 quelques mois après la naissance de leur fils Élie.

Dans les œuvres de Chana Orloff, on retrouve souvent le thème de la famille. Comme par exemple la sculpture « la Famille » qui met en avant la figure du père, le visage de la mère y est simplifié. L’enfant est intégralement emboîté dans le corps de sa mère. L’artiste épure les formes, cherchant la caractéristique de chaque modèle.

Artiste talentueuse, Chana Orloff devient célèbre dans les années vingt en tant que portraitiste de l’élite parisienne. Elle obtient la nationalité française et la Légion d’honneur. Elle a réussi à s’affirmer en tant que femme et mère célibataire dans le domaine majoritairement masculin de la sculpture, gagnant ainsi sa place en tant que portraitiste de renom au sein de l’École de Paris.

La sculptrice raconte ses difficultés : « Au début, c’était très dur. J’ai même reçu des lettres de menaces de mort si je continuais ces sculptures. Je me suis brouillée avec pas mal d’amis, qui sont d’ailleurs maintenant d’excellents amis quand même. Et j’ai continué. » Face à ces difficultés, elle continue ans cette voie émancipatrice.

En 1925, et devient sociétaire du Salon d’automne. Elle expose à Paris et à Amsterdam, et fait construire sa résidence-atelier par Auguste Perret, la villa Seurat à Paris. En 1928, elle réalise son premier voyage aux États-Unis. Elle expose alors dans la prestigieuse galerie d’avant-garde Weyhe à New York. Cette exposition connaît un grand succès et est reprise par de nombreuses galeries à travers les États-Unis.

En 1930, Meïr Dizengoff, le premier maire de Tel-Aviv, lui demande de l’aider à créer le musée de Tel-Aviv. Pendant la construction du musée, Chana Orloff réalise de nombreux portraits de personnalités du monde des arts. Sa première exposition au musée de Tel-Aviv en 1935 remporte un grand succès. Elle participe également à l’exposition « Les maîtres de l’art indépendant » au Petit Palais à Parisen 1937, avec une trentaine de sculptures.

Juste avant la rafle du Vél’ d’Hiv, deux amis français, son fondeur Rudier et un haut fonctionnaire de la police, la préviennent de son arrestation imminente. Avec son fils, elle quitte son atelier et se rend à Grenoble, puis à Lyon, où ils rencontrent le peintre Georges Kars. Ils traverseront la frontière franco-suisse ensemble en 1942.

Pendant son exil, Chana Orloff crée de petites sculptures qu’elle nomme « sculptures de poche ». Elles représentent des animaux tels que des caniches, griffons et phénix prêts à cracher des flammes, un paon, un héron, deux inséparables se trouvent également parmi ces œuvres, un véritable bestiaire mythologique.

Certaines de ses sculptures, comme « Sauterelle » de 1939 sont empreintes de significations politiques et religieuses. Celle-ci rappellerait les chars d’assaut allemands. Elle ferait également référence à la nuée de sauterelles, l’une des sept plaies infligées à l’Égypte par le dieu des Hébreux. Ces références soulignent l’engagement de Chana Orloff envers des thématiques plus larges et des questionnements sociaux.

En 1945, Chana Orloff expose ses œuvres réalisées en Suisse à la galerie Georges-Moos à Genève, recevant des critiques élogieuses. Après la Libération, elle découvre son atelier mis à sac par les nazis. Ne se laissant pas décourager, l’artiste recommence à travailler. Un an plus tard, elle présente une trentaine de sculptures et une série de dessins à la Galerie de France. Sa sculpture intitulée « Le Retour » exprime le calvaire d’un déporté. Cette œuvre bouleverse la critique et marque un tournant significatif dans le travail de l’artiste.

L’artiste abandonne les formes lisses et arrondies pour adopter un modelé plus tourmenté, reflétant son inquiétude. Utilisant de petites touches, elle laisse l’empreinte de ses mains sur l’argile. Cela invite ainsi le spectateur à explorer cette matière devenue tourmentée et ingrate. Pour se libérer de l’angoisse qui la consume, elle réalise également de nombreux dessins préparatoires d’une grande intensité.

Malgré les épreuves et les pertes qu’elle a subies, Chana Orloff poursuit son travail, l’artiste continue d’exposer ses sculptures dans différents pays, puisant sa force dans l’art et faisant preuve d’une détermination et d’une résilience hors du commun. Chana Orloff s’est distinguée par son exploration audacieuse de différents matériaux tels que le bois, le bronze, le plâtre et même le ciment, qui est rarement utilisé en sculpture. Elle crée des sculptures représentant des femmes en mouvement, telles que des cavalières et des danseuses. À travers ces figures féminines dynamiques, Chana Orloff exprime un manifeste de leur désir de liberté et d’émancipation.

Le 16 décembre 1968, Chana Orloff s’éteint à Tel-Aviv en Israël. L’artiste laisse derrière elle un héritage de sculptures d’une modernité remarquable. Malheureusement, près d’une centaine de ses œuvres, dérobées par les nazis, restent encore en attente de restitution à sa famille.

Au revoir et à bientôt pour une nouvelle anecdote !

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