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Jardin botanique Atlanta - Photo de Nikhil Mistry sur Unsplash

Femmes ou sorcières : un art de la révélation – 2/3

À travers les époques, la sorcière représente une figure féminine diabolisée. L’étude de l’art lié aux femmes révèle comment notre perception des sorcières a évolué au fil du temps. Aujourd’hui, dans nos sociétés modernes, l’appellation « sorcière » s’utilise souvent de manière ludique. Pourtant, ce terme porte une histoire riche et complexe, en lien avec le combat des femmes.

1 – La chasse aux sorcières

Au cours de l’histoire, la chasse aux sorcières illustre de façon frappante la domination masculine. Des femmes puissantes, qualifiées autrefois de sorcières ont été victimes de stéréotypes effrayants. Persécutées et harcelées car elles refusaient de se soumettre aux pouvoirs en place.

Ce mouvement répressif s’est propagé à travers toute l’Europe, indépendamment des régimes politiques et religieux alors en place. Cette chasse est principalement présente dans les zones rurales. En effet les élites locales au nom de la lutte contre le diable, s’opposent à la « pensée magique » omniprésente dans la culture paysanne. On accuse alors des femmes innocentes d’affecter l’eau potable, le bétail, la santé ou encore la fertilité humaine. En 1599, le roi Jacques Ier d’Angleterre propose une méthode visant à prouver leur culpabilité. Les jeter à l’eau ; si ces dernières flottent ou réussissent à se tirer d’affaire, elles sont donc jugées coupables.

Dans le cas inverse, elles se noient et prouvent ainsi leur innocence. L’issue est toujours tragique. Malheureusement ces persécutions vont durer près de quatre siècles. Cette répression s’est intensifiée en raison de la peur et de l’insécurité causées par l’émergence des régimes absolutistes et de la division entre catholiques et protestants. Le Moyen-Âge connaîtra également des pratiques similaires.

Au fil des siècles, la perception de la mort et du diable a radicalement changé. Aux 13ème et 14ème siècles, avec un diable ridiculisé et la mort se considère comme un sommeil paisible. Cependant, aux 15ème et 16ème siècles, la peur s’installe et l’image de la mort devient plus sombre et sinistre. Le diable se transforme alors en une incarnation du mal, comme tout ceux qui l’idolâtrent. La chasse aux sorcières se trouve renforcée par des traités de démonologie véhiculant la peur du mal et la croyance de l’adoration du diable. Le « Malleus Maleficarum », traité écrit par les dominicains Henri Institoris et Jacques Sprengerue, joue un rôle clé dans la chasse aux sorcières de l’Europe du 15ème siècle et connaît un large succès.

L’ouvrage est un manuel qui codifie les croyances sur la sorcellerie. Il affirme que les femmes cèdent par prédisposition aux tentations du diable en raison de leur faiblesse et de leur infériorité. Les actes de sorcellerie décrits sont illusoires et irréels. Les femmes y sont complètement diabolisées entre métamorphoses animales et rapports sexuels avec des démons. Le Malleus Maleficarum, énonce les signes permettant de reconnaître les sorcières. Il détaille la déroulement de la procédure de la capture à l’élimination, en passant par le procès et la détention. Le manuel recommande également l’utilisation de la torture pour extorquer des aveux.

Cette période de chasse aux sorcières prend fin entre 1650 et 1680. En France, l’Édit de juillet de 1682 dé-criminalise la sorcellerie, la réduisant ainsi à de simples préjugés et superstitions. En Europe, environ 100 000 femmes ont été condamnées pour sorcellerie entre le 14ème et le 18ème siècle par des tribunaux dirigés uniquement par des hommes.

2 – Les Archétypes féminins dans l’art

Dans l’histoire de l’art, on peut classer les différentes représentations féminines selon certaines caractéristiques communes, considérées comme des « archétypes ». Ces figures archaïques qui incarnent des traits de caractères spécifiques, expriment une vision particulière. Ces derniers remontent aux mythes de la Grèce antique voire plus ancien. Ils consistent à modeler le monde en essayant de prédire un comportement humain. Toujours présents dans nos sociétés, les archétypes peuvent ainsi avoir certaines significations et attributs qui ont leur influence sur la psyché humaine, au-delà de leurs représentations visuelles.

L’archétype de la jeune fille

La jeune fille est une ingénue, pétrie d’innocence et de candeur, qui reste une éternelle enfant. Dans l’art elle est très souvent représentée nue et s’offre aux regards du spectateur. La poitrine mise en avant, elle nous fixe avec un petit sourire, dégageant une certaine assurance voire une défiance. Parfois gênée, elle peut détourner le regard si elle a conscience d’être observée. Elle charme à son insu comme unique responsable du désir.

L’archétype de la jeune fille représente la lune croissante au printemps. De cette énergie montante, elle tire la capacité d’attirer les autres de façon magnétique. La femme incarnant cet archétype est comme une jolie étincelle en communion avec l’univers. Il se manifeste dans la vie d’une femme lorsque celle-ci découvre ses rêves de relations, de carrière ou encore de maternité. Elle doit avant tout se trouver mais prend plaisir à cheminer dans son parcours de vie car elle ne se sent pas prête à briser les règles. C’est la plus masculine dans sa façon d’agir et d’approcher la vie. Elle peut devenir autodestructrice, tyrannique, agressive, acharnée et toujours en compétition avec les autres femmes.

L’archétype de la mère

La mère à les mains et les bras ouverts, toujours prête à accueillir avec un regard bienveillant et un sourire rassurant. Elle est ainsi la représentation de la mère idéale, la Vierge Marie, la Madone. La maternité y est associée avec tous ses attributs : rondeur, enfants, giron. Un contenant, un réceptacle à l’image de la sculpture la « Femme cuillère » de Giacometti. Elle peut parfois avoir un côté plus sauvage, comme d’ailleurs représenté dans le mythe fondateur de Rome : les jumeaux Remus et Romulus allaités par une louve. Ce symbole exploite la peur que l’animal peut inspirer. Cette représentation découlerait plus précisément de leur nourrice Acca Larentia, une « lupa », qui signifie louve en latin, un qualificatif utilisé par les romains pour désigner les courtisanes ou les prostituées. (cliquez ici pour lire sur Wikipédia).

L’archétype de la mère représente la pleine lune en été. Elle va bien au-delà du rôle de donner la vie et d’élever les enfants. Elle incarne la créativité, l’attention et l’évolution personnelle, guide plutôt que de contrôler et encourage les autres à trouver leur identité et leur liberté personnelle. L’archétype de la mère crée en collaboration avec le divin et est connecté à la Terre mère et à toutes formes de vie. Elle est dévouée à prendre soin de tout ce qui vit car elle sait que tout est interconnecté.

L’archétype de l’enchanteresse

L’enchanteresse est une séduisante créature divine qui incarne la séduction, la sensualité, voire la lascivité. Cette séductrice possède les attributs classiques ; une chevelure aérienne et une attitude défiante. Cette attitude lui permet d’inspirer la passion chez les autres, sans la ressentir elle-même, tout en gardant le contrôle total de ses propres sentiments. Elle devient ainsi une représentation vivante de l’amour incontrôlable, avec toutes ses contradictions, ses charmes et ses dangers. Ses armes ultimes sont sa beauté et ses stratagèmes pour conquérir le regard des autres. Se crée ainsi un jeu captivant de regard pour provoquer une fascination chez celui qui plonge dans son enchantement par le chant, la danse ou la parole.

L’archétype de l’enchanteresse représente la lune décroissante en automne, symbole d’introspection, de changements d’humeur et d’émotions intenses. L’enchanteresse est souvent blâmée pour ses émotions irrationnelles et ses ressentis sont vécus de manière négative et destructrice. Cependant, lorsque elle reconnaît et écoute sa femme sauvage, elle peut transformer ses frustrations en amour et en bénédiction. Cela donne une dimension sacrée à toutes ses actions.

L’archétype de la sorcière ou de la guérisseuse

Au Moyen-Âge, les sorcières étaient principalement des sage-femmes et des guérisseuses. Pourtant, elles sont généralement décrite comme des femmes faibles, chétives, intellectuellement limitées et facilement manipulées par le Diable. L’archétype de la sorcière ou de la guérisseuse est souvent représenté avec de long cheveux noirs et des vêtements discrets de couleurs sombres. Sous les traits d’une femme âgée, laide, mauvaise et veuve, elle peut se transformer en animal sauvage ou en une belle jeune femme afin de séduire et manipuler les hommes. On dit qu’elle attaque les villageois la nuit, particulièrement les nouveau-nés. Elle vit isolée dans des endroits reculés comme les campagnes, les montagnes ou les forêts.

L’archétype de la sorcière ou de la guérisseuse représente la nouvelle lune d’hiver. Incarnée par les sorcières du monde, c’est une femme-médecin qui nourrit son entourage avec une énergie bienveillante. Elle crée des liens solides et authentiques qui guide les autres vers l’amour et l’acceptation. Toutefois, elle peut aussi se trouver confrontée à des difficultés lorsqu’elle se sent responsable de guérir les blessures des autres et qu’elle néglige ses propres besoins. Pour l’incarner, il est important de créer de l’espace pour soi, s’écouter activement, travailler sur ses parts d’ombre et se concentrer sur l’accompagnement plutôt que le contrôle. Il est essentiel de connaître ses intentions lorsqu’on offre son aide et se permettre de dire « non » lorsqu’il est nécessaire.

Jeanne d’Arc : la guerrière, la sorcière et la sainte

Alors que la chasse aux sorcières ne débute qu’en 1560, Jeanne d’Arc sera déjà accusée d’hérésie et brûlée vive en 1441. Elle sera condamnée pour des raisons politiques et pour avoir défié les normes de genre. L’église la canonisera (être reconnue comme sainte) 4 siècles plus tard, en 1920.

Jeanne D’Arc représente l’archétype de « la guerrière » dont nous avons beaucoup à apprendre. La guerrière est énergique, indépendante et lutte pour obtenir une souveraineté et une liberté totale. Son courage et sa confiance en elle font qu’elle n’a pas besoin d’un partenaire pour combattre le patriarcat.

Toutefois, dans sa phase sombre, la guerrière peut se montrer émotionnellement indisponible. Elle peut inconsciemment ou consciemment repousser les personnes qui l’aiment. Elle rejette sa propre vulnérabilité en la considérant comme une faiblesse, et peut donc s’éloigner des autres femmes.

Il existe également d’autres archétypes tels que la femme sauvage, la femme sage, la créatrice, la prêtresse, l’amoureuse ou encore la reine. Ces idées primordiales, se manifestent à travers des symboles pour aider l’âme à les percevoir. Chacun de ces archétypes correspond à un moment clef de la vie. Il est alors possible de l’utiliser comme guide pour franchir de nouveaux caps.

3 – La représentation de la femme à travers le temps

Pendant la Préhistoire et l’Antiquité, la femme a souvent été perçue comme une héroïne. Il a fallu beaucoup de temps avant sa reconnaissance comme une artiste-créatrice à part entière, à l’égal de l’homme. L’image sociale de la femme artiste et de la femme dans l’art a été effectivement dévalorisée pendant longtemps.

À l’époque byzantine, la représentation de la femme passait alors par des icônes de la vierge. Des représentations strictement réglementées, se limitant généralement à montrer une mère avec son enfant, sans aucun élément de décor ou de contexte. Ces icônes mettait donc uniquement en avant la fonction maternelle de la femme.

Le Moyen-âge : la diversité

Cette période s’étend de 476 avec la chute de l’Empire romain jusqu’en 1492. Pendant le Moyen-Âge la représentation de la femme est diversifiée. Elle peut incarner différents rôles tels que celui de moniale, de mère, d’épouse, d’amante ou encore de marchande. Les figurines représentent des femmes idéales et fortes. De nombreuses peintures décrivent l’amour courtois et les manières de courtiser les jeunes femmes à travers des poèmes et des paroles douces. La femme devient alors un objet de dévotion dans l’art chevaleresque.

Ute de Ballenstedt, par le maître de Naumbourg. Un sculpteur anonyme du 13ème siècle qui a incarné un idéal de beauté féminine par les traits, l’harmonie et l’expression du visage, même si les couleurs d’origines sont perdues. Photo par Linsengericht

Ces femmes exerçaient divers métiers tels que brasseuses, forgeronnes, poètes à la cour, enseignantes, marchandes et maîtresses artisanes. De plus, elles étaient propriétaires de terres, souvent grâce à leur dot, qui comprenait des instructions les obligeant à conserver leurs terres, indépendamment de la volonté de leur mari. En sculpture, on peut observer des représentations de scènes du Nouveau et de l’Ancien Testament, des décorations du Christ et de la Vierge. En peinture, les artistes se concentrent sur le réalisme et le naturalisme. Ils créent des fresques et des tapisseries détaillées, représentant la vie et les tâches quotidiennes des villageois ou de la noblesse. Les femmes sont représentées pratiquant leurs activités ou leurs loisirs.

Les disciplines artistiques autorisées aux femmes contribuent également à l’oubli, contrairement à ceux des hommes, les travaux textiles et les enluminures de manuscrits utilisent des matériaux fragiles, sensibles à la lumière, à la moisissure et à la température, qui subissent l’usure du temps due à leur utilisation.

Vierge aux Raisins – Collégiale Saint-Urbain de Troyes (XVe siècle ou vers 1520). Marie est la femme la plus représentée dans le monde catholique, avec son sourire radieux, ses cheveux ondulés et ses traits délicats.

La Renaissance : la soumission

De 1400 à 1600, l’humanité remet en question l’importance de Dieu. À la Renaissance, les femmes vivent dans un monde masculin, soumises à la tutelle, aux pressions et aux dangers. En outre, rarement autorisées à suivre une formation artistique, les femmes devaient passer un examen public avant de pouvoir travailler de manière indépendante.

La peinture de portraits de nobles dames se développe dans les cours européennes. Cela permet de faciliter les mariages et les alliances. Les scènes soigneusement disposées montrent la femme dans son foyer, aux côtés de son mari. Elles contribuent ainsi à l’émergence du modèle de la femme au foyer. Dans le même temps, les femmes deviennent des exemples de beauté, telle que la Mona Lisa de Léonard de Vinci, Les Trois Grâces de Raphaël ou encore la Vénus de Botticelli. Cependant, il existe également des représentations de femmes considérées comme « grotesques » ou « monstrueuses », comme dans l’oeuvre « Vieille femme grotesque » de Quentin Metsys vers 1513. Ainsi, la beauté et la monstruosité coexistent dans l’art pictural.

La Vénus de Botticelli apporte une nouvelle perception de la beauté, avec une jeune femme blonde aux cheveux longs et à la peau claire. Les nus idéalisés commencent donc à apparaître, rompant avec la représentation exclusivement religieuse de la femme.

Sofonisba Anguissola, Lavinia Fontana, Artemisia Gentileschi et Fede Galizia sont des artistes italiennes de la Renaissance. Elles ont réussi à s’imposer en tant que peintres malgré les limitations imposées aux femmes à l’époque. Elles ont marqué l’histoire de l’art, recevant une reconnaissance significative de leur vivant pour leur tableaux. Leurs oeuvres variées vont des portraits aux scènes bibliques et mythologiques, en passant par les natures mortes.

L’homme, quant à lui se trouvait au centre de l’art avec une attention particulière portée au nu et au portrait artistique. Florence a joué un rôle central dans cette période artistique, suivie par Rome qui cherchait à affirmer l’autorité papale. Les Médicis commandèrent à Donatello une statue « Judith et Holopherne ». À la base de celle-ci se lisait « Le salut de l’État ». Une autre inscription aujourd’hui effacée se trouvait sur le piédestal. « Pierre, fils de Cosme de Médicis, dédie la statue de cette femme à la liberté et au courage que donne à la République l’esprit d’invisible résolution de ses citoyens. ». Ici cette figure féminine personnifie les valeurs d’une famille puissante ainsi que celles du peuple.

Properzia-deRossi-Joseph-et-la-femme de putiphar_Bologne, Musée de la basilique San Petronio
Properzia-deRossi-Joseph-et-la-femme de putiphar_Bologne, Musée de la basilique San Petronio

Properzia De’Rossi était une sculptrice hors norme de cette période, connue pour ses talents à sculpter des noyaux de pêche. Son œuvre la plus célèbre est un bas-relief représentant « Joseph et la femme de Putiphar ». Cette œuvre serait autobiographique et évoquerait le scandale d’une femme mariée et de son jeune amant.

Le 17ème et 18ème siècle : la domination et la discrétion

La femme est souvent perçue comme étant délicate, travailleuse, silencieuse et discrète. Au fil du temps, les normes de beauté évoluent. Cependant, les représentations fantasques de la femme continuent de la placer sous la domination masculine.

La sculpture « la Pudeur » réalisée par Antonio Corradini vers 1752 est considérée comme le chef-d’œuvre de l’artiste. Cette sculpture fut créée pour le tombeau de la famille du prince de San Severo, dans l’église de Santa Maria della Pietà dei Sangro. Malgré son nom, la pose sensuelle de la jeune femme ainsi que le voile transparent en marbre, remettent en cause la conception traditionnelle de la pudeur.

Le 19ème siècle : le romanesque

Au 19ème siècle, les artistes mettent en scènes la beauté féminine de diverses manières. Ingres met en avant la beauté des femmes à travers leurs esthétismes et leurs traits. Chez Courbet, un autre idéal de beauté émerge, celui des femmes bien en chair. Quant à Delacroix, il fait de la femme un symbole de liberté. Manet propose des nus qui brisent les conventions. Ainsi la peinture des impressionnistes met en valeur la femme à travers des jeux de lumières tamisées. Dans son oeuvre « Le Sabbat », Francisco de Goya jouant avec une lumière intense, peint un rassemblement de sorcières autour d’un dieu cornu.

En sculpture les artistes s’intéressent aux bacchantes, des servantes du dieu Bacchus dans la mythologie romaine. Elles l’accompagnent lors de fêtes appelées bacchanales. Elles s’y livrent à des délires et des débordements du corps sous l’influence du vin. Les artistes nourrissent une fascination pour leur passion charnelle et leur extase intérieure liées aux festivités romaines. Cette figure devient l’allégorie de la femme moderne et représente une vision plus sauvage de la nudité féminine, contrastant ainsi avec la pudeur de l’époque.

Dans l’oeuvre les « Bacchantes s’enlaçant » de Rodin, les deux femmes représentent la vulnérabilité, le pouvoir et la sensualité. Elles symbolisent une société qui voit les femmes comme des objets de pulsions mystérieux et potentiellement dangereux.

En 1865, on voit apparaître une représentation de la sorcière bien connue de nos jours, avec Émile Hébert et sa sculpture « la Sorcière ». La Sorcière est représenté sur son balai avec tous ses attributs de conte et légende ; une vieille femme, avec un grand manteau flottant au vent, hibou et grimoire.

Le 20ème siècle : l’évolution

La représentation de la femme évolue et se diversifie. Klimt la représente comme une divinité tandis que Schiele déforme ses traits. Picasso la peint comme un sujet pur, et Dali en fait sa muse. La figure de la sorcière quant à elle, connaît un regain d’intérêt. Ceci est notamment dû aux pratiques religieuses païennes ou néo-païennes telle que la Wicca à partir du milieu du 20ème siècle. La sorcellerie n’est pas liée à une religion spécifique, mais rassemble ceux qui vénèrent la nature, ses éléments, ses cycles et son rapport au temps.

De nouveau artistes vont venir interroger les critères et les idéaux des siècles passés. Cildo Meireles avec son installation « La Bruja » de 1979-1981, montre une sorcière différente. Il interroge ainsi notre relation à cette image archaïque en utilisant un balai en bois et de long fils de coton noirs représentant les cheveux. De même, Jeff Koons et sa « Ballon Venus » remet en question notre vision de la mère idéale « pneumatique », plastique, et peut être aussi, consumériste. Duane Hanson revisite ces archétypes avec ses créations « Caddie ». Il montre par exemple avec « Supermarket Lady » la réalité d’une femme au foyer dans une société de consommation occidentale.

Le 21ème siècle : la revendication

Grâce aux mouvements féministes, les femmes jouent désormais un rôle actif dans le domaine artistique, se représentant et affirmant leur position. Des artistes telles que Frida Kahlo avec ses auto-portraits ou Niki de Saint-Phalle avec ses « Nanas » deviennent des symboles de cette nouvelle représentation féminine. Dans l’art contemporain ces femmes, nouvelles sorcières, investissent la scène artistique et abordent des sujets divers tel que le langage corporel, la souffrance, la sexualité, la place et la condition des femmes pour montrer qu’elles ne sont de fait, ni des objets culturels ni des objets de consommation.

Aujourd’hui, la sorcière et tout ce qui s’y rattache fait partie intégrante de la culture populaire, ce qui a considérablement fait évoluer l’image de la sorcellerie. Ces dernières restent représentées de manière fantasmées et sympathique, ce qui est pourtant, très éloignée de la réalité. La vraie sorcellerie est une pratique chamanique basée sur la découverte de soi et de son potentiel créateur. Elle implique une nouvelle façon de vivre, sans préjugés.

4 – Le féminisme contemporain : l’appui de la sorcière

Les mouvements féminins tels que #Meetoo de la fin du 20ème et du début du 21ème siècle trouvent une résonance dans la figure de la sorcière. Dans une ère où les femmes cherchent à affirmer leur pouvoir et dénoncer toutes formes d’abus, la sorcière inspire à se tenir debout et à se ré-approprier son corps, sa voix et ses droits. Elle incarne de fait la force et la résistance, à travers lesquelles les femmes peuvent s’exprimer. Cette sorcière contemporaine, loin des clichés effrayants et maléfiques, incarne une force féministe et écologiste. Elle utilise ses connaissances en herboristerie, en magie ou encore en spiritualité pour rétablir l’équilibre entre l’humain et la nature et pour promouvoir l’autonomie des femmes. Elle est devenue de toute évidence le symbole de la résistance contre le patriarcat et la destruction de l’environnement.

Cette nouvelle représentation des sorcières, s’exprime dans l’art grâce à des artistes femmes qui mettent en lumière leur puissance, leur sagesse et leur connexion avec la nature. On s’éloigne donc des stéréotypes traditionnels pour créer une image plus complexe et respectueuse, qui remet en question les préjugés qui les ont entouré pendant des siècles. Ainsi, la sorcière émerge comme un nouveau mythe, symbole de force féminine et de résistance.

Pendant des siècles les femmes, contraintes de se conformer à des comportements dits « féminins », ont donc été blâmées pour la tentation et la corruption des hommes. La naissance des mouvements féministes a contesté ces stéréotypes et a permis la lutte pour l’égalité des sexes. La représentation de la sorcière devient donc un moyen de libérer les femmes de leurs rôles traditionnels. Elles revendiquent leur autonomie sexuelle et reproductrice. Elles reconnaissent que leur sexe est une source de pouvoir et d’expression de soi. Ainsi toutes ces évolutions amènent aujourd’hui les femmes à reconnaître que leur pouvoir est réel, que leurs voix comptent et que leurs actions sont nécessaires pour créer un monde plus juste et équilibré.

Article écrit en collaboration avec C.M.

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