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Un artiste, une anecdote sur François Pompon, maître de la sculpture animalière mêlant force et douceur.
François Pompon est né en 1855 en Bourgogne dans une famille d’artisans. Son père, Alban, est un menuisier-ébéniste compagnon du devoir et sa mère couturière. À quinze ans, le curé de sa ville natale l’aide à obtenir une bourse pour étudier l’art à Dijon. Cela révélant ainsi son talent précoce pour la sculpture. Il suivra les cours du soir de l’École des Beaux-Arts.
Arrivé à Paris en 1875 après un court passage dans l’armée, Pompon devient ouvrier marbrier dans une entreprise funéraire près du cimetière du Montparnasse. Il poursuit sa formation en architecture, gravure et sculpture à la « Petite École ». C’est l’ancienne appellation de l’École nationale des arts décoratifs. Il y côtoie des artistes tels que Carpeaux, Dalou et Rodin. Pierre-Louis Rouillard lui transmet un enseignement décisif. Il lui permet d’explorer la ménagerie du jardin des Plantes et de se familiariser avec l’anatomie. Pompon poursuit ses études avec Aimé Millet et Joseph-Michel Caillé.
Son entrée officielle au Salon de peinture et sculpture de 1879 le conduit à être embauché comme ornemaniste pour la reconstruction de l’hôtel de ville de Paris grâce à son emploi durable avec Charles-René Paul de Saint-Marceaux. Cette opportunité ouvre les portes de la carrière de François Pompon dans la sculpture animalière.
Malgré son talent, sa carrière personnelle resta modeste, il envoie régulièrement ses œuvres au Salon dès 1878. En 1882, il épouse Berthe Velain, une couturière. Malheureusement, malgré les recommandations de grands artistes, certaines de ses œuvres ne trouvent pas leur public. Sa première pièce de grande taille « Cosette portant un seau » attire l’attention du jury du Salon de 1887.
Il collabore sur le « Monument à Balzac » et travaille avec Camille Claudel de 1890 à 1895. Puis il travaille avec René de Saint-Marceaux jusqu’en 1914. À partir de 1905, François Pompon adopte définitivement la simplification des formes en lissant les surfaces et en éliminant tout superflu de ses œuvres animalières. Il décide de se focaliser exclusivement sur ce thème. En effet il a observé la place des animaux dans les expositions universelles et s’inspire des bronzes animaliers orientaux.
Lors de la guerre de nombreuses espèces disparaissent du Jardin des Plantes. Pompon met alors sa carrière artistique entre parenthèses pour travailler à des emplois alimentaires. Il forge son bestiaire en explorant les rapports entre lumière, matière et espace à travers les attitudes qu’il donne à ses sculptures. Sa discrétion naturelle et son dévouement à son art transparaissent dans chacune de ses œuvres.
La « Poule Cayenne », premier modèle animalier de Pompon créé en 1906 et édité par A.-A. Hébrard, n’a été vendue qu’à raison de deux exemplaires par an entre 1906 et 1918. Cela a obligé Pompon à continuer de travailler pour ses confrères pour subvenir à ses besoins. Son style, plus proche de Constantin Brancusi, que d’Antoine-Louis Barye lui a valu une grande demande à Paris, notamment Antonin Mercié, Alexandre Falguière.
Pompon commence à se faire connaître en 1919 en vendant une « Tourterelle » en pierre taillée au Musée du Luxembourg. C’est à l’âge de 67 ans que l’artiste obtient enfin son premier succès public en 1922 avec la sculpture de l’« Ours blanc », présentée au Salon d’Automne. Inspiré par l’art d’Extrême-Orient et le japonisme, il puise aussi dans l’art égyptien antique du Louvre. Ses œuvres, marquées par une volonté de synthèse, marquent une rupture dans la sculpture animalière et la font entrer dans l’ère de la modernité. Pompon revient sur le devant de la scène artistique lors du Salon d’Automne de 1923, avec une exposition remarquée mettant en avant un impressionnant Ours polaire en marbre.
Pompon n’était pas reconnu comme un créateur ou un leader d’un mouvement artistique, car il n’avait pas la réputation d’avoir formé des élèves. Cependant, à l’instar de Barye avant lui, il a développé un style artistique novateur qui a influencé de nombreux artistes et il devient une référence dans le monde de l’art. Sa capacité à capturer l’essence des créatures en une forme lisse et simplifiée est saluée, marquant ainsi le début d’une nouvelle ère sculpturale.
Pompon est renommé pour ses sculptures d’animaux sauvages. Il s’aventure également à représenter des espèces moins prestigieuses, telles que le « Dindon » avant 1925. Un sujet difficile à traiter en raison de son plumage complexe et de ses détails physiques. Pompon parvient toutefois à synthétiser ses recherches pour donner à l’animal une nouvelle dignité.
La crise de 1929 aux États-Unis et l’invasion de la Pologne par les nazis dans les années 1930 créent des bouleversements sur marché de la sculpture. Pompon s’adapte et se concentre sur la sculpture animalière en fonte ancienne. À l’instar d’Edouard Marcel Sandoz, il répond ainsi aux attentes d’une clientèle aisée. Les coûts élevés liés à l’augmentation du prix des matières premières, notamment le cuivre, limite la production. Les artistes utilisaient souvent la technique de la cire perdue pour réaliser leurs œuvres en bronze. Malgré les perturbations causées par ces crises, la rareté de ces sculptures les rendaient très prisées par une élite de collectionneurs et d’amateurs d’art.
En 1931, François Pompon introduit une forme de sculpture moderne et stylisée. Il marque une rupture avec les standards classiques et la Société des Artistes Animaliers Français. Cette évolution aboutit à la création du « Groupe des Douze », au sein duquel Pompon et Jane Poupelet jouent un rôle important. Pompon expose des œuvres telles que le « Grand Pélican », le « Petit Taureau », un « Lévrier » et le « Corbeau ». Jane Poupelet y expose son « Ânon ». Ces sculptures, ainsi que celles d’autres artistes animaliers, trouvent une nouvelle reconnaissance dans les galeries dédiées aux Arts Décoratifs.
La « Grande panthère noire », sculptée à demi-grandeur par Pompon, est l’une des œuvres les plus imposantes après le « Grand Ours ». De 1921 à 1925, Pompon crée de multiples croquis et maquettes de cette panthère. Il s’inscrit ainsi dans sa volonté de développer son bestiaire en grande dimension à la fin des années vingt. Malheureusement, en raison de son âge avancé et de sa maladie à partir de 1928, Pompon voit sa puissance de travail diminuer. Cela l’empêche d’assurer pleinement le développement par agrandissement pour d’autres modèles.
Malgré tout, la Grande panthère noire illustre une simplification extrême des formes. Pourtant elle préserve le style hiératique néo-égyptien et le naturalisme français propres à l’artiste. Ce félin, animé d’une puissante et furtive dynamique, est une des études les plus abouties du bestiaire de l’artiste. Des bronzes sont exposés au Salon des Tuileries et au Salon d’Automne en 1931. De plus un exemplaire est envoyé à la Biennale de Venise de 1932. La Grande panthère noire demeure intemporelle et monumentale, représentant un modèle jugé important par Pompon lui-même. Il se prendra en photo, posant avec fierté devant son œuvre.
François Pompon décède sans enfant en 1933, léguant près de 3000 œuvres à l’État. Elles sont visibles au Musée des Beaux-Arts à Dijon et au musée François Pompon de Saulieu. Avec la sculpture animalière l’Ours Blanc au Musée d’Orsay de Paris auquel il a consacré 10 ans, François Pompon nous transporte toujours dans un univers calme et serein. Un univers propice à la réflexion et à la méditation, tout en étant un magnifique exemple de persévérance.
Au revoir et à bientôt pour une nouvelle anecdote !