Podcast: Download (Duration: 10:49 — 12.5MB)
S'inscrire au podcast via une plateforme Apple Podcasts | Spotify | Android | Deezer | RSS
Un artiste une anecdote sur Henry Moore, un géant de la sculpture aux formes naturellement érodées.
Henry Spencer Moore, né le 30 juillet 1898 à Castleford est renommé pour ses œuvres abstraites et organiques. Il a également exploré la sculpture animalière, transformant des objets trouvés en sculptures évocatrices de la nature animale. Il exprime ainsi la connexion entre l’homme et son environnement.
Henry est le septième d’une famille de huit enfants. Son père, ingénieur des mines et sous directeur d’une mine de charbon, encourage ses enfants à étudier. Malgré son talent artistique précoce, il souhaite à Henry une autre carrière. Moore devient enseignant à la Castleford Grammar School, à laquelle il avait lui-même été élève.
En 1916, à l’âge de 18 ans, Henry Moore s’engage volontairement dans l’armée. Il est blessé lors d’une attaque au gaz en France l’année suivante. Après son rétablissement, il exerce en tant qu’entraîneur sportif pour le reste de son service. À l’issue de la guerre, il reprend ses études à la Leeds School of Art, s’immergeant dans l’exploration de la sculpture et du modernisme. En 1921, Moore reçoit une bourse d’étude au Royal College of Arts de Londres. Il se consacre à l’étude des œuvres de Michel-Ange. Il sculpte « Small Animal head », laissant volontairement le flou sur les traits afin de ne pas identifier un animal en particulier.
Moore voyage à Paris en 1923 et y rencontre Aristide Maillol et découvre les œuvres de Cézanne. En 1924, nommé professeur du Royal Collège of Arts (RCA) de Londres, il voyage en Italie grâce à une bourse. Sa découverte du Chac Mool en 1925 à Paris influence grandement son travail.
À partir de 1926, il se consacre pleinement à la sculpture, imprégné des diverses influences artistiques rencontrées dans les musées anglais, français et italiens. Il adopte la technique révolutionnaire du « Direct carving », la sculpture directe, taillant ses œuvres sans modèle préalable. D’autres artistes tels que Barbara Hepworth et John Skeaping adoptent cette approche novatrice.
Toutefois, laissant la tradition classique, il se tourne vers des œuvres précolombiennes, africaines, égyptiennes et étrusques, des sources d’inspiration primitives. Ses premières sculptures reflètent ces diverses influences. Sa pratique de la sculpture directe révolutionne l’art britannique. Il se concentre en effet sur les aspects esthétiques de la forme et les interactions entre l’humain et son environnement naturel. Le passage au bronze lui permet des reproductions et de répondre à des commandes publiques. Cela renforçant ainsi sa renommée auprès d’un large public.
Moore organise ses premières expositions en 1928 et 1931. Cette dernière suscite un certain scandale, entraînant la perte de son poste d’enseignant mais lui assurant une reconnaissance. Ses premières commandes arrivent, la première sera « West Wind » en 1928, installée au-dessus de l’entrée du siège du métro de Londres.
En 1929 Henry Moore épouse Irina Radetsky, étudiante au RCA, qui posera pour lui. Ils emménagent à Hampstead, un quartier où se retrouvent plusieurs artistes avant-gardistes ainsi que des critiques d’art. Une période qui s’avérera créative et qui marquera un changement de technique. L’artiste passe en effet à la fonte de bronze à partir d’un original en terre ou en plâtre.
En 1932, Henry Moore assume le rôle de responsable du département de sculpture à la Chelsea School of Art de Londres. Mais avec le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, l’école doit fermer ses portes. En 1936, Moore devient membre de Unit One, un collectif surréaliste britannique. Son intérêt pour le biomorphisme commence à se manifester. Malgré son refus d’être considéré comme un artiste surréaliste, ses sculptures évoluent vers l’abstraction tout en conservant une forme figurative bien identifiable.
La force initiale de la sculpture de Henry Moore réside dans son intégration sérieuse des arts primitifs à son travail. Il rejoint en cela le travail de Brancusi, au delà de l’esthétique, tout en suivant une autre direction. En développant des sculptures à la fois abstraites et figuratives, il écarte l’anthropocentrisme des arts plastiques. C’est ainsi qu’il crée « Forme couchée » en 1938. Inspiré par les arts néolithiques, étrusques, cycladiques et mayas, Moore insuffle une forme humaine à ses sculptures tout en les reliant à des éléments naturels observés dans sa région natale du Yorkshire. L’artiste exprime ainsi son intérêt pour la figure humaine et les éléments formels et rythmiques présents dans la nature environnante.
En septembre 1940, après un bombardement, Henry Moore et sa femme quittent leur studio à Hampstead pour s’installer dans le Hertfordshire. Les croquis réalisés pendant les bombardements se verront publiés en 1945 sous le titre de « Shelter Sketchbook ». Ils sont reconnus pour leur poignante illustration des horreurs de la guerre. Il expose ses œuvres dans de nombreuses galeries, y compris la Leicester Gallery à Londres et la Warren Gallery. En 1946, sa fille Mary, vient au monde. La même année il expose une rétrospective au MoMA à New York. En 1948, Henry Moore remporte le grand prix de la Biennale de Venise, ce qui donne une dimension internationale à sa carrière.
Dans les années 1950, la sculpture de Henry Moore se destine à des espaces publics. Il étudie les animaux et les créatures fantastiques dans le cadre de sa pratique sculpturale. Il travaille ainsi sa compréhension de l’anatomie animale et son exploration de leur essence créative. L’artiste donne naissance à des sculptures évoquant la métamorphose de la nature. Dans son atelier Moore conservait sa « Librairie de formes naturelles » : des étagères pleines de pierres trouvées, d’ossements, de coquillages. Cela montre son désir de cette matière naturellement érodée par le temps.
La sculpture « Animal Head » en est l’exemple même. Dévoilée en 1951 lors de la première exposition solo de Henry Moore à la galerie Leicester, sa conception asymétrique percée de trous suggère la forme d’un crâne. Moore ne vise pas une précision anatomique stricte. Cette œuvre originale en plâtre servira ensuite de base pour des versions en bronze, mais l’artiste trouvera le résultat trop lourd visuellement pour cette œuvre.
Le travail prolifique du sculpteur a été largement présenté à l’international. Plusieurs expositions ont eu lieu, en 1949 et 1977 à Paris, en 1978 et 1983 à Londres, en 1979 à Bonn, et en 1982 à Séoul. Dès le début, ses œuvres se distinguent par leur caractère à la fois monumental et aérien, intégrant des caractéristiques mégalithiques avec des perforations et des volumes encastrés. Moore adapte sa technique selon ses besoins, la taille directe du matériau pour exploiter ses défauts initiaux sans les dissimuler ou encore le plâtre modelé puis taillé.
Son art incarne l’optimisme de l’après-guerre à travers des sculptures humanistes, lisses et arrondies, évoquant les notions de confort et de réconciliation recherchées à cette époque. Il reste toutefois marqué par la violence de la Seconde Guerre mondiale comme en témoigne « Falling warrior » en 1956. Moore revisite la figure de la maternité avec « Seated Figure against Curved Wall » produite entre 1956 et 1957. Il crée « Animal Form » en 1959 pour la Zoological Society of London, cette œuvre servira de récompense au Stamford Raffles award.
La sculpture de Henry Moore a conservé ses influences tout au long de sa carrière. Toutefois, elle a évolué progressivement vers une abstraction de plus en plus prononcée, comme en témoigne « Oval Sculpture » en 1964 et « Torso » en 1966. Cependant, face aux préoccupations du monde qui l’entoure, Moore crée « Atom Piece » en 1964. Parmi ses grandes pièces « Locking Piece » en 1964 interroge sur son origine. Galets ou vertèbres emboîtés, elle démontre encore cette recherche de la forme naturelle rappelant toutes les formes naturelles.
Vers la fin des années 1970, ses sculptures s’exposent dans plus de quarante expositions. En 1978 après l’exposition à la Serpentine Gallery Moore fera don de l’œuvre « The Arch » au Kensigton Gardens à Londres. Dans un premier temps en fibre de verre, la sculpture sera refaite en marbre par l’artiste, un matériau plus durable.
En 1983, l’historien de l’art W.J. Strachan publie son livre « Henry Moore : Animaux ». Selon lui les « têtes d’animaux » de Moore figurent parmi ses créations les plus originales et les plus troublantes. Moore a peut-être réussi à insuffler à « Animal Head » un malaise « hanté » car le sujet de la sculpture était zoologique plutôt qu’humain. Parmi les différentes distinctions reçues, Moore acceptera d’être décoré de la Légion d’honneur par François Mitterand en 1984.
Convaincu de l’importance sociale de l’art, il fait don de ses œuvres à des institutions afin de les rendre accessibles. Henry Moore a éclipsé de nombreux artistes britanniques en raison de sa forte présence. Il est alors largement considéré comme faisant partie de l’establishment. Pourtant cela ne tient pas compte de son refus de rejoindre la Royal Academy ainsi que du titre de chevalier en 1950.
Après 50 ans de production artistique et une présence culturelle unique, Henry Moore décède le 31 août 1986 chez lui à Much Hadham. Il est le deuxième artiste moderne britannique le plus cher après Francis Bacon. En 2012, sa sculpture « Reclining Figure : Festival » se vend à 25 millions de dollars. La Fondation Henry Moore, établie par l’artiste en 1977, perpétue son héritage en soutenant les artistes contemporains et en utilisant sa maison comme espace muséal.
Au revoir et à bientôt pour une nouvelle anecdote !