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Inde : Un art entre tradition, modernité et spiritualité

Je suis allée en Inde et mes références on complètement volé en éclat ! Loin de moi l’idée de résumer ce pays grand comme 6 fois la France. Je livre ici une expérience ponctuelle dans le temps et la géographie. Tout d’abord, avant mon départ un événement m’a demandé de relativiser certaines notions. Il peut y avoir du chaos dans l’esthétique. Comme une préparation en somme afin d’apprécier, ou du moins ne pas être complètement décalée par rapport aux événements du voyage.

L’art du lâcher prise

Un sentiment océanique

J’avais déjà entendu parler du sentiment océanique, décrit comme une sensation mystique spontanée. Elle implique l’impression de faire partie intégrante du monde extérieur, sans limites. Romain Rolland le décrit comme une expérience intérieure qui permet un renouvellement vital. Il n’est toutefois pas restreint par des institutions religieuses et des dogmes. Le sentiment océanique est une expérience spirituelle qui peut être vécue indépendamment de la société.

Après trois avions et des heures de transit, nous n’avions alors plus nos repères habituels à l’arrivée. À cela s’ajoute la notion d’un temps différent : tout est beaucoup plus « lent » ! C’est un peu dérangeant au début. Puis cela devient une occasion d’accueillir tout ce qui arrive avec beaucoup plus d’harmonie, et une certaine plénitude. Une temporisation qui permet d’être beaucoup plus près de son ressenti personnel. D’ailleurs j’ai écrit à mes amies et amis : « Ici on est entre enfer et paradis : au milieu, comme suspendu un temps pour se rapprocher de soi ».

Au cours de ce voyage, j’ai séjourné à Pondichéry. Assise à l’arrière d’un rickshaw au milieu de la circulation je décide alors de filmer et de partager. C’est fou ce slalom entre les « street-dogs », les vaches sacrées, les bus, les rickshaw, les piétons, les motos. Une amie de longue date me répond : « C’est dingue cette circulation, si peu de voitures… Et pourtant ça a l’air plutôt calme ». Effectivement on a l’impression de faire partie d’un film. Cette folie bouillonnante serait fausse, et on ne craindrait rien car on sent où on entend le calme derrière le bruit.

Vellai Thamarai, le Lotus Blanc

Bien entourée et surtout venue pour une activité précise : une intervention à Vellai Thamarai. C’est une association avec un volet éducatif, social, culturel, écologique. L’école accueille les enfants d’un village proche de Pondichéry et leur prodigue une éducation basée sur un développement global. L’association soutient également les paysans du village. Elle trouve ses financements par l’organisation de formations en Yoga et Ayurveda en Inde et en France, et également par des dons. Cliquez ici pour soutenir leurs projets.

J’ai proposé un atelier origami, une activité en volume originale ne nécessitant pas beaucoup de matériel (du papier et un espace). Elle peut aussi être rapide selon les modèles choisis. J’ai présenté mon livre des « Créatures cachées, clin d’oeil à Esope » en m’appuyant sur ma sculpture du « Lion et du rat » en bronze. Mon but : ouvrir leur réflexion sur la diversité que peut utiliser un artiste pour créer. J’ai surtout insisté sur le fait d’apprendre, et également s’émanciper de ce que l’on nous transmet pour être unique et faire des œuvres personnelles qui nous ressemble. Nous avons passé un incroyable moment avec des enfants pleins de vie et dans la curiosité de rencontrer des choses nouvelles.

Les enfants en Inde sont exactement les mêmes que partout ailleurs. Quand j’ai du mettre en place cet atelier, certains avaient naturellement des facilités. D’autres avaient plus de mal à se concentrer. Les filles s’avèrent très disciplinées et très à l’écoute. Cela est certainement dû au fait que comme ailleurs elle sont en général soumises à certaines injonctions sur la posture à tenir et le sérieux à avoir. L’école compte aujourd’hui environ 50% de filles, à sa création en 2006 ce nombre était bien plus faible.

Auroville : un lieu propice à la création

Auroville est une œuvre à elle seule, revenons sur sa genèse. Vision de Sri Aurobindo concrétisée par la Mère, Auroville se veut une ville égalitaire dans laquelle chacun a le droit de citer et s’installer tant qu’il se sait chercheur de la vérité suprême. Chacun apporte donc sa pierre à l’édifice par sa recherche et son travail. Auroville n’appartient à personne et à tout le monde. Toutefois des questions semblent interférer avec son objectif originel et ce depuis de longues années. Il y a plusieurs raisons à cela. Entre les récupérations politiques, les comportements de certains, on s’écarterait de la vision d’origine.

Tout de même, ce lieu est propice à la création. Par son impulsion de départ, ses plans, sa direction, le mouvement s’y inscrit. Pourtant sur place on y voit pas grand chose tant la végétation est dense. Et pour se rendre compte du travail accompli, il faut se pencher sur les débuts : une terre vide, désertique transformée en un endroit luxuriant. Ainsi l’environnement amorti le bouillonnement du mouvement.

Nous y avons rencontré des œuvres contemporaines extrêmement originales comme « Ganesha » de Charles Zanon, un sculpteur européen installé là bas. Vous pouvez la découvrir en vidéo sur Instagram et sur TikTok. J’ai pu apprécier au Centre d’Art Auroville le message et l’humour de cet artiste et sa piscine en puzzle, la recherche dans « Amulets » liant une description à une œuvre qu’il faut trouver.

L’art indien

Le terme « Art indien » est utilisé dans le domaine de l’histoire de l’art pour englober et analyser les diverses formes artistiques créées dans les régions historiques du sous-continent indien. Cela inclut donc les œuvres d’art provenant de l’Inde, du Sri Lanka, du Bangladesh, du Népal, ainsi que des régions actuelles du Pakistan et de l’Afghanistan.
Cet art remonte à des millénaires, avec des traces retrouvées dans l’art préhistorique. Les pétroglyphes (dessin gravé dans la roche) de Bhimbetka, vieux de plus de 290 000 ans, sont les exemples les plus anciens. Les peintures rupestres, qui représentent des animaux et des humains, datent d’environ 7 000 ans avant J.-C..

La civilisation harapéenne

La civilisation harapéenne, ou civilisation de la vallée de l’Indus, a couvert une période de 3200 à 1900 ans avant J.-C. Malgré sa taille et sa sophistication elle ne présentait pas d’art public à grande échelle. Néanmoins, les habitants de cette civilisation ont créé les sculptures les plus anciennes connues dans l’art indien. Ils ont représenté des animaux et des humains sous forme de petites figures en terre cuite, pierre, bronze, cuivre. À l’image d’une statuette représentant une jeune femme nue et parée trouvée en 1926 dans une maison de Mohenjo-daro. Actuellement ces sculptures sont préservées au musée national de New Delhi, dans le Rajasthan. Des fouilles archéologiques suivent leur court, nous n’avons donc pas fini d’en apprendre sur eux.

L’influence de la religion

Les religions, en particulier l’hindouisme et le bouddhisme, ont joué un rôle central dans la création artistique indienne depuis des siècles. Les divinités comme Shiva ou Bouddha ont été représentées de manière monumentale. Le Jaïnisme, le Sikhisme et l’Islam ont également eu un rôle significatif sur la création de ces divinités en pierre.

Art et religion sont étroitement liés dans la société indienne. La sculpture a principalement une dimension religieuse, elle se distingue par des caractéristiques communes à tous les genres et époques. Les sculptures indiennes comprennent de nombreux portraits de femmes et d’hommes, déesses et dieux représentés en entier, en buste ou parfois seulement la tête. Ces œuvres dégagent toujours une grande dignité. Elle représente des personnages dans la plénitude de leur jeunesse et de leur âge adulte, excluant généralement la vieillesse, la maladie, la mort et les imperfections physiques. Les types sont idéalisés, sans être trop académiques. Le nu est à peine dissimulé par des vêtements drapés, légers, mettant en valeur le corps humain que les artistes indiens ont particulièrement apprécié représenter. De même, ils excellent dans la représentation des animaux, étant considérés parmi les meilleurs animaliers du monde.

Des temples richement décorés

L’architecture était également dominée par les édifices religieux, notamment les temples hindous avec leurs tours en forme de pyramides tronquées et leurs décorations élaborées. Cependant, de nombreux temples subiront la destruction sous la domination musulmane en raison de leurs décorations jugées érotiques, entre autres raisons.

La pierre, noble

Vers le 3ème siècle avant J.-C., les sculpteurs ont adopté la pierre, matériau noble. Le Mahabalipuram, situé sur la côte est non loin de Chennai, en est un bel exemple. On y trouve le « Shore temple » temple construit, « La pénitence d’Arjuna » ou « La descente du Gange » sculptée dans la roche, des temples excavés richement décorés de sculptures taillées dans la masse, et des sculptures naturelles comme la « Krisna’s Butter Ball ».

Le ciment, moins cher

Aujourd’hui par contre le ciment constitue la matière première des sculptures des temples car moins cher. Les temples contemporains sont tout de même haut en couleurs comme par exemple le temple de Shiva à Murdeshwar dans l’état du Karnataka dans le sud de l’Inde. Au dessus, haute de ses 37 mètres figure la 2ème plus grande statue au monde dédiée à cette divinité. Vous pouvez la découvrir en vidéo sur Instagram et sur TikTok. Afin de pénétrer dans le temple, on passe sous le RajaGopuram, le plus haut avec ses 20 étages et 75 mètres. De même les temples de Ganeesha et Shiva à Pondicherry, on peut voir la diversité des sculptures et des couleurs. Richement décorées, ces constructions servent à symboliser les dieux, très visibles, en contraste avec le cœur du temple bien plus petit et discret.

La colonisation de l’Inde par les britanniques a impacté l’art indien en introduisant des styles européens. Cela a créé un style indien romancé répondant à la demande européenne. Après l’indépendance de l’Inde en 1947, l’art indien contemporain est devenu international et expérimental tout en gardant des références à l’histoire artistique du pays.

L’art indien contemporain

Contrairement à l’idée que l’art contemporain a abandonné la spiritualité, il semblerait qu’elle soit au contraire au centre des préoccupations de nombreux artistes de nos jours. Au-delà des croyances et des doctrines, des notions telles que le sacré, le spirituel, la sagesse, le religieux et même le mystique réapparaissent dans les œuvres actuelles comme des enjeux artistiques majeurs, prenant différentes formes.

Ainsi, l’art contemporain peut se concevoir comme une expérience transformatrice, tant pour l’artiste dans sa pratique que pour le spectateur, une ouverture à d’autres façons de vivre et d’être. Il s’agit de se connecter à des forces supérieures. Il s’agit également de découvrir le sacré dans tout : les tenues, les rituels, les sculptures. L’art peut être conçut comme une forme de spiritualité qui dépasse les dogmes et les croyances.

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« Steel tree with utensils » sculpture par Subodh Gupta – photo Eatcha

Subodh Gupta

L’œuvre de Subodh Gupta puise ses sources dans la culture indienne, en particulier dans la vie quotidienne et les objets du quotidien. Il utilise des matériaux courants tels que l’acier inoxydable et les ustensiles de cuisine pour créer des sculptures monumentales. Ses installations et ses sculptures reflètent ainsi la réalité sociale et économique de l’Inde contemporaine. Les thèmes de la nourriture, de la migration, de la transformation et de la spiritualité leurs sont souvent associées. Empreintes d’un sens profond du politique, elles questionnent les inégalités et les contradictions de la société indienne. Un exemple est l’œuvre « Very Hungry God », un crâne de 6 mètres de haut composé d’ustensiles de cuisine soudés. Ensuite « God Hungry », une véritable cascade de vaisselle inox en rappel du tsunami de 2004 qui a atteint l’Inde.

Aujourd’hui, Subodh Gupta est considéré comme l’un des artistes les plus importants et influents de la scène artistique contemporaine indienne. Son travail est présent dans de nombreuses collections d’institutions renommées, telles que le Centre Pompidou à Paris et le Museum of Modern Art à New York. Son aptitude à transformer des objets de la vie quotidienne en œuvres d’art interroge les frontières entre l’art et la réalité.

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« Cloud Gate » sculpture par Anish Kapoor – photo Wolfgang R. Zissler

Anish Kapoor : une relation complexe avec l’Inde

Anish Kapoor est un artiste britannique d’origine indienne, né d’un père hindou originaire du Pendjab et d’une mère d’origine juive née à Bagdad et ayant vécu en Inde pratiquement depuis sa naissance. Il passe ses premières années à Mumbay puis à la Doon School à Dehra Dun. Il commence à étudier le génie électrique et décide de devenir artiste. Anish Kapoor part alors en 1973 pour la Grande-Bretagne. Il poursuit ses études au Hornsey College of Art et au Chelsea College of Arts, influencé par Paul Neagu.

Kapoor évite les interprétations new age et ne fait plus référence à la spiritualité indienne. À partir de 1998, il fait appel à Homi Bhabha, un universitaire indien spécialisé dans le post-colonialisme, pour interpréter son travail. Bhabha voit Kapoor comme un artiste de la culture mondialisée, dont l’œuvre est universelle et postmoderne.

L’artiste crée des kasinas, des objets qui unifient la pensée et l’objet. Ces kasinas représentent différents éléments, couleurs, espace et lumière. Les œuvres en acier poli de Kapoor déforment l’environnement et créent des illusions optiques. Les œuvres évoquent l’infini et jouent avec le vide et le plein. L’artiste exploite une grande variété de matériaux dans ses créations, réalisant des cavités sans fond et donnant ainsi l’illusion d’un effondrement de l’espace.

Refusant l’étiquette d’artiste asiatique, il rejette également le rationalisme et le formalisme de l’école contemporaine anglaise. Kapoor cherche ainsi à éviter l’exotisme et l’assimilation pure, en mettant l’accent sur la fabrication de l’émotion esthétique.

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Statue de l’unité – photo Bishnu Sarangi

La statue de l’unité entre art et polémique

Située dans l’État du Gujarat en Inde, la Statue de l’Unité représente Sardar Vallabhbhai Patel. Plus haute statue au monde, mesurant 182 mètres, sa construction débute en 2013. Son inauguration a lieu en 2018.

Ce projet a vu le jour sous l’impulsion de Narendra Modi. Il était alors gouverneur de l’état du Gujarat avant de devenir premier ministre du pays. Cependant plusieurs aspects suscite la critique. Par exemple la collaboration avec une société chinoise pour le revêtement en bronze de la statue. De même l’utilisation de l’image d’un opposant à la glorification individuelle. Ou encore la priorisation de cette statue par rapport aux besoins du pays en matière d’éducation, d’infrastructures, de santé. Certains voient dans ce projet une tentative visant à récupérer des faits dans l’histoire de l’indépendance de l’Inde à des fins de propagande politique nationaliste.

La vie est un mystère qu’il faut vivre et non un problème à résoudre

Finissons sur une œuvre qui peut réunir et réjouir.

Située sur Beach road à Pondichéry voici la statue du Mahatma Gandhi, réalisée en 1965 par Roy Choudhary. C’est un Gandhi en marche avec son bâton. Avec ses 4 mètres de hauteur, elle fait partie des plus grandes réalisées à ce jour. Elle a remplacé celle du Maréchal Dupleix alors gouverneur de ce qui était le comptoir français de Pondichéry. Découvrez-la en vidéo sur TikTok, Instagram, Pinterest.

Statue du Mahatma Gandhi à Pondichéry
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