L’art miniature est une facette captivante de la création artistique. Il invite à une reconsidération de la perception et de l’échelle. À travers des détails méticuleusement travaillés, il offre une nouvelle perspective sur les objets et événements du quotidien. Cet art transforme l’ordinaire en quelque chose d’extraordinaire.
Des artistes comme Liliana Porter, Gaspard Mitz et Derrick Lin, grâce à la simplicité de leurs matériaux tels que le papier, les figurines ou même les fournitures de bureau, transcendent la banalité pour évoquer des récits empreints d’émotion et d’humour. Leurs œuvres invitent le spectateur à une pause contemplative, un moment hors du temps.
L’aspect ludique et poétique de cet art ne masque pas sa profondeur. Il pousse au contraire à une introspection sur la mémoire, le passage du temps et la place des éléments souvent négligés de nos vies. Parallèlement, des artistes comme Michel Paysant et Salavat Fidai, grâce à l’intégration de technologies innovantes et à la précision extrême de leur technique, repoussent les limites de ce que peut réaliser l’art miniature.
L’art miniature fabrique des histoires
Liliana Porter : un quotidien miniature
L’artiste argentine Liliana Porter propose des œuvres avec une humilité remarquable. En lien avec l’Arte Povera, elle utilise des matériaux simples comme du papier froissé et des figurines chinées. Ses créations mettent en scène des personnages modestes, tels qu’une petite balayeuse dans l’installation « To sweep ». L’artiste explore des médiums variés, de la gravure à la vidéo, avec une récurrence du motif de la ligne. « Tejedora » en 2017 présente un fil de coton tendu. Tandis que « Untitled at Sea » en 2018 évoque l’expressionnisme abstrait avec un bateau jouet risquant de sombrer. L’exposition souligne un équilibre subtil entre rigueur conceptuelle et humour, tout en offrant une vision poétique et ludique du quotidien.



Avec un jeu d’échelles elle interroge le temps, la mémoire. Elle met la lumière sur la place de personnes souvent invisibles, comme les ouvriers et les femmes de ménage. L’artiste propose un dialogue entre les détails de la vie et l’immensité du monde. Elle encourage le public à reconsidérer les aspects familiers du quotidien sous un regard neuf et subtil.
Gaspard Mitz : histoires miniatures en boîte
Gaspard Mitz, artiste autodidacte originaire de Paris, conçoit des sculptures sous forme de boîtes. Des figurines miniatures y interagissent avec des œuvres d’art célèbres. Sa série de créations, les « Box Stories » débute en 2010 avec l’idée originale d’un cadeau pour un anniversaire. L’artiste à l’idée d’un récit en trois dimensions présenté comme une boîte à musique narrative. Ces petites scènes mettent en vedette des personnages de deux centimètres dans des situations humoristiques et inattendues. Elles sont souvent inspirées par des références à l’histoire de l’art, au cinéma et aux jeux.


Mitz est influencé par des objets tels que les boîtes à musique, les œuvres de Joseph Cornell, ainsi que l’esthétique japonaise. L’artiste utilise des matériaux comme le bois et le carton plume pour ses scènes à la fois drôles et poétiques. Fabriquées en édition limitée à Paris, chaque box est soigneusement signée, titrée et numérotée. Présentées dans un coffret en bois avec verre anti-reflets, elles trouvent leur place dans des galeries et foires d’art contemporain en France et à l’international. Elles offrent ainsi une expérience ludique et riche en réflexion.
Derrick Lin : poésie et apaisement au bureau
Derrick Lin utilise des objets quotidiens comme des crayons, cahiers et tasses pour créer des scènes miniatures réalistes. En intégrant de petites figurines, Lin parvient à capturer un monde miniature fascinant.
Ses dioramas miniatures transforment les fournitures de bureau banales en scènes apaisantes et poétiques. Lin utilise des objets quotidiens tels que des trombones, des crayons, et des livres empilés pour créer un contraste saisissant avec l’agitation typique d’une vie professionnelle en agence. Ces dioramas évoquent souvent des moments de tranquillité. Ils sont peuplés de figurines miniatures vivant des situations diverses entre marches sur un trottoir bordé de cerisiers en fleurs et la fréquentation d’aéroports bondés.
À travers ses œuvres, Lin explore des thèmes subtils tels que la solitude, la santé mentale, et la gentillesse. Il cherche à mettre en lumière des pensées et des émotions que beaucoup gardent pour eux, reflétant ainsi sa propre réalité et les dynamiques qu’il observe autour de lui. Sa photographie, empreinte d’humour et de fantaisie, invite à une réflexion sur ces vécus souvent tus.
En utilisant sa table de bureau comme toile de fond pour ses scénarios, Lin inclut parfois des éléments comme une tasse de café en arrière-plan, renforçant ainsi l’authenticité et la familiarité des scènes. Ses œuvres, partagées sur son profil Instagram @marsder, résonnent largement avec son public, qui apprécie la joie et le calme qu’elles apportent.
Ronan-Jim Sévellec : mémoire et émotions
Ronan-Jim Sévellec est né en 1938 à Brest. Fils du renommé peintre Jim Sévellec, réputé pour son titre de peintre officiel de la Marine, il commence très jeune à s’initier à la peinture et au modelage. Parmi les nombreuses disciplines artistiques, il choisit de se consacrer à la sculpture, qui devient alors son principal mode d’expression. En 1989, il dévoile pour la première fois ses « boîtes » au caractère surréaliste.




Plus que de simples récits, ces créations évoquent des émotions et des atmosphères, souvent inspirées par de subtiles impressions du quotidien. Ses œuvres reflètent une mémoire collective sans jamais rétablir la réalité. À travers ses ateliers, ses maisons bourgeoises et ses magasins, Sévellec invente des espaces mentaux et imaginaires, figés dans le temps. Chaque boîte commence par un objet qui guide l’ensemble de la création. Sans recourir à des croquis préliminaires, l’artiste donne à chaque élément, qu’il s’agisse d’un livre, d’une table ou d’une assiette, une existence et une autonomie distinctes.
Le désordre apparent dans ses espaces habités rappelle un puzzle à assembler, favorisant ainsi une lecture libre et symbolisant notre passage à travers un univers condensé. Ses boîtes, imprégnées de rêve et de poésie et garnies de décors, d’ustensiles et de meubles, représentent pour lui une façon de « créer des jeux pour l’enfant qu’il a été ». En véritable naturaliste, l’artiste piège des fragments de vie dans une esthétique qui trouve écho à la fois dans l’intime et l’universel.
L’art miniature joue avec la nourriture
Christopher Boffoli : un monde miniature savoureux
Il est probable que Christopher Boffoli ait été empêché de jouer avec la nourriture durant son enfance, ce qui est compréhensible. Cependant, il semble qu’il se rattrape aujourd’hui en créant des scènes miniatures où des CRS installent des barrages avec des frites, des vacanciers pagaient sur du lait et des ouvriers repeignent d’immenses asperges.
Photographe d’art basé à Seattle, il est reconnu pour sa série « Big Appetites ». De minuscules personnages humains y interagissent avec des environnements alimentaires réels. Né à Worcester, Massachusetts en 1969, il a initialement commencé sa carrière dans la photographie commerciale et le financement philanthropique. Un accident d’escalade l’a poussé à se concentrer sur des projets créatifs. Inspiré par des films d’enfance et des expositions comme celles des frères Chapman, il a développé un intérêt pour les dioramas alimentaires.


Ses œuvres nécessitent une attention particulière à la narration visuelle et contextuelle. Elles ont gagné une reconnaissance internationale et sont largement publiées. En 2012, finaliste pour le James Beard Award dans la catégorie humour, il publie son premier livre « Big Appetites : Tiny People in a World of Big Food » en 2013. Sa carrière est également marquée par des travaux de photojournalisme et des collaborations avec des médias internationaux.
Akiko Ida et Pierre Javelle : des histoires miniatures à croquer
Akiko Ida et Pierre Javelle sont les créateurs du projet « Minimiam ». Ils combinent photographie culinaire et miniatures pour explorer des thèmes tels que le réchauffement climatique. Les artistes s’inspirent de rêves de mondes alimentaires fantastiques, comme skier sur de la crème chantilly ou plonger dans de la mousse de lait. Ils ont conçu un univers où de petits personnages vivent des aventures insolites dans un cadre culinaire riche.


Leur exposition mêle photographie et installations miniatures, jouant sur l’échelle pour questionner notre perception. Ces compositions espiègles utilisent des figurines, bonbons, crayons et fruits pour recréer des scènes surréelles de la vie quotidienne. Les diptyques tissent des récits : un gros plan crée un univers presque abstrait, tandis que l’image globale expose les interactions entre les personnages et leur environnement culinaire. Avec une sensibilité matérielle et un humour fin, ce duo artistique magnifie l’ordinaire en révélant la richesse des textures alimentaires.
L’art miniature change l’échelle
Petros Chrisostomou : illusion de l’échelle
Artiste britanique vivant à New York, Petros Chrisostomou crée des installations provoquant une illusion d’échelle. On ne sait pas ce qui est vrai. Chrisostomou joue avec les perception en plaçant des objets à taille réelle dans des intérieurs miniaturisés. L’artiste est d’ailleurs reconnu pour leur précision architecturale.
On peut y retrouver le style Palladien, le style « white cube », ou encore le coté kitsch des fast-foods. Dans sa série « 18 Fortis Green », l’artiste s’appuie sur les représentations de sa maison d’enfance. Dans ces miniatures, des objets de taille réelle apparaissent comme des sculptures gigantesques, offrant une vision surréaliste de la réalité.
Petros Chrisostomou est lauréat de plusieurs prix, dont le Land Securities Art Prize et le British Institution Prize. Il a suivi sa formation à la Royal Academy Schools , obtenant un MA en Beaux-Arts. Puis au Central St Martins College of Art and Design, il décroche un BA en Beaux-Arts avec mention, ainsi qu’un diplôme de fondation en art et design. Sa carrière a également été enrichie par une résidence au sein de l’International Studio and Curatorial Program à New York. Grâce au prix Red Mansion Art Prize qu’il a remporté, il a eu l’opportunité de travailler également à Beijing, en Chine.
Michel Paysant : la miniature technologique
Michel Paysant, artiste plasticien français aux multiples disciplines, crée des liens entre l’art, l’artisanat, la science, les nouvelles techniques et les technologies de pointe. L’artiste réalise en 2018 « Tête (en pensant à Giacometti) », son autoportrait sous la forme d’une micro-sculpture plus fine qu’un œil de fourmi. Cette création d’une résolution impressionnante de 0,2 micron, représente une avancée technologique et artistique étonnante. Présentée en 2018 au Frac Limousin-Nouvelle Aquitaine, elle incarne le « micro-art ». Ce mouvement prend le contre-pied des créations monumentales de l’art contemporain et invite à une appréciation plus intime des œuvres. L’artiste engage ainsi un dialogue entre art et sciences, et introduit au monde une approche futuriste et multidimensionnelle.
L’art miniature joue avec la matière
Salavat Fidai : des sculptures miniatures en graphite
Salavat Fidai est un sculpteur russe reconnu pour ses sculptures miniatures sur des crayons en graphite. Ancien avocat pendant plus de 25 ans, il a choisi de se consacrer à l’art en 2013, suite à la crise économique en Russie. Il débute avec la photographie numérique axée sur les fruits et légumes, le conduisant à des expositions à Moscou et Saint-Pétersbourg. En 2014, Fidai s’oriente vers la peinture, créant des œuvres expressionnistes et impressionnistes, ainsi que des miniatures sur divers objets. La même année, il a commencé à sculpter des figurines à partir de crayons. Comme cette magnifique « Rose Rouge » ou encore « Octopus ».




Ce travail minutieux nécessite entre 6 et 12 heures par pièce, et parfois jusqu’à trois jours. Ses sculptures ont été présentées dans le monde entier, à Londres, Singapour, Los Angeles, Charjah et Saint-Pétersbourg. Le public utilise souvent des loupes pour en apprécier les détails. Des vidéos de son processus créatif, incluant des moments de casse, sont disponibles sur son compte Instagram @salavatfidai.
Victoria Rose Richards : l’art de la miniature en broderie
Victoria Rose Richards est une artiste basée dans le Devon au Royaume-Uni. Inspirée par les paysages aériens ruraux, elle réalise des broderies faites à la main. Elle capture l’essence de la campagne britannique. L’artiste utilise des feuilles de feutre et une combinaison de points pour recréer les champs, les forêts, les rivières et les landes de sa région. Victoria découvre cette passion dans une période de sa vie marquée par l’ennui. Elle en fait alors sa profession à plein temps, y trouvant du bonheur et de la paix.



L’artiste se concentre sur des œuvres qui évoquent une nostalgie des jours passés. Elle souligne en même temps des souvenirs d’enfance teintés de romantisme. Victoria adore manipuler les formes naturelles et agricoles des champs. Elle crée des scènes idéalisées qui résonnent avec de nombreuses personnes. Ses projets récents incluent « Rich Autumn Gardens », une broderie inspirée des jardins d’automne formels, aux couleurs riches d’oranges et de jaunes, et « The Labyrinth », un dédale brodé aérien.
Camille Ortoli : grandeur et miniature de papier
Camille Ortoli est une designer de papier originaire de Barcelone. Elle réalise des miniatures de sculptures et installations architecturales complexes à partir de simples feuilles de papier blanc. En s’installant à Paris, elle a choisi de travailler avec ses mains et de se concentrer sur le papier. Un choix réalisé après avoir aidé sa sœur dans un projet de décors en papier. Ses créations en miniature, demandant patience et minutie, sont devenues sa signature. L’artiste travaille pour de prestigieux clients comme Lancôme et L’Oréal.



Ses œuvres, comme la série des immeubles haussmanniens, illustrent la transformation du papier en art détaillé, soulignant comment créativité et dévouement transforment ce matériau fragile en pièces fascinantes. Ortoli partage souvent son processus sur Instagram, inspirant d’autres artistes à explorer le potentiel artisanal du papier au-delà du numérique.
L’art miniature : une célébration du détail et de la subtilité
Nous avons découvert des artistes dont l’es œuvres dont l’art miniature captive par sa délicatesse et sa profondeur narrative. Chaque créateur, qu’il s’agisse de Liliana Porter avec ses scènes poétiques de la vie quotidienne, de Gaspard Mitz avec ses « Box Stories » humoristiques, ou de Derrick Lin et ses dioramas empreints de tranquillité, offre une perspective unique sur le monde qui nous entoure. Leurs créations témoignent d’une attention minutieuse portée aux détails. Des matériaux simples se transforment en récits complexes, invitant à une réflexion sur les aspects souvent négligés de notre existence.
La diversité des médiums utilisés, allant du papier froissé aux figurines en graphite, en passant par le fil de coton et le feutre pour les broderies, révèle une richesse de techniques et d’approches. Ainsi, Ronan-Jim Sévellec et son exploration des souvenirs, ou Christopher Boffoli et ses scènes culinaires surréalistes, illustrent comment l’art peut transcender les échelles et questionner notre perception de la réalité. L’apport technologique de Michel Paysant notamment, montre comment la fusion de l’art et de la science, repousse les limites traditionnelles de la sculpture.
Ces artistes transforment des objets banals en œuvres d’art saisissantes, évoquant des émotions universelles. Ils ont cette capacité à jouer avec les échelles et les perspectives. Ils soulignent ainsi l’importance de l’imagination et de la créativité dans l’expérience humaine. L’art miniature devient une célébration du détail et de la subtilité. Il nous rappelle que la beauté réside souvent dans les choses qui semblent insignifiantes. Ces œuvres, à la fois intimes et universelles, illuminent notre vision du monde et nous encouragent à chercher le merveilleux dans les recoins inattendus de notre quotidien.