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L’origami, un art ancestral innovant et contemporain – 2ème partie

L’origami, cet art délicat du pliage de papier est profondément ancré dans la culture japonaise. Il suscite depuis des siècles une fascination qui transcende les frontières et les époques. Traditionnellement perçu comme une simple activité manuelle, l’origami a alors évolué pour devenir une véritable forme d’expression artistique. Il est admiré autant pour sa précision technique que pour sa capacité à évoquer des émotions complexes. Cet article explore comment l’origami, tout en conservant son essence traditionnelle, a su s’adapter au monde contemporain grâce à l’ingéniosité d’artistes innovants.

Loin d’être confinées aux paramètres limités du papier, les notions et les techniques de l’origami sont désormais explorées à travers divers matériaux, de l’acier au bronze, en passant par le papier recyclé. Des artistes tels que Hacer et Kevin Box illustrent cette évolution en intégrant leurs propres visions artistiques à la structure de l’origami. Hacer réconcilie l’éphémère avec l’intemporel. Kevin Box de son côté fusionne le papier et le bronze pour créer des œuvres qui défient le temps et les éléments. Ces artistes, parmi d’autres, réinventent l’origami en le propulsant hors des galeries et des salons vers des espaces publics. Ces œuvres y provoquent des dialogues avec les spectateurs.

L’art contemporain de l’origami ne se contente pas de transcender les limites matérielles. Il s’enrichit également d’un ancrage culturel et émotionnel profond. Des créateurs comme Ferri Garcès et Janna Syvänoja utilisent des matériaux souvent banalisés pour évoquer des histoires personnelles et des récits universels, invitant le public à sonder les significations cachées derrière chaque pli et chaque forme. Ainsi, l’origami moderne prend des formes infinies, constituant un pont entre tradition et innovation.

Hacer : origami de métal en ville

Dans le Garment District de New York, l’artiste californien Hacer est reconnu pour ses sculptures en métal inspirées de l’origami, explorant des thèmes complexes. Initié à cet art dès l’enfance grâce à la lecture de « Sadako et les mille grues de papier », il a perfectionné sa technique sur plusieurs décennies. Son travail mêle influences de jeux enfantins et enseignements d’artistes renommés comme Alexander Calder, Jeff Koons, John McCracken, et Ellsworth Kelly. Sa maîtrise technique et sa vision monumentale ont conduit à des expositions dans des musées et foires d’art. Il a réalisé des installations permanentes de grande envergure, notamment au Wynn Macau Luxury Resort, au Los Angeles Pacific Design Center et à La Havane, Cuba.

Hacer transforme l’espace public avec ses sculptures impressionnantes d’animaux mariant l’élégance de l’art de l’origami traditionnel à la solidité de l’acier. Chaque œuvre est soigneusement découpée dans de grandes feuilles d’acier, pliées et soudées pour imiter des figures d’origami. Entre un éléphant magenta, un ourson vert, un chien jaune, ses créations sont peintes de couleurs vives afin d’accentuer leur présence urbaine.

Kevin Box : l’origami de bronze pour durer

Enfant, Kevin Box vivait à Bartlesville en Oklahoma sous la price Tower, le seul gratte-ciel construit par Frank Lloyd Wright. Au lycée, Box a étudié les arts graphiques. Il effectue ensuite ses étés d’apprentissage dans l’agence de design de son oncle à Atlanta, en Géorgie. C’est là que Box a développé sa passion pour la créativité. Il noue ainsi sa relation avec le design et le papier. Box étudie ensuite le graphisme à la School of Visual Arts de New York. Après sa troisième année, une bourse d’histoire de l’art lui a permis de passer trois semaines en Grèce. Il a pu admirer de près certaines des plus grandes antiquités du monde. Cette expérience l’a transformé à jamais.

Créer des œuvres durables

« J’ai réalisé que tout mon travail de graphisme finissait à la décharge et j’ai découvert la pérennité du dialogue qui se poursuit à travers l’histoire de l’art, et j’ai voulu y participer. »

Se réorientant vers les beaux-arts, Box obtient une licence. Il abandonne le papier et commence à travailler dans une fonderie d’Atlanta. Pendant trois ans il acquiert une connaissance approfondie des techniques de fonderie. Il peut désormais créer des œuvres d’art durables. Préférant investir dans une fonderie et vivant au plus près de son atelier, Box obtient la liberté d’expérimenter. La fonderie louait un entrepôt d’imprimerie rempli de papier. Kevin se remet alors à travailler le papier.

« Il m’a fallu deux ans d’expérimentation acharnée pour mettre au point le procédé de moulage du papier en bronze, sept autres années pour le perfectionner, et il continue d’évoluer aujourd’hui. »

L’œuvre de Box marie le papier à la tradition ancestrale du moulage en bronze. Après une reconnaissance dans le Sud Ouest des États-Unis, Box expose dans tout le pays lors d’un programme intensif de festivals. Il continue à explorer l’art dans les lieux publics à travers le pays et, en 2006 il épouse Jennifer. Le couple s’installe à Santa Fe, au Nouveau-Mexique. Ensemble ils y construisent un atelier et un jardin de sculptures.

Une reconnaissance à travers le pays

En 2014, le couple lance « ORIGAMI IN THE GARDEN » une exposition d’art itinérante. Elle présente des sculptures monumentales en plein air spécialement conçue pour les jardins publics. Elle est réalisée en collaboration avec certains des plus grands maîtres de l’origami au monde, dont Robert J. Lang, Michael G. LaFosse et Beth Johnson. L’exposition a visité plus de 20 jardins botaniques en Amérique du Nord. Kevin Box continue de repousser les limites du processus de moulage. Son style et son approche uniques, alliés à une vision novatrice sans pareille, contribuent à son aspiration à s’inscrire dans l’histoire de l’art du 21ème siècle.

Jonathan Leahey : sculpture publique et identité locale

Jonathan Leahey s’est tourné vers la sculpture publique depuis deux décennies. Il est connu pour ses compétences en robotique et effets spéciaux développées à Hollywood. En 2014, il crée un corbeau en origami, illustrant sa capacité à transformer des matériaux simples en œuvres d’art monumentales. Il a mené à bien de nombreux projets aux États-Unis, en Europe et en Australie, en utilisant souvent des matériaux trouvés sur place. Chaque projet respecte strictement les délais et les budgets, reflétant son approche méthodique et collaborative. De la négociation avec des tribus berbères pour des projets au Sahara à la coordination avec les services d’urbanisme de Los Angeles, Jonathan interagit toujours avec les communautés locales pour concevoir des sculptures qui renforcent leur identité visuelle.

Sa méthode implique une observation attentive du site et des échanges avec les habitants. Cela le conduit à des œuvres iconiques qui incitent à une réflexion durable. Par exemple, il crée en 2022 « Zenzeka » pour le parc safari animalier australien Monarto. Le titre de l’œuvre provient du Xhosa, une langue d’Afrique du Sud. Il se traduit « the unfolding » en anglais, le déploiement en français. Être artiste en résidence, c’est, pour lui, s’intégrer dans une communauté, acceptant ses responsabilités tout en respectant l’essence du lieu de création, comme au Gasworks Arts Park où ses interactions avec l’environnement enrichissent son inspiration.

Richard Orlinski : un origami pop culture

Né en 1966 à Paris, Richard Orlinski se consacre pleinement à l’art au début des années 2000 après divers parcours professionnels. En 2004, il présente sa première sculpture « Crocodile », rapidement remarquée par les galeries. Cela l’amène alors à exposer dans des lieux prestigieux comme Aspen et Courchevel. Sharon Stone et Pharrell Williams font partie de ses premiers admirateurs.

Orlinski est reconnu pour ses sculptures influencées par la pop culture et l’esthétique de l’art de l’origami. Ses œuvres, sous le concept « Born Wild© », cherchent à transformer l’énergie sauvage en émotion positive. Elles s’imposent comme des expériences visuelles fortes.

En 2021, il est nommé Officier de l’Ordre des Arts et des Lettres pour sa contribution notable au domaine artistique. Un documentaire réalisé en 2024 par David Serero met en lumière ses collaborations et son influence. En plus de sa carrière artistique, Orlinski est musicien, humoriste et réalisateur. Bien qu’il soit rarement mis en avant dans la presse spécialisée, il figure souvent dans les magazines de décoration. Orlinski, à l’image d’Andy Warhol, transforme donc son nom en une marque reconnue, tout en contournant les circuits d’art traditionnels. Voila qui alimente le débat sur sa place dans le monde de l’art contemporain.

Xavier Veilhan : tradition et modernité dans une sculpture futuriste

Xavier Veilhan est un artiste français réputé pour ses sculptures qui allient modernité et tradition. Il utilise souvent des techniques de pointe comme la modélisation en 3D pour créer des œuvres. Ainsi en 2009 il crée « Le Carrosse », une sculpture imposante composée de tôle soudée et mesurant 15 mètres de long. L’œuvre combine des éléments historiques et futuristes par sa structure rappelant un carrosse tiré par six chevaux. La pièce évoque l’époque du roi Louis XIV avec une touche contemporaine et dynamique.

Veilhan utilise une couleur monochrome vibrante. Il transforme ainsi ses œuvres en objets audacieux et design. L’artiste met en avant des formes géométriques nettes et angulaires qui évoquent le mouvement et la modernité. Veilhan se rapproche ici des idées et du style visuel du mouvement futuriste qui célébrait la vitesse et l’énergie.

Ferri Garcès : le papier comme œuvre d’art organique

Ferri Garcès arrive d’Iran en France en 1975 à l’âge de 18 ans. Elle s’établit en région parisienne où elle exerce son art. Titulaire d’un Master en arts plastiques de l’Université de Paris VIII, elle a une prédilection pour le papier. Elle le considère comme un matériau essentiel à ses créations. Cette artiste utilise aussi bien des pages imprimées que des papiers vierges, qu’elle enrichit de teintes colorées à l’encre. Associant ces éléments, elle façonne des formes qui illustrent des chemins et des destins. Ses pliages minutieux transforment le papier en objets naturels tels que des feuilles, des fleurs, et des coquillages, donnant ainsi vie à des créations organiques qui invitent à l’évasion. Cliquez ici pour voir son compte Instagram.

Enracinée dans son vécu multiculturel, Ferri Garcès voit le papier comme un lien entre différentes civilisations et un vecteur d’espoir. Depuis le début des années 2000, elle revient aux sources avec ce matériau traditionnel, choisissant de prendre le contre-pied d’un monde en quête constante de nouveauté.

Vincent Gontier : tension du métal et papier pressé

Vincent Gontier étudie entre 1982 et 1987, d’abord à l’École des Beaux-Arts de Cherbourg, puis à Rouen. C’est là qu’il obtient le Diplôme national supérieur d’expression plastique (DNSEP) en juillet 1987. Cette même année marque son installation à Grenoble. Au cours de sa formation, il réalise son premier assemblage de papier, une technique qui deviendra sa signature. L’artiste utilise des journaux ou bulletins de vote, les plaçant sous contraintes mécaniques fortes. L’acier traverse, comprime le papier, créant ainsi des formes uniques comme avec ses « Croquis-Sculptures ». Les amas de papier prennent des formes géométriques complexes et élégantes. L’utilisation du papier journal crée une métaphore de la mémoire. Le temps compressé transforme les souvenirs en formes entre accélération et prolongement, singularité et continuité.

Entre 1991 et 1997 la Galerie Antoine De Galbert à Grenoble participe activement à de nombreuses expositions, tant collectives que personnelles. Vincent Gontier excelle dans le travail du métal et du papier, une approche que Pierre Péju décrit comme associant « la minutie d’un origamiste avec la force d’un forgeron ». Péju remarque également que chaque sculpture, qu’elle soit grande ou petite, possède un « point d’équilibre » qui incarne une « coïncidence des opposés ».

La fragilité humaine

Bien que les œuvres de Vincent Gontier fassent appel à des techniques de travail du bois et du métal, telles que la découpe et le perçage, leur essence réside dans l’expérience intime de la création plutôt que dans la technique elle-même. Dans sa série « Compactus » le papier journal est entassé, compressé et stratifié avec de l’acier. Ce processus souligne la fragilité du papier, une qualité qui fascine Gontier autant que la fragilité humaine.

Les structures de métal autour du papier évoquent l’étouffement causé par les contraintes sociales. Les œuvres reflètent la tension des rapports humains, intensifiée par le contraste entre la délicatesse du papier et la robustesse de l’acier. Ce dialogue entre légèreté et force confère à chaque pièce une puissance étonnante. En attendant une exposition, cliquez ici pour voir son profil Instagram.

Janna Syvänoja : échos de la nature en sculpture

Janna Syvänoja, née en 1960, est une artiste finlandaise renommée pour sa capacité à transformer le papier en œuvres d’art uniques. Sa carrière en tant que créatrice a commencé de manière inattendue en 1988. Elle terminait un Master of Arts en design de mobilier et architecture d’intérieur à l’Université des Arts Industriels d’Helsinki. Par curiosité et expérimentant avec des matériaux modestes, elle découvre le potentiel artistique du papier recyclé, notamment des vieux annuaires et journaux.

Elle travaille le papier avec des outils généralement utilisés pour le bois, enroulant habilement chaque feuille autour d’un fil métallique. Ce processus méticuleux et presque méditatif lui permet de créer des pièces complexes à la texture riche. L’imprimé aléatoire du texte ajoute une dimension optique dynamique et originale à ses créations. Chaque œuvre devient ainsi un mélange de douceur et de complexité visuelle, invitant au toucher et à l’exploration.

En outre, Janna révèle une dimension plus profonde de son art en combinant le papier avec l’écorce de bouleau, explorant ainsi des concepts de mémoire et de matérialité. L’écorce, souvent vue comme la peau protectrice du bouleau, expose des motifs et couleurs naturels, créant un lien visuel fort avec le monde environnant. Ce mariage de matériaux fait des créations de Janna non seulement des objets d’art, mais aussi des récits incarnés, témoins silencieux du passage du temps et de la dynamique de la nature.

Les pièces de Janna Syvänoja évoquent des textures variées qui rappellent le bois ou la pierre. L’artiste réinvente la valeur de matériaux souvent négligés. Jnna Syvänoja parvient à offrir une perspective renouvelée sur l’artisanat et la beauté intrinsèque de la nature.

L’origami réinventé : une fusion entre patrimoine et innovation

L’origami, art ancestral issu de la tradition japonaise, se réinvente constamment grâce aux artistes contemporains qui explorent ses potentialités à travers des médiums variés. Loin de se limiter au pliage de papier, cet art s’adapte, se transforme et s’incorpore dans des contextes inattendus, comme en témoignent les œuvres innovantes de créateurs tels que Hacer, Kevin Box, et Ferri Garcès. Ces artistes, en s’inspirant de ses principes fondamentaux, fabriquent des œuvres qui repoussent les frontières entre tradition et modernité tout en rendant hommage aux subtilités et à la beauté de cet art délicat de l’origami.

L’inspiration contemporaine

Hacer, avec ses vastes sculptures métalliques inspirées de l’origami, redéfinit l’interaction entre l’art et l’espace urbain. En transformant l’acier en formes fluides et poétiques rappelant le papier plié, il réussit à instaurer un dialogue entre la fragilité de l’origami et la robustesse des matériaux modernes. De son côté, Kevin Box élève l’origami à une autre dimension en fusionnant papier et bronze. Son travail, fruit d’années d’expérimentations, crée des œuvres intemporelles, incarnant une continuité avec les traditions de l’art tout en forçant une véritable réflexion sur la pérennité et l’impact de l’art dans l’histoire. Jonathan Leahey et Richard Orlinski explorent la diversité culturelle et régionale à travers l’origami, ajoutant des dimensions narratives à leur travail par le biais d’expériences immersives et de références à la culture pop.

À l’opposé, Ferri Garcès utilise le papier comme symbole de mémoire et d’espoir. Ses pliages minutieux capturent la fragilité humaine dans un monde en mutation rapide. Elle démontre comment un matériau aussi simple que le papier peut véhiculer des histoires intimes et culturelles profondes. De même, Janna Syvänoja évoque la relation complexe entre la nature et l’art à travers ses sculptures. Son usage de papier recyclé lié à des éléments naturels illustre un dialogue dynamique avec le passé et le présent.

En somme, l’origami, bien qu’ancré dans des techniques ancestrales, se révèle être un vecteur de créativité et d’innovation dans le monde artistique contemporain. Ces artistes, par leur vision unique et interdisciplinaire, démontrent que l’origami peut transcender ses frontières traditionnelles. L’art de L’origami peut ainsi s’ériger en art moderne, pertinent et résolument tourné vers l’avenir.

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