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Reproduction, agrandissement, comment savoir si une sculpture est originale ?

Cet article vise à clarifier certains termes et techniques utilisés dans le domaine de la sculpture.
Nous allons examiner en détail les caractéristiques d’une « sculpture originale » en mettant en évidence ce que sont les œuvres multipliées et les éditions limitées. Ensuite, nous explorerons en profondeur la technique d’agrandissement mécanique utilisée en sculpture. Nous mettrons l’accent sur son utilisation historique par des artistes pionniers tels que Rodin, ainsi que sur les questions esthétiques qu’elle a suscité. Enfin, nous examinerons l’utilisation du scanner 3D dans la création et la reproduction de sculptures, en soulignant les avantages que cette technique peut offrir. Et enfin nous verrons certains artistes qui ont utilisé la reproduction en masse et les technologies d’agrandissement pour distribuer, affirmer et faire connaître leur art.

Vous pouvez consulter mon article sur la reproduction d’une oeuvre avec votre moule en cliquant sur ce lien. Cet article invite à pratiquer des techniques de reproduction qui sont simples et abordables. Cela pourra vous donner un aperçu à notre échelle de la reproduction.

1 – De l’unicité à la série


Originale, multiples, édition limitée

Plusieurs termes sont utilisées pour qualifier les différents tirages d’une œuvre en bronze.

Commençons par expliquer ce qu’est une « sculpture originale en bronze ». Un sculpteur peut créer une œuvre en bois, en argile ou en plâtre, puis la reproduire en bronze. Si le nombre d’exemplaires est inférieur ou égal à douze, on qualifie la sculpture d’œuvre originale. Cette distinction garantit qu’il n’y a pas deux sculptures identiques. Depuis 1966 en France, la loi et la jurisprudence autorise à effectuer jusqu’à huit reproductions et quatre épreuves d’artiste. Toutefois, les règles peuvent varier d’un pays à l’autre, mais la plupart s’inspirent de la jurisprudence française.

à gauche : « Petite Marie » / à droite « Maman » par Danielle Zerd – On peut voir la signature de l’artiste, du fondeur et le numéro de tirage
à gauche : « Le canon » / à droite « Le Monde » par Danielle Zerd – On peut voir la signature de l’artiste, du fondeur et le numéro de tirage

En revanche, au-delà de douze exemplaires, on parle de « multiples en bronze ». Cette catégorie concerne les sculptures reproduites plus largement. Mise en place au 19ème siècle, elle limite la reproduction excessive des sculptures en bronze. Ainsi, chaque exemplaire peut être considéré comme unique, tout en faisant partie d’une série plus large.

Enfin, nous avons le concept « édition limitée en bronze ». Dans ce cas, il s’agit d’une série de sculptures en bronze dont le tirage est volontairement restreint. Cela garantit leur exclusivité et leur valorisation.

Attention, les tirages multiples causent une perte de qualité du fait de l’usure du moule. Un moule en silicone peut généralement résister à la production de 12 exemplaires, mais au-delà, sa qualité diminue. Il est donc préférable de mouler plusieurs exemplaires à la fois pour préserver la qualité de l’œuvre.


Le surmoulage : original ou copie ?

La technique du surmoulage consiste à mouler une œuvre en bronze pour la reproduire. Avec cette technique, il est possible de distinguer la reproduction. Elle est plus petite que l’original en raison de la contraction du bronze lors de sa solidification. Certains détails peuvent également se perdre sans un travail à la ciselure. Mais pas si simple sans avoir l’oeil expert !


La cire perdue pour une sculpture unique

Il existe aussi le procédé de « cire perdue » qui permet de produire des pièces uniques avec précision. Un modèle en cire est enveloppé de matériau réfractaire et chauffé pour éliminer la cire, laissant un moule creux. Ce creux est ensuite rempli de métal ( bronze) ou de verre pour créer la pièce finale. Cette technique est beaucoup utilisée par les créateurs de bijoux.


Les droits d’auteur

En France la loi sur les droits d’auteur protège les droits de reproduction jusqu’à 70 ans après la mort de l’artiste. Les droits de reproduction commencent au moment de la mise sur le marché de l’oeuvre. Certains musée nationaux éditent parfois de nouvelles oeuvres à partir de sculptures en plâtre. Les sculptures moulées à titre posthume mais faisant partie d’une série de 12 sont considérées comme des oeuvres originales.

2 – Les enjeux du grand format dans la sculpture

La technique d’agrandissement mécanique dans la sculpture existe depuis l’Antiquité avec l’utilisation de trois compas pour ajuster les proportions. Cependant, au 19ème siècle, l’apparition de la mise aux points à la machine a révolutionné cette pratique. La popularité croissante de la sculpture en tant qu’art reproductible témoigne de son rôle social et idéologique. Parmi les différentes méthodes de reproduction mécanique le procédé de Sauvage automatise la mise aux points. Ce procédé offre la possibilité d’obtenir des agrandissements précis en enlevant de la matière d’un matériau mou.

L’utilisation du grand format dans la sculpture suscite des interrogations quant aux motivations esthétiques, techniques et commerciales des artistes. Rodin par exemple, a utilisé cette technique de manière systématique en exploitant ses possibilités artistiques, son statut renommé et son équipe de praticiens. L’utilisation du grand format permet d’explorer de nouvelles dimensions et d’atteindre un public plus large, tout en mettant en valeur la présence de la sculpture originale dans son environnement. Cette pratique complexe met en évidence l’importance du choix du format dans la création sculpturale.

Les sculpteurs utilisent le pantographe comme outil pour reproduire rapidement et mécaniquement des sculptures en format réduit ou agrandi. Cependant, il existe des contraintes techniques qui nécessitent des agrandissements intermédiaires et la division des modèles. Le processus d’agrandissement comprend plusieurs étapes, notamment l’épannelage, l’ébauche et la finition de l’œuvre agrandie. Une fois terminée, l’œuvre est moulée à creux perdu pour assurer sa conservation.

Le changement d’échelle ne se limite pas à un simple agrandissement linéaire, il faut prendre en compte les lois physiques qui régissent la complexité du phénomène. L’échelle permet de percevoir et d’adapter la disposition des volumes en fonction de leur fonction. Il est donc crucial de comprendre ces lois physiques lorsqu’on travaille sur des agrandissements dans la sculpture.

Henri Lebossé, un artiste du changement d’échelle

Le rôle d’Henri Lebossé était de réaliser des agrandissements fidèles des œuvres de Rodin, en surmontant les défis techniques et artistiques pour préserver l’authenticité de la sculpture originale. Il était responsable de faire des retouches manuelles et d’interpréter fidèlement le style de Rodin. Sa motivation provenait de sa passion et de son désir de satisfaire pleinement Rodin. Cependant, en dépit de l’appréciation de son travail, Lebossé ne recevait pas de reconnaissance comme un interprète de l’œuvre de Rodin. Il ne recevait pas non plus de reconnaissance artistique. Les agrandissements, considérés comme des reproductions fidèles plutôt que comme des créations originales, l’ont conduit à être perçu davantage comme un technicien plutôt qu’un artiste.

Agrandir une sculpture permet à l’artiste de modifier sa signification, de déléguer certaines tâches et de bénéficier d’une plus grande liberté créative. L’utilisation de cette technique par Rodin lui a permit de devenir l’un des sculpteurs les plus renommés de son époque. En agrandissant ses œuvres, il pouvait combiner et modifier des morceaux pour créer de nouvelles sculptures monumentales. Ce processus lui permettait d’explorer de nouvelles formes et de travailler de manière créative avec les volumes et les espaces. Les détails étaient souvent sacrifiés au profit de la silhouette globale de l’œuvre, tandis que les parties gênantes étaient éliminées pour mettre l’accent sur les formes essentielles. Lebossé, quant à lui, était principalement un imitateur de la surface des œuvres de Rodin, recréant fidèlement les modèles originaux, mais sans obtenir de droits d’auteur.

Sculpture « Les trois âges » par Danielle Zerd. L’original est à droite et le rétrécissement sur la gauche des images

La remise en question d’une technique

Rodin pensait que son « Balzac » marquait une transition entre la sculpture commerciale et la sculpture artistique, et envisageait de le tailler dans le granit pour renforcer sa signification et son expression, malgré le modèle initial en plâtre. Toutefois, à la fin du 19ème siècle, de nombreux sculpteurs remettaient en cause l’intégrité esthétique de Rodin en raison de la prolifération des sculptures dans différents formats et matériaux. Les variations d’échelle et de style de ses sculptures, similaires à celles de la peinture, ne satisfaisaient pas les sculpteurs modernistes qui recherchaient une spécificité dans la sculpture.

Certains artistes, tels que Brancusi ou Matisse, s’opposaient à l’idée de mécaniquement agrandir de petites sculptures. Ils soulignent ainsi l’importance d’une relation directe entre la taille d’une œuvre et son expression. Cependant, aucun sculpteur moderniste n’a réussi à travailler à grande échelle sans compromettre l’intégrité esthétique de leurs œuvres. Ainsi, ce débat soulève la question de la compatibilité entre les dimensions spécifiques de la sculpture et son intégrité esthétique.

3 – La créativité amplifiée : comment le scanner 3D révolutionne la sculpture

Le scanner 3D permet aux artistes de gagner énormément de temps dans la création et la réalisation de sculptures. En utilisant un ordinateur, ils peuvent concevoir l’objet en perspective à partir de différentes sources telles que des croquis, des photos, des maquettes ou des sculptures existantes. Cette modélisation en 3D servira ensuite de base pour créer un prototype ou une sculpture finale.

L’avantage du scanner 3D est qu’il permet de facilement redimensionner le fichier 3D, que ce soit pour le réduire, l’agrandir ou le reproduire. Cette opération s’effectue en quelques clics, de manière simple et pratique. Une fois l’artiste satisfait du résultat, il peut passer à la phase de fabrication de l’œuvre. L’utilisation d’une machine à commande numérique 5 axes rend possible la fabrication d’une sculpture. Cette technologie avancée permet de reproduire fidèlement les sculptures sans avoir à altérer, mouler ou manipuler l’œuvre originale. De plus, elle permet de travailler avec différents types de matériaux tels que l’argile, le bronze, le marbre, le plâtre ou la pierre.

Les avantages de l’utilisation du scanner 3D pour agrandir les sculptures sont nombreux. Tout d’abord, cela permet un gain de temps significatif grâce à la modélisation et à la reproduction rapides des sculptures. Ensuite, la numérisation offre une grande liberté de modification et de complexité dans la création. L’artiste peut ainsi explorer toutes les idées et matériaux qu’il souhaite, tout en partageant son savoir-faire avec le public. En résumé, l’utilisation du scanner 3D permet aux artistes de concevoir, modifier et reproduire leurs sculptures de manière rapide et fidèle. Cette méthode offre de nombreux avantages en termes de liberté créative et de partage d’idées.

4 – La valeur artistique

Ottmar Hörl – Smiling Beethoven

Le mouvement artistique du Pop art au milieu des années 1960, a réussi à abolir la distinction entre grand art et art populaire en utilisant des références de la culture populaire. Les critiques d’art conservateurs ont méprisé le mouvement, mais il a fini par se répandre dans le monde entier et participer à la révolution sociale des années 1960.

Warhol : la valeur de l’art ?

Warhol, figure emblématique du mouvement pop art, critique la société de consommation en mêlant art et marchandise. À travers l’utilisation d’images publicitaires, il remet en question l’omniprésence de l’image et la réduit à un simple moyen de communication on pense a « Campbell’s Soup 1962 ». Son art invite à réfléchir sur la valeur de l’art, la culture de masse et la relation que nous entretenons avec les objets de consommation. Les accumulations d’objets dans ses œuvres dénoncent l’abondance excessive et mettent en avant l’esthétisme artificiel de la société consumériste.

Duchamp : tout est art ?

En 1917, Marcel Duchamp expose « Fontaine », un urinoir inversé. Pour lui l’artiste n’a plus besoin de créer de nouvelles formes, mais plutôt de sélectionner et de repenser des objets existants. Cette approche a ouvert de nouvelles perspectives artistiques et a influencé de nombreux artistes.

Koons : qu’est-ce qu’un artiste ?

Jeff Koons bouscule les conventions artistiques en utilisant le mouvement artistique du « ready-made » qui transforme des objets du quotidien en oeuvre d’art. Il remet en question le rôle de l’artiste et les normes traditionnelles de l’art. Ses œuvres, réalisées à partir de figurines, jouets et objets bon marché, sont magnifiées et révèlent l’esthétique de la classe moyenne. Malgré les critiques, Koons défend la valeur et l’attrait de ces objets pour le public. Comment justifier la valeur des oeuvres non réalisées par l’artiste. Koons, souligne et assume que leur qualité de fabrication ne lui revient pas mais à des artisans spécialisés. Dans son œuvre « Michael Jackson and Bubbles », Koons valorise le travail manuel des céramistes et défend l’admiration pour l’artisanat d’art malgré les critiques du monde de l’art contemporain. Il se distingue ainsi des artistes conceptuels précédents dont les œuvres n’exigeaient pas de compétences artistiques ou manuelles.

Koons se considère plus comme un innovateur d’idées que comme un producteur physique. Le « ready-made » a remis en question le rôle de l’artiste et les normes traditionnelles de l’art. D’autres événements ont joué un rôle important comme la photographie. Celle-ci a révolutionné la reproduction d’œuvres en permettant une reproduction infinie et quasi illimitée. Cela défie notre conception habituelle de l’unicité et de la rareté comme pour l’objet artistique. Cela crée ainsi un vertige mais également des vocations.

5 – Le message de l’art

Ces différentes perspectives artistiques ont eu une influence sur de nombreux artistes, la valeur, la beauté. La reproduction en série permet d’atteindre un public plus large et renforce l’impact et le message de l’artiste. Cependant, cela soulève la question de ce qui fait qu’une sculpture soit considérée originale ou non, comme de l’art ou non. Et à partir de combien de reproductions il reste quelque chose de l’original. Dans ce contexte, se pose également la question de savoir si celui qui a produit l’oeuvre est lui-même un artiste. Avec cette perspective de tout considérer comme de l’art, il devient difficile de s’y retrouver. En plus de techniques de production, le message de l’art est aussi soumis à l’interprétation de celui qui le regarde.

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