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Sculpture animalière : un reflet de l’humain face à la nature 3/3

De trophées à messagers : Les animaux naturalisés dans l’art contemporain

Les animaux empaillés sont considérés comme des trophées potentiels ou des objets de compagnie. Ils peuvent pourtant également ouvrir sur des messages politique, écologique ou des réflexions éthique. Certains artistes utilisent des méthodes d’identification pour inclure les animaux dans la communauté des êtres vivants. Cai GuoQiang utilise des loups pour mettre l’accent sur la mort plutôt que sur la vie. Maurizio Cattelan crée une mise en scène dans le pur style de la taxidermie anthropomorphique, avec son écureuil suicidé étendu sur une petite table, un revolver abandonné à ses côté. David Shrigley lui, expose son chien mort avec une pancarte « I’m dead ».

Ils remettent ainsi en question notre perception utilitaire de ces derniers. Leur travail invite à réfléchir sur les conséquences de la mécanisation du vivant et sur notre propre humanité. Ainsi la sculpture explore des hybridations et des chimères, interpellant notre relation avec les animaux. Par le biais de processus créatifs en taxidermie associés à des approches scéniques, des artistes brouillent la frontière entre humains et animaux. Les animaux morts mis en scène de manière provocante par Pascal Bernier ou Abbas utilisent la taxidermie sabotée pour mettre en lumière le trauma et également la domination humaine sur les animaux. Les animaux empaillés deviennent ainsi symboles de résistance. Cette forme d’art vise à sensibiliser le public à la réalité de la souffrance animale.

Mark Dion : conservation et biodiversité

Mark Dion, né en 1961, s’inspire des cabinets de curiosités et de l’histoire des musées. Il crée des installations foisonnantes en collectant des objets ordinaires et des spécimens du monde vivant. Son travail ne porte pas sur la nature en elle-même, mais sur l’idée que l’on s’en fait. L’artiste interroge notre relation à la nature à l’ère de l’Anthropocène. Il expose les animaux selon des classifications révélatrices de notre rapport problématique au vivant. Il met en garde contre la préférence pour les espèces charismatiques au détriment de la biodiversité. L’artiste appelle ainsi à protéger toutes les formes de vie face à la sixième extinction de masse.

Les œuvres de Mark Dion soulignent les conséquences des espèces invasives sur la biodiversité. L’artiste met ainsi en lumière le déséquilibre créé par les activités humaines. La conservation de la nature requiert la préservation, la restauration et l’utilisation durable des ressources naturelles. Ceci dans le but de promouvoir une biodiversité en évolution constante en vue d’un avenir durable. Il réalise plusieurs œuvres d’art, dont « Le donjon de l’ours qui dort » en 2012 mettant en scène un ours enchaîné. « Cabane Sommer » en 2007 rend hommage à François et Jacqueline Sommer. L’oeuvre « Collections index-Digne » en 2004 présente un cabinet de curiosités classifié selon les quatre éléments et la théorie de l’évolutionnisme.

Kate Clark : la taxidermie hybride

Née en 1972, Kate Clark est une artiste basée à New York. Elle utilise la taxidermie pour créer des sculptures hybrides mêlant des visages humanoïdes à des formes animales. Ses œuvres, à la fois familières et étranges, explorent les liens entre l’homme et le règne animal. Malgré leur présence forte et leur regard mystérieux, ses créations nous incitent à réfléchir sur la différence. En incorporant des éléments de peau animale sur des formes humaines, Clark réalise des visages réalistes pour ses personnages. Elle laisse toutefois transparaître le processus artistique par l’utilisation d’épingles à coudre génériques. Cette approche renforce donc le contraste entre la beauté naturelle et la chimère crédible. En nous identifiant à ces créations, elle remet en question notre perception utilitaire de ces derniers.

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« Licking the Plate » par Kate Clark – Photo Rob Corder – Flickr

Le Duo Sun Yuan et Peng Yu : réincarnation et controverse

Avec « If I died » en 2013 le duo d’artiste chinois explore les thèmes de la vie après la mort et de la réincarnation. Ils expriment les angoisses et les désirs des artistes face à leur propre mortalité. L’installation met en scène un cortège de raies géantes, une vieille dame (une représentation de la mère de Peng Yu), des oiseaux exotiques empaillés. Le tout dans une ambiance surréaliste qui évoque le rêve de la vie après la mort. Cette procession majestueuse semble transporter cette vieille dame enfin vers l’au-delà, dans un voyage entre les profondeurs de l’océan et les hauteurs célestes.

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« Waiting » par Sun-Yuan et Peng-Yu – Photo Jean-Pierre Dalbera – Flickr

Au Guggenheim de New york en 2017, le duo suscite la controverse. L’œuvre « Dogs That Cannot Touch Each Other » montre sept minutes de vidéo mettant en scène quatre paires de pitbulls dressés pour la lutte. Les chiens sont placés sur des tapis roulants non motorisés où ils se chargent alors mutuellement sans se toucher. Malgré les accusations de cruauté envers les animaux, la vidéo de l’œuvre est tout de même présentée dans l’exposition. Le musée avait retiré physiquement les pitbulls de la pièce après avoir reçu des menaces de violence.

Daniel Firman : perceptions et sensations

Des artistes contemporains comme Daniel Firman, explorent toujours le courant des surréalistes avec des techniques artistiques innovantes. Avec « Würsa à 18000 km de la terre », le visiteur se retrouve confronté à une sculpture d’éléphant en polyester pesant 350 kilos enveloppée dans une vraie peau. L’oeuvre est créée par Daniel Firman et préparée par le taxidermiste belge Jean-Pierre Gérard. L’éléphant semble figé dans une acrobatie périlleuse sur sa trompe. Il joue alors avec la gravité et détournant les attentes du spectateur. L’artiste explore la notion de mémoire et de perception à travers ses œuvres. Il invite le public à s’interroger sur les sensations et informations captées par nos sens.

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« Wursa à 18000km de la terre » par Daniel-Firman – Photo Stephen Morris – Flickr

Cai Guo Qiang : entre utopie et tension

En 2006, Cai Guo Quiang dévoile une installation nommée « Head on » à Berlin. L’artiste y représente une meute de 99 loups grandeur nature, s’écrasant avec force contre une paroi de verre. Ces loups, conçus à partir d’une armature métallique, sont recouverts de peaux de mouton peintes et remplis de foin. Dans le contexte de Berlin, certains ont perçu l’œuvre comme une allusion à Hitler et à ses soldats. Une interprétation alors accentuée par une vidéo illustrant l’explosion d’une maison sous des feux d’artifice. Par la suite, l’installation a remporté un vif succès en 2008 au Guggenheim de New York. Parmi les diverses interprétations proposées, certains y ont vu la métaphore de l’humanité se heurtant à un obstacle insurmontable.

L’installation « Héritage », réalisée en 2013, présente 99 répliques grandeur nature d’animaux sauvages. Elles sont disposées autour d’un bassin et d’un système de goutte-à-goutte. Le commissaire de l’exposition à Brisbane décrit cette ménagerie comme un rassemblement harmonieux de prédateurs et de proies. Elle évoque en effet une vision utopique empreinte d’incertitudes. Inspiré par un voyage en 2011 aux îles de la baie de Moreton, l’artiste a conçu ces animaux en polystyrène revêtus de peaux pour illustrer un « dernier paradis » menacé par des calamités à venir. Dans cet environnement, la tension est perceptible, de plus seule une goutte d’eau tombant régulièrement dans le lac perturbe la quiétude de la scène. Cette convivialité fragile est destinée à être brisée, laissant planer la question de ce qui se passera lorsque chacun lèvera les yeux.

Maurizio Cattelan : Autoportrait de l’inconfort

Maurizio Cattelan crée régulièrement des installations impressionnantes mettant en scène des animaux. La signification peut être interprétée de multiples façons. Il affirme vouloir susciter l’ouverture d’esprit et la perplexité chez ses spectateurs.

« Je cherche à être aussi énigmatique et déroutant que possible. »

Maurizio Cattelan

Maurizio Cattelan a utilisé des animaux comme alter ego, notamment l’âne en 1994 lors de sa première exposition à New York. Avec « Enter at your own risk. Do not touch, do not feed, no smoking, no photographs, no dogs, thank you. » il présente un âne vivant et un chandelier en cristal accroché au plafond à la place de ses œuvres en signe de protestation. En 1996, la sculpture « Trotsky en balade », un cheval naturalisé suspendu au plafond par des harnais, est exposée au château de Rivoli. Le catalogue la décrit comme « Un monument symbolisant la fin de l’utopie universelle ». Même sans connaître la signification politique de cette œuvre, la vue d’un cheval suspendu de manière humiliante évoque naturellement de l’empathie. Le cheval est effectivement souvent représenté de façon glorifiée dans les arts.

En 1997, son autoportrait en autruche, la tête enfouie dans le parquet, reflétait alors son sentiment d’infériorité vis-à-vis des artistes britanniques de l’époque. En 2003, Maurizio Cattelan expose « Kaputt », une série de cinq chevaux empaillés suspendus la tête encastrée dans un mur et les pattes pendantes. Cette œuvre, inspirée du roman éponyme de Malaparte, évoque certainement une fuite du monde réel. Elle suscite alors des réactions vives et une pétition demandant son retrait.

Pascal Bernier : Humour et réflexion

Depuis la fin des années 1980, l’artiste belge utilise la photographie, la sculpture, la taxidermie et la vidéo dans ses installations. Il crée ainsi des mises en scène provocantes qui interrogent la politique et l’histoire de l’art. Son travail engagé met en lumière la relation complexe entre l’homme et une nature exploitée au nom de la globalisation.

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« Accident de chasse (Renard) » par Pascal Bernier – Photo Marc Barrot – Flickr

Connu pour son humour noir et ses « Accidents de chasse », l’artiste crée des œuvres où des animaux blessés mortellement sont soigneusement bandés. Il les sauve ainsi symboliquement d’une seconde mort. Cette démarche souligne les thèmes de la beauté, de l’innocence et du désenchantement de l’existence humaine.

Abbas Akhavan : Empathie et silence

L’artiste Abbas Akhavan utilise la taxidermie pour créer des œuvres évoquant la précarité de la vie et des espèces animales en danger. C’est pourquoi il présente pour la Biennale de Montréal en 2014 « Fatigues ». L’artiste expose des animaux empaillés, conservant leur apparence figée pour évoquer la fragilité de la vie plutôt que la mort elle-même.

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« Fatigues » sculpture par Abbas Akhavan – Photo Seyemon – Flickr

La majorité des animaux présentés sont morts de causes naturelles ou d’accidents. Installés dans des zones peu éclairées et sans panneau explicatifs, ces animaux suscitent une réflexion chez le spectateur. Brouillant la frontière entre art et réalité, l’artiste laisse le soin au spectateur d’interpréter ses créations. L’œuvre vise à susciter l’empathie plutôt qu’à dramatiser la condition animale.

La sculpture contemporaine : Attention animaux vivants

Au cours des dernières décennies, des artistes comme Damien Hirst, Eduardo Kac, Marco Evaristti et d’autres ont apporté une contribution singulière à la représentation des animaux en art contemporain. Ils enrichissent ainsi le dialogue entre art, science, technologie et les valeurs du public. Certains remettent en question l’utilisation des animaux dans l’art, plaidant en faveur de leur protection et remettant en cause l’éthique de leur exploitation, tandis que d’autres pensent qu’il est possible de pousser la réflexion éthique plus loin. Les pratiques artistiques contemporaines impliquant l’utilisation d’animaux morts ou spécifiquement tués pour une œuvre soulèvent des questions morales sur la légitimité de tuer pour l’art par rapport à la simple consommation.


Pour Jean-Baptiste Jeangène Vilmer, l’art contemporain met en scène la mort de l’animal de trois manières : l’animal déjà mort exposé publiquement, l’animal tué pour l’œuvre et l’animal tué par l’œuvre. L’art contemporain explore ainsi de manière critique l’importance historique des animaux dans nos sociétés passées, suggérant parfois un sentiment de nostalgie pour notre lien ancestral avec la nature qui s’est peu à peu effacé. Cette réflexion soulève des questions diverses et complexes sur les pratiques artistiques controversées utilisant les animaux, telles que l’exploitation ou le clonage.

Damien Hirst : mort, vie, authenticité

En 1990, l’installation « A Thousand Years » présentait dans une caisse en verre une carcasse de veau sur laquelle des mouches vivantes se nourrissaient, se reproduisaient et mouraient. Avec les cadavres des mouches, l’artiste composait alors des tableaux. Certains ont critiqué cette démarche comme étant cruelle, tandis que d’autres ont souligné son aspect provocateur et réflexif sur la mortalité et la nature éphémère de la vie.

En 1991, Damien Hirst avait lancé sa série controversée d’animaux entiers ou coupés en deux, conservés dans des caissons en verre remplis de formol. Ce fut la cas notamment pour un requin qu’il avait fait capturer en Australie, « assez grand pour manger un homme ». L’œuvre a reçu de vives critiques de la part des associations de défense des droits des animaux. Pour anecdote, le requin s’est détérioré et l’artiste l’a fait remplacer, posant ainsi la question de l’authenticité.

Plus récemment, en 2012, c’est la mortalité des papillons qui a suscité l’indignation. Placés dans une pièce sans fenêtre, les visiteurs étaient invités à traverser un nuage de papillons. Cela qui a conduit à la mort de près de 9000 papillons pendant les 23 semaines d’exposition. Cette utilisation des papillons comme éléments de son installation a également soulevé des questions sur le respect de la vie animale et la responsabilité des artistes envers leurs sujets.

Wim Delvoye tatoue des cochons

Pour critiquer la société de consommation, l’artiste Wim Delvoye a décidé d’adopter une approche radicale. Dans une ferme près de Pékin, il élève des cochons qu’il tatoue sous anesthésie. Une fois adultes, il les laisse vivre leur existence naturelle avant de les naturaliser une fois décédés. Le Musée de Nice a précisé dans un communiqué que ces animaux sont traités comme des célébrités de leur vivant, bénéficiant d’une liberté de mouvement et étant constamment filmés.

Cette initiative vise à susciter le débat sur l’exploitation des animaux, mais elle a suscité la controverse, en particulier auprès des associations de protection des animaux et du Mouvement écologiste Indépendant, qui dénoncent une violation du respect envers ces êtres vivants. Une manifestation a même eu lieu devant le musée lors du vernissage de l’exposition.

Eduardo Kac et les lapins transgéniques

En 2000 Eduardo Kac, artiste brésilien, déclare avoir créé des lapins luminescents. Il a réussi à introduire gène de méduse dans un embryon de lapin afin de un produire une protéine fluorescente verte. Cet artiste explore ainsi les frontières entre la nature et la technologie dans l’art contemporain.

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« Alba » par Eduardo Kac – Photo Garnet – Flickr

Les créations vivantes d’Eduardo Kac continuent de susciter des débats éthiques. Son lapin transgénique, connu mondialement sous le nom de « Alba », représente une de ses œuvres les plus célèbres. Cependant, son travail artistique dépasse les limites habituelles d’un seul médium ou genre. Il explore les relations entre humains, non humains et machines à travers des œuvres sensorielles et cinesthésiques telles que les êtres télérobotiques et les environnements phénoménologiques. En créant des œuvres qui communiquent avec des non-humains, Eduardo Kac remet en question notre vision traditionnellement anthropocentriste de l’art et ouvre des perspectives sur la diversité des formes de vie et leurs différentes expériences du monde.

Marco Evaristti et ses mixeurs : pleins feux sur la cruauté

En 2003, l’installation de l’artiste danois Marco Evaristti au Musée d’art moderne de Trapholt à Kolding, au Danemark, a provoqué une vive controverse. Des poissons rouges ont été enfermés dans des mixeurs, confrontant ainsi les visiteurs à un choix délicat : déterminer le sort des animaux. Malheureusement, deux poissons ont perdu la vie, ce qui a conduit à des poursuites pour cruauté envers les animaux à l’encontre du directeur du musée. Malgré sa condamnation à une amende pour avoir refusé d’éteindre les mixeurs, il a finalement été acquitté car il a été démontré que les poissons n’avaient pas souffert.

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« Helena » par Marco Evaristti – Photo malouette – Flickr

Ces événements soulèvent des questions éthiques sur l’utilisation des animaux dans l’art et encouragent les spectateurs à réfléchir à la frontière entre l’art et la souffrance animale, ainsi qu’à leur propre responsabilité en tant que public.

Guillermo Vargas : Barbarie ou appel à conscience ?

En 2007, l’artiste Guillermo Vargas a provoqué une intense controverse en laissant un chien mourir lors d’une exposition artistique à Managua, au Nicaragua. L’artiste a capturé un chien errant, l’a attaché dans la galerie d’art sans nourriture ni eau, et écrit une inscription provocatrice sur le mur « eres lo que lees » (traduction : tu es ce que tu lis) écrite à l’aide de croquettes. Malgré ses explications sur le but de cette action visant à critiquer l’hypocrisie de la compassion envers les animaux, le sort du chien demeure incertain. La Fondation Brigitte Bardot a réagi en demandant le retrait de Vargas de la Biennale d’art contemporain de 2008.

L’œuvre d’art est considérée comme intouchable dès qu’elle est placée dans une galerie ou un musée, ce qui soulève des questions sur l’accessibilité et la perception de l’art. L’artiste Guillermo Habacuc Vargas a peu être avec cette acte barbare qui n’est pas justifiable voulu provoquer les consciences ?

Jannis Kounellis : 12 chevaux pour réinventer les normes

En 1969 à Rome, l’artiste Jannis Kounellis, une des figures de proue du mouvement de l’Arte povera, surprend en exposant « Untitled (12 horses) ». Douze chevaux vivants transforment la galerie de l’Attico en une écurie vivante. Cette confrontation saisissante entre la nature et la culture remet alors en question la représentation artistique habituelle et offre une expérience artistique inattendue aux spectateurs. Les chevaux se transforment en symboles vivants de la remise en question les normes de l’art classique. Finalement la simple représentation devient une présentation surprenante.

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« Untitled (12 horses) » par Jannis Kounellis – Photo Kai Ross – Flickr

En 2006 à Cologne, une exposition hommage à l’artiste présente à nouveau cette installation, vous pouvez la voir en vidéo sur Youtube.

Joseph Beuys : La réconciliation karmique

En 1974, Joseph Beuys réalise une performance ayant pour titre : « I like America and America likes Me ». L’artiste utilise un coyote sauvage, animal sacré dans les populations amérindiennes, dans le cadre de sa quête visant à créer des interactions significatives entre l’homme et l’animal. Remettant en question les frontières entre nature et culture, l’artiste a alors organisé une performance avec le coyote, symbolisant la relation entre l’homme blanc et le peuple amérindien. Après trois jours, Beuys parvient à étreindre l’animal, évoquant une réconciliation karmique. Cette sculpture sociale a engendré diverses interprétations et mystères autour de l’intervention de l’artiste. À ce jour, le sort du coyote nommé « Little John » demeure inconnu.

Jana Sterbak : la violence de la consommation

Jana Sterbak interroge les frontières entre l’humain et l’animal avec sa robe de chair « Vanitas : robe de chair pour albinos anorexique » de 1987. Elle a directement inspiré celle portée par Lady Gaga en 2010 aux MTV Video Music Awards. Elle interroge notre rapport à la viande, à la consommation et à la violence. L’artiste offre une confrontation nécessaire avec la réalité de la mort animale dissimulée par l’abattage industriel et, tout de même, que peu de personnes souhaitent connaître.

Ses œuvres traitent souvent des thèmes du pouvoir, du contrôle et de l’utilisation de la technologie pour étendre les capacités du corps humain. Ainsi dans son installation vidéo de 2003, intitulée « From Here To There », Sterbak a attaché une petite caméra à un chien Jack Russell nommé Stanley. Elle l’a laissé explorer librement le paysage canadien. Les images uniques et mouvantes capturées par le chien remettent en question la perception humaine du monde. Ce dernier étant généralement considéré comme stable et permanent. Cette œuvre interroge alors la relation entre les animaux et la technologie à travers des perspectives tant naturelles que mécaniques.

Le rôle de l’art dans la défense des animaux

Le problème de la représentation de l’animal dans l’art est complexe, avec des questions liées au spécisme (forme de discrimination qui consiste à accorder plus de valeur aux êtres humains qu’aux animaux et à les traiter de manière inéquitable) et également à la discrimination. L’utilisation des animaux dans les films, publicités et sur scène véhicule certainement des stéréotypes nuisibles. Cependant, l’art peut aussi défendre la cause animale, que ce soit en évitant l’exploitation animale ou en dénonçant la maltraitance animale. Des initiatives militantes et des collectifs artistiques s’engagent dans cette démarche. Cela montre que l’art peut être un moyen puissant de sensibilisation et de changement.

Michel Bassompierre : la sculpture au service de la vie animale

L’art a toujours joué un rôle central dans la sensibilisation et la défense des valeurs humaines. Aujourd’hui, l’art se révèle être un puissant allié dans la lutte pour la protection des animaux. Des artistes tels que Michel Bassompierre s’efforcent de mettre en avant l’humanité des animaux à travers leur travail créatif. L’artiste invite le public à reconnaître leur existence en dehors des stéréotypes.

"La fratrie n3" - sculpture animalière par Michel Bassompierre
« La fratrie n3 » – sculpture animalière par Michel Bassompierre – Photo Claudia Schillinger – Flickr

À travers ses œuvres monumentales, Michel Bassompierre cherche à établir un dialogue entre l’homme et la nature. Il met ainsi en lumière, la beauté et l’essence des animaux. Ses créations, empreintes de tranquillité et de puissance, permettent alors aux spectateurs de se connecter intimement à la majesté de la faune. Cela invite donc à célébrer la richesse du monde naturel.

Une question éthique

L’utilisation d’animaux vivants dans l’art contemporain soulève des réflexions liées à la captivité. La pratique semble en augmentation, attirant le public sur scène. Mais le problème du bien-être animal se pose. La distinction entre animaux domestiques et sauvages est importante. La captivité des premiers est parfois considérée comme naturelle, tandis que celle des seconds peut être plus controversée. Par exemple lors d’une récente représentation d’Aïda de Verdi à Johannesburg. Des critiques ont été soulevées concernant le traitement des lions, tigres et chevaux sauvages utilisés lors de l’événement. Le spectacle bénéficiait d’une autorisation légale quand à l’utilisation de ces animaux. Cependant la question de la distinction entre les animaux domestiques et sauvages demeure importante dans ce débat.

La réflexion éthique sur l’utilisation des animaux dans la sculpture contemporaine divise les opinions entre abolitionnistes et welfaristes. Les premiers condamnent toute exploitation animale, tandis que les seconds cherchent à maximiser le bien-être des animaux. Une question clé est de savoir comment traiter les animaux une fois utilisés, qu’ils soient vivants ou morts. L’art contemporain utilise des animaux morts de différentes manières. Ils peuvent être déjà décédés, ou tués spécifiquement pour l’œuvre, mais encore des animaux sacrifiés par l’œuvre elle-même.

L’art contemporain met en lumière les aspects de notre morale quotidienne que nous préférons ignorer. Par exemple, la cuisine peut également jouer ce rôle de révélateur. En 2005 Jamie Oliver crée la controverse en égorgeant un agneau en direct à la télévision. Les spectateurs se sont confrontés à une réalité souvent refoulée lorsqu’ils consomment de la viande. C’est encore plus le cas pour celle d’animaux perçus comme plus « mignons » dans l’imaginaire collectif. Ces pratiques soulèvent des questions éthiques importantes concernant la proportion entre les coûts pour l’animal et les bénéfices pour l’homme, ainsi que sur la valeur de l’art par rapport à la vie animale.

Pour aller plus loin vous pouvez lire cet article dans Le Télémaque n°60 de 2021 : « La représentation de l’animal dans l’art contemporain : ce qu’elle révèle et ce qu’elle nous enseigne » par Joëlle Zask.

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