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Un artiste, une anecdote sur James Colomina, le street artiste aux sculptures rouges qui dénoncent.
Originaire de Toulouse, James Colomina naît en 1975. Il commence sa carrière en tant que prothésiste dentaire avant de se lancer dans l’art. Grâce à son expertise technique, il manipule aisément divers matériaux comme les résines, le plâtre et le métal. L’artiste explore des couleurs comme le blanc, le noir, et le vert fluo. Le « rouge sang, profond » deviendra sa marque de fabrique. Cette couleur offre en effet une visibilité saisissante et une symbolique riche. Elle évoque autant le sang que la violence et l’amour.
L’artiste utilise une technique qui lui est propre sans avoir suivi de cursus académique. Certaines de ses œuvres figurent en exposition permanente dans une galerie parisienne aux côtés de trois autres artistes. Il en est tout de même fier mais affirme ne pas vouloir être réduit à un « artiste de galerie ». Colomina s’identifie plutôt comme un street-artiste. Il puise son inspiration notamment chez des figures comme Banksy et Maurizio Cattelan. Son souhait est que ses œuvres transmettent un message clair immédiatement, évitant ainsi de laisser le spectateur dans l’interrogation.
« Je fais des installations sauvages pour être totalement libre dans mes choix artistiques, tant au niveau du choix de la sculpture qu’au niveau de l’endroit où je veux installer. C’est important pour moi de créer la surprise, d’interpeller. Il faut s’approprier ces espaces vides. La ville est à nous aussi. »
Colomina passe par le street art afin de dénoncer le consumérisme, la manipulation de masse, l’oppression des enfants, le racisme, la pauvreté, la question migratoire et la pollution urbaine. Ses œuvres cherchent à provoquer des débats et interpeller les politiciens. Elles présentent souvent des personnages qui reflètent l’ironie de la condition humaine. Fabriquées à partir de moulages corporels d’adultes ou d’enfants en résine médicale pigmentée, ses sculptures symbolisent une humanité à protéger.
Installée à San Francisco en 2017, « L’enfant au bonnet d’âne » représente les exclus et les marginalisés. Cette sculpture incarne les minorités et ceux qui ne se conforment pas aux normes établies. Positionnée en retrait elle illustre ainsi la stigmatisation. Les spectateurs, par leur observation, deviennent acteurs de l’œuvre, mettant en lumière cette exclusion. En 2018, l’artiste a discrètement placé une version de ce personnage sous le Pont Mirabeau à Paris, échappant aux caméras de surveillance.
En 2019, l’œuvre intitulée « Le Migrant » a été exposée à plusieurs endroits emblématiques de Paris, notamment au Trocadéro. Elle représente le corps d’un enfant de 6 ans allongé, portant un bateau en origami sur son ventre. Symbole du tragique des nombreuses jeunes vies perdues en Méditerranée, souvent dans la plus grande misère et une indifférence générale.
« Le Passager », présentée en 2020 à l’entrée du Bon Marché Rive Gauche à Paris, est une sculpture saisissante d’un enfant assis coiffé d’un casque de réalité virtuelle. Cette œuvre établit un lien fort entre l’apparence, la surconsommation, et l’aspiration de l’enfant à un monde meilleur.
L’artiste installe sans autorisation « L’Attrape cœurs » à Paris, le 3 septembre 2020 à l’aube. Réalisée en résine rouge, l’œuvre représente un enfant encapuchonné tenant un cœur vermillon. Fixée sur un socle inoccupé du jardin Ranelagh dans le 16e arrondissement, la sculpture disparaît après seulement quatre jours. La popularité croissante de l’artiste peut expliquer le quatrième vol d’une de ses créations.
En 2021 Colomina commémore la chute du mur de Berlin. L’artiste toulousain choisir le site emblématique de la East Side Gallery pour sa pièce intitulée « Mandy ». La sculpture représente une enfant de sept ans, installée sur le mur devenu aujourd’hui une galerie de street art. Elle symbolise la transformation d’un ancien mur de la honte en un symbole de liberté.
Au centre de la ville l’artiste installe « L’Enfant au masque » sur un pylône de ligne de métro. Ce garçon de 10 ans, arborant un masque à gaz, soulève des questions sur la pandémie de Covid-19 et la pollution de l’air. Face à l’Urban Nation Museum of Urban Contemporary Art, l’œuvre répond au rouge de l’Alien Invader fixé sur la façade du musée.
La même année Colomina installe une nouvelle sculpture à Paris devant le Sénat. « Enfance Volée » souhaite attirer l’attention sur l’âge du consentement sexuel. Cette œuvre montre un enfant masqué tenant un ourson en peluche et marquant d’une croix le nombre 13. Ce geste fait écho au projet de loi adopté par le Sénat pénalisant spécifiquement les relations sexuelles avec les enfants de moins de 13 ans. La sculpture veut ainsi provoquer la réflexion sur les problématiques sociales et sociétales. Retirée par la police juste après son installation rue de Vaugirard, elle n’est restée visible qu’une courte durée. Colomina espérait toucher les sénateurs et les passants suite à la médiatisation du livre « La Familia grande » par Camille Kouchner, mettant en lumière des abus sexuels. Colomina explique : « Je souhaite que ma sculpture fasse réfléchir sur l’enfance dans sa globalité, pas seulement de 0 à 13 ans. »
En 2024, le street-artiste James Colomina dévoile « La Petite Fille au tournesol » à Kyiv (Kiev), coïncidant avec la fête nationale de l’Ukraine. Cette sculpture rouge vif dépeint une fillette accroupie cueillant un tournesol. D’après l’artiste, elle incarne le renouveau et l’espoir pour l’Ukraine. En juillet, l’artiste met également en vente à Paris des bouteilles « d’eau de Seine » pour critiquer le coût de la dépollution du fleuve en vue des Jeux Olympiques.
Dans « Silentium » toujours en 2024, Colomina s’éloigne de son habituel rouge pour adopter un blanc sacral dans sa nouvelle sculpture. On en parle sur le blog dans cet article sur l’érotisme en sculpture ! L’artiste provocateur présente l’abbé Pierre allongé dans une ancienne église prit d’une érection cachée sous son linceul. Bien qu’exposée seulement deux jours la sculpture de James Colomina a suscité une couverture médiatique permettant au street–artiste de faire passer son message.
Son approche audacieuse pousse les spectateurs à confronter des sujets délicats, étendant ainsi les limites de la sculpture contemporaine et du street art. Grâce à son art, il incite à la réflexion sur les enjeux sociaux et politiques, tout en encourageant une introspection collective.
Fidèle à la tradition du street art, Colomina installe souvent ses sculptures « à la sauvage », sans autorisation préalable. Cependant au Locle en Suisse, ses œuvres ont été placées avec l’accord des autorités locales et des propriétaires concernés, suivant la charte de l’écomusée.
À l’instar de nombreux street artiste de renom international, James Colomina ne se laisse pas influencer par des approches opportunistes et commerciales. Humaniste convaincu, il doit l’ascension rapide de sa carrière à son travail acharné, son talent et son audace.
Au revoir et à bientôt pour une nouvelle anecdote !