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Femme fatale époustouflante Eve et sa pomme, Médusa et Gala (illustration réalisée avec MidJourney)

La femme fatale, un art

Article écrit à quatre mains avec C.C.M.

La femme fatale est un thème récurrent dans l’histoire de l’art, en particulier dans la peinture et la sculpture. Elle incarne un personnage mystérieux et sensuel qui représente à la fois le désir et la menace, la beauté et la manipulation, incarnant ainsi les paradoxes de la sexualité féminine. C’est pourquoi elle reste un sujet privilégié pour les artistes, qui cherchent à explorer les profondeurs de l’âme humaine.

Symbole de fertilité


La Vénus de Willendorf était-elle considérée comme un objet de désir et d’admiration pour les hommes de son époque ? Statuette préhistorique, qui date d’environ 28 000 ans avant JC, cette représentation de la femme comme objet sexuel est une constante dans l’histoire de l’art. Cependant, pour l’époque elle avait une valeur symbolique et religieuse, qu’esthétique ou érotique.

Le pêché (détail) – Franz Von Stuck

Symbole de tentation

Dans l’histoire de la création, les deux femmes d’Adam ; Lilith et Ève sont représentées comme étant des femmes fatales. Eve la plus connue, responsable de la chute de l’homme en croquant le fruit défendu. Elle sera l’une des femmes les plus représentée dans l’histoire de l’art. Elle incarne le désir, la honte et le péché. Une personne peu fréquentable qui représente pas moins de la moitié de l’humanité. Lilith quand à elle, supprimée de l’histoire après son passage au paradis, est devenue au fil de l’histoire un démon féminin. Elle était à l’origine une divinité mésopotamienne.
Sur le tableau de Franz Von Stuck, Lilith envoûtante porte son serpent tel un vêtement. Il représente sans nul doute le sexe masculin. Mais c’est également un clin d’œil à Eve qui croqua dans la pomme interdite, séduite par ce dernier. Edit : Le tableau de John Collier « Lilith » (lien vers Wikipedia en anglais) nous en montre lui aussi une version sensualisée. merci à Saïdi pour son commentaire !



La sculpture « Eve » de Rodin est quant à elle repliée sur elle même, seule et désemparée. Elle est l’une des œuvres les plus célèbres et emblématique de l’artiste, sûrement pour nous avoir donné une facette vulnérable de Eve. Vous pouvez consulter cette anecdote sur cet artiste trop réaliste pour être vrai.

Belle, désirable, redoutable

Néanmoins. l’image de la femme fatale évoluera au fil des siècle. Elle sera par la suite représentée comme séduisante, dangereuse et capable de captiver les hommes par son charme et sa beauté. Elle est souvent représentée comme une figure énigmatique, parfois même associée à des créatures mythologiques telles que les sirènes, les succubes ou encore les gorgones. Ces femmes dépeintes par les hommes semblent avoir du pouvoir et de l’emprise sur eux, en utilisant et exposant leur corps nu, suave et dangereux.

Persée tenant la tête de Méduse, sculpture en bronze de Benvenuto Cellini, inaugurée en 1554
Persée – Cellini Loggia dei Lanzi

La femme transforme l’homme

Dans la sculpture de la mythologie grecque et romaine, la femme fatale a également été un sujet récurrent. L’une des gorgones les plus connue est Medusa, représentée avec sa chevelure de milles serpents entrelacés et sa bouche immense. Son arme la plus redoutable reste ses grands yeux qui pétrifiaient ceux qui osait la regarder.

Dans l’odyssée d’Ulysse, Circé est une puissante magicienne, experte en poisons et spécialiste de la métamorphose. Elle offre à Ulysse une coupe contenant une potion pour l’envoûter et le transformer.


La liste est encore longue, bien d’autres femmes fatales sont capables de transformer les hommes en pierre, en animaux ou encore de les ensorceler.

Salomé - Pierre Bonnaud
Salomé – Pierre Bonnaud

La femme mène l’homme

Salomé, personnage biblique est elle aussi une figure récurrente de l’art de la séduction fatale. Elle fut la muse de nombreux artistes qui l’ont dépeinte comme une femme assoiffée de sang, tentatrice, castratrice et meurtrière.

Connue pour avoir dansé devant le roi Hérode, qui lui promis tout ce qu’elle souhaitait, elle demanda et obtint la tête de Saint Jean-Baptiste sur un plateau. La femme fatale est dangereuse pour les hommes. Elle pense à leur place et si on lui donne l’occasion d’être violente, elle sera destructrice.

Le peintre Gustave Moreau, quant à lui, parle de Salomé comme d’une enchanteresse. Il l’a peinte à maintes reprises dans une ambiance romantique, mystique et sensuelle.

Judith et Holopherne - Artemisia Gentileschi (détail)
Judith et Holopherne – Artemisia Gentileschi

La violence des représentations

À la renaissance, Artemisia Gentileschi (1593-1653) est une artiste qui vit de son art. En peintre audacieuse, vibrante et forte elle réalisera un tableau époustouflant « Judith et Holopherne » qui représente une jeune veuve, qui pour sauver son peuple attaqué par les Assyriens, décide d’assassiner leur chef Holopherne. Elle va le séduire puis l’égorger dans son sommeil. Sur le tableau, l’homme allongé semble se débattre, maintenu de force par Judith et sa servante. Les giclées de sang s’échappent de la plaie de son cou, c’est un tableau d’une grande violence.

En effet, la signification est bien plus profonde et sinistre pour l’artiste qui le relie à sa vie personnelle. Artemisia violée par son précepteur qui lui enseignait la peinture, lui intentera un procès qui sera dur et humiliant. Elle subira les tortures de la corde glissée entre les doigts. Cela aurait pu la priver de son don pour la peinture. Mais elle finira par réussir à faire condamner son agresseur à cinq années d’exil. Artemisia a su faire de cette épreuve une source de création. Une icône féministe est née.
Vers le 17ème siècle, Rubens dans une autre version du tableau représentant Judith et Holopherne, expose sa poitrine. Le mythe précise qu’elle s’est uniquement faite belle, aucune exhibition de zones intimes du corps.

La femme fatale est aussi une sorcière, elle incarne la puissance et la manipulation. Elle utilise son charme et sa beauté pour ensorceler les hommes. Elle reste dans l’imaginaire une figure dangereuse et mystérieuse, qui attire les hommes dans ses pièges. Tel un sabbat où les sorcières se réunissent pour célébrer leurs pouvoirs occultes comme dépeint par Luis Ricardo Falero dans « Witches going to their Sabbath ». La chasse au sorcières s’étend sur deux siècles, la période du 16ème siècle est particulièrement meurtrière.

Circé offrant la coupe à Ulysse - John Waterhouse
Circé offrant la coupe à Ulysse – John Waterhouse

Les pré-Raphaélites

Au 19ème siècle, les pré-raphaélites ont défendu la représentation de la femme fatale dans l’art, à travers une esthétique nostalgique et romantique, illustrée par des tableaux comme « La Dame de Shalott » de John William Waterhouse. Elizabeth Siddal sa muse (1829-1862) était elle-même une artiste peintre attirée par l’art d’avant la Renaissance comme le montre son tableau « Lady Clare ». Christina Rossetti (sa belle sœur) témoignait du paradoxe dans la représentation de cette jeune à travers ses œuvres, tour à tour sensuelle et vulnérable. Elle pose dans ses œuvres, une attitude figée voir romantique appuyée sur le rebord d’une fenêtre.

Elle restera fascinée par les légendes médiévales, mais plus encore par les nobles dames. William Waterhouse, son mari, l’a toujours encouragée et soutenue dans sa carrière artistique. Mais l’image de la femme vacille toujours entre une femme fatale ou fragile.

Rêverie - Maximilian Lenz - détail
Rêverie – Maximilian Lenz

Le pêché

La figure d’une femme fatale qui mène l’homme à sa perte est très présente avec l’essor des maisons closes et de la syphilis. Cette croyance était souvent associée aux stéréotypes misogynes selon lesquels ces femmes étaient dangereuses et déviantes sexuelles. La peur envers les femmes devient alors virale, les prostitués sont les premières à la subir. Le péché s’incarne littéralement chez la femme, la luxure aussi.

Dans l’imaginaire la femme devient alors responsable de la mort des hommes en se présentant séductrice et manipulatrice, tout en transmettant la maladie sans consentement.


Un changement s’amorce


Au 20ème siècle, la figure de la femme fatale change et devient plus complexe voir subversive. Frida Kahlo (1907-1954) artiste peintre mexicaine a utilisé le personnage de la femme fatale pour aborder des thèmes tels que la sexualité, la mort ou encore la misogyniecomme dans son tableau « Hopital Henri Ford ». L’image de la femme fatale est abordée de manière audacieuse, faisant référence à des sujet tels que le désir ou la douleur dans ses autoportraits. Ses œuvres ont souvent mis en évidence les aspects les plus sombres de la sexualité féminine, associant la sensualité à la douleur et au désespoir.

Les femmes fatales de Salvadore Dali dans ses œuvres surréalistes étaient quand à elles souvent déconstruites et déformées, reflétant les anxiétés et les obsessions de l’artiste. Dans « Galatée aux sphères » Dali représente une femme étrange et inquiétante, à la fois attirante et effrayante.

La femme fatale a été représentée de différentes manières selon les époques et les mouvements artistiques. Aujourd’hui, ce personnage continue de fasciner les artistes et les spectateurs, en raison de sa complexité et de sa valeur symbolique. Les artistes sculpteurs ou peintres utilisent divers matériaux pour créer des figures lisses et sans défauts. Ils reflètent ainsi la perfection physique dont les femmes fatales sont supposées être dotées. Cela s’applique également à d’autres domaines tels que la photographie ou le cinéma. Les femmes restent encore trop sexualisées.


Symbole de réflexion


Les artistes femmes revendiquent de plus en plus une démarche d’autonomie afin de ne plus être représentées comme de simple objets. Les artistes contemporains remettent en question cette représentation du corps féminin. Ils utilisent des techniques telles que la déformation ou la fragmentation pour montrer la complexité et la diversité de ce corps. Certains mettent en valeur les caractéristiques considérées comme imparfaites ou différentes de la norme. Ils rappellent ainsi l’importance de la diversité corporelle. En bref, si la représentation des femmes fatales dans l’art est fascinante et séduisante, il est important de réfléchir à la façon dont ces images peuvent renforcer des normes sexistes et nuire à l’estime de soi. Continuons à encourager les artistes à explorer la beauté et la complexité du corps féminin sous toutes ses formes.

En 2018, le tableau « Hylas et les nymphes » de John William a été décroché du musée des beaux arts de Manchester. Cela fait suite à une censure temporaire inspirée par le mouvement #Metoo. Le but est de mener une réflexion afin de trouver une autre façon de le présenter au public. Selon vous, y a t-il encore une place pour cette représentation de la femme ?

Ce sujet à été abordé dans un reportage sur Arte « La femme fatale dans l’art » qui décrit les femmes fatales d’hier et d’aujourd’hui avec l’émancipation des femmes artistes des années 1960 à nos jours.

Je vous recommande les conférences en lignes de Ludivine sur son blog Mieux vaut art que jamais. Véritable déclencheuse de réflexion, elle vous permettra de naviguer dans l’histoire de l’art avec un point de vue pertinent sur la place féminine.


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Cet article a 2 commentaires

  1. Saïdi

    Lilith… La grande oubliée !
    Le tableau de John Collier lui rend également hommage je trouve.
    Séduisante, sensuelle, indépendante, forte… Le contraire d’Ève quoi !
    Et bien loin de l’image de démon tentatrice que certains peuvent dépeindre d’elle

    1. DZerd

      Bonjour Saïdi,
      Merci pour ton commentaire, il me permet d’enrichir l’article !
      J’ai ajouté un lien vers ce tableau qui montre Lilith dans une relation autre avec le serpent « tentateur ». Elle semble assumer le rôle qui lui est assigné.

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