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Le monde prend forme par la sculpture : l’invisible

La sculpture est partout, les mots, le temps, le son, les secrets…autant d’objets de l’invisible foyers d’inspiration. La pratique artistique, quelle que soit sa forme, est une source de transformation et de création. La sculpture dans son expression, a le pouvoir de bouleverser notre manière de voir le monde et de nous percevoir nous-mêmes. En effet, sculpter, façonner, transformer peut être perçu comme un moyen d’agir sur notre image, notre vie.

« La sculpture est un moyen d’exprimer l’inexprimable »

Anish Kapoor

Les artistes de tous horizons utilisent leur créativité pour façonner leur identité et transformer le monde qui les entoure. De la période précoce du développement dans le ventre de notre mère à l’apprentissage du langage, notre cerveau et notre corps sont continuellement influencés et sculptés par notre environnement. Façonner notre langage corporel est une aspiration universelle. C’est une volonté de transcender nos limites et de communiquer avec notre essence profonde. La danse, la musique, le théâtre ou la sculpture, toutes ces formes d’expression ont en commun le pouvoir de donner vie à nos émotions, de donner forme à notre être intérieur.

La puissance des mots sculptés

La sculpture peut se considérer comme un moyen de redéfinir notre perception de la réalité. Tout comme la psychanalyse façonne notre compréhension à l’aide des mots.

Notre famille nous lègue une langue maternelle puis, l’enseignement scolaire nous apprend à lire et à écrire. Nous transmettant ainsi le pouvoir des mots, invisible. Cela implique de travailler la langue et de façonner les mots de manière à créer des phrases et des textes plus éloquents et plus évocateurs. C’est un processus créatif qui nécessite de la précision, de la patience et de la réflexion pour obtenir un résultat final parfaitement sculpté. Les mots constituent une ouverture vers nos accomplissements, nos aspirations, un chemin vers notre épanouissement personnel. Il suffit parfois d’un seul mot pour se connecter à sa vérité.

Attention à vos désirs, car vous pourriez bien les réaliser !

« Roots » sculpture de Jaume Plensa - 2014
« Roots » sculpture de Jaume Plensa – 2014

Croire en ce qu’on ne voit pas

En réalisant une sculpture de ces mots, on peut raconter des histoires, des poèmes…invisible mais réel. Ces textes peuvent toucher et inspirer les gens de toutes les cultures et de toutes les générations. J’ai écrit un article sur les mots sculptés parlant des caractères gravés dans la pierre et la terre, la diffusion de la culture grâce à l’encre et la presse moderne de Gutemberg. Cliquez sur ce lien pour lire l’article « Sculpter les mots, un art universel et millénaire ».

« J’ai vu un ange dans le marbre et j’ai seulement ciselé jusqu’à l’en libérer »

Michel-Ange

Prenons l’artiste Ben, l’un des artistes des mots du mouvement artistique Fluxus. Il est célèbre pour ses phrases courtes qui suscitent une réflexion profonde, allant de « Tous ego » à « J’attends l’impossible ». Son travail reflète une approche exploratoire. Il exprime son inquiétude face à la difficulté de se laisser surprendre dans un monde où les idées sont multiples et les possibilités infinies. Mais il fait une chose qui nous permet de progresser : il remet constamment en question ses convictions et insiste sur l’importance de l’analyse plutôt que sur les certitudes. Sa phrase préférée : « Je cherche la vérité » incarne parfaitement son état d’esprit.

Robert Barry quand à lui, utilise les mots de manière inventive pour façonner et influencer l’expérience des spectateurs face à ses œuvres. Parlés, projetés ou imprimés, les mots jouent également un rôle important dans son travail. Au fil des années, il s’est de plus en plus centré sur le langage, passant des phrases descriptives aux mots isolés. Il utilise des mots incarnés dans des formes telles que des autocollants, des peintures ou des projections.

En 2009 avec l’exposition « Word Lists », il crée des sculptures-mots composées de formes déliées disposées au sol. Il crée ainsi une unité entre chaque sculpture-mot et rend le vide entre chaque lettre imperceptible. Son objectif est de façonner l’expérience des spectateurs à travers ses œuvres. Il invite à réfléchir à la puissance et à l’influence des mots dans notre société.

Lawrence Weiner pour sa part, crée des œuvres sous forme de propositions linguistiques choisies par les collectionneurs ou les institutions. Elles sont ensuite inscrites sur les murs. Ces phrases sont les titres d’œuvres qu’il crée ou pas dans son atelier et qu’il offre ensuite à une nouvelle matérialisation. Par exemple l’œuvre « (Placé) sur un point fixe (Pris) depuis un point fixe. No 717 » installée dans les Jardins des Tuileries à Paris en 1992. Il se considère comme un sculpteur et ses œuvres engagent les spectateurs à les concevoir plutôt qu’à les contempler passivement. Ses compositions visuelles utilisent la typographie et l’espace, il peut aussi réaliser des œuvres permanentes. L’artiste façonne le langage incitant ainsi les spectateurs à prendre une part active dans la construction de sens au sein de ses œuvres.

Sculpture de Salvadore Dali « La Noblesse du Temps »
Sculpture de Salvadore Dali « La Noblesse du Temps »

Sculpter le temps

La création révèle la présence mystérieuse qui anime toute existence. Elle nous invite à prendre du recul et à contempler notre vie dans son ensemble passé, présent, futur. Profiter du temps qui passe. Nous confrontant à notre propre transformation qui façonne notre personnalité et notre capacité à influencer notre destin. Elle montre l’importance de savoir s’accrocher. Et souligne l’investissement personnel qu’il a fallu pour atteindre nos objectifs et apporter des changements significatifs dans notre vie.

Des artistes tels que Marcel Duchamp ainsi que Christo et Jeanne ont inspiré la modernité artistique. Ils ont symbolisé les changements du temps à travers leurs sculptures. Contribuant ainsi à façonner notre vision du monde. Ces œuvres nous encouragent à nous concentrer sur nos expériences de vie, sur ce que nous avons déjà accompli. Leur message puissant, leur beauté et leurs contrastes peuvent susciter différentes émotions chez chacun de nous. Créateur ou spectateur nous vibrons et progressons à son rythme. Tout dépend du moment et du choix que l’on fait.

Finalement, se sculpter au fil du temps nous incite à être attentif et conscient de notre parcours personnel, de la manière dont nous nous transformons à chaque (précieux ou difficile) moment de notre vie. Cela nous invite à réfléchir sur nos réalisations passées et futures. Ceci afin d’apprécier notre optimisme et notre détermination, les valeurs qui nous poussent à nous lever chaque matin. Chaque journée reste une nouvelle opportunité pour créer quelque chose d’unique.

L’acte de sculpter sa vie est à la fois dynamique et complexe, symbolisant notre force intérieure et notre résilience. Le temps est un élément de réflexion. Prendre ou se donner le temps fait toute la différence dans la concrétisation d’une idée initiale. Faire un pas de côté, prendre du recul avant de se lancer dans notre désir d’action. La réflexion consiste à évaluer notre motivation profonde et à sélectionner la meilleure solution pour façonner notre vie et relever les défis qui s’y présentent.

Devons-nous alors nous noyer dans la masse ou marquer notre singularité ? Andy Warhol estime que l’art reproduit en masse peut banaliser les œuvres. Le mouvement Pop Art remet en question l’originalité et l’importance des œuvres d’art uniques. En utilisant des images et des objets répétés préexistants, il critique ainsi la société de consommation et la mécanisation. Cette remise en question de la valeur de l’art est au cœur des préoccupations des artistes, qui cherchent à trouver la singularité dans chaque création.

L’artiste Arman transforme des objets ordinaires en œuvres d’art, remettant ainsi en question leur valeur et leur signification. En coupant, détruisant ou ré-assemblant des objets, il met en évidence la fragilité et la vulnérabilité des choses face à l’usure du temps. Cette manipulation des objets remet en question notre perception du temps et souligne l’impermanence des choses.

Finalement, l’art évolue en même temps que notre environnement change. Depuis la sculpture de la roue préhistorique à la fabrication d’objets dématérialisés tels que l’intelligence artificielle ou le « metaverse ». L’art dans ses multiples domaines de création est un puissant moyen de transmettre des messages profonds et intemporels. Il agit sur les questions que nous pose notre existence humaine.

Joueur de flûte, statue en bronze
À nous d’imaginer la musique jouée par cette sculpture !

Sculpter le son

L’art de sculpter le son est une pratique qui donne vie à notre quotidien. Qu’il soit mélodieux, apaisant ou franchement bruyant. L’homme aime jouer avec les éléments et les modeler à sa guise. Le son, invisible, ne fait pas exception à cette démarche de sculpture.

Les œuvres des potiers seraient susceptibles d’être « écoutées » car elles auraient enregistré, à la manière des disques vinyle, les sons environnants lors de leur production. Mais un vrai défi se présente lorsqu’il s’agit de lire ces enregistrements. Le professeur Georges Charpak avait envisagé d’utiliser un rayon laser en collaborant avec des acousticiens renommés pour analyser des pièces du musée du Louvre. Mais à ce jour on ne sait pas si cette théorie a été mise en pratique. Les recherches précédentes ne sont pas concluantes. La spirale formée utilisée par le potier est répétée ce qui rendrait inaudible des chants d’oiseaux, des bribes de conversations, plus les bruits de l’environnement.

Nous aurions aimé entendre le philosophe Aristote ou l’empereur Marc Aurèle !

Création son et image

Les artistes préhistoriques qui ont créé les fresques des cavernes utilisaient l’acoustique des lieux pour donner vie à leurs images. Des études récentes ont révélé que les sons renvoyés par les parois imitent les bruits des animaux représentés dans les peintures rupestres. L’intensité sonore correspond étonnamment aux décors muraux. Les parois qui ne sont pas décorées restant muettes (article du figaro « le secret ignoré des peintures rupestres »).

Capturer le son

L’abbé Marin Mersenne a effectué la première mesure de la vitesse du son en 1636 en utilisant l’écho. En 1876, Alexander Graham Bell invente le microphone. En 1877, Thomas Edison a inventé le phonographe, marquant une avancée significative dans l’enregistrement sonore. Par la suite, le développement du microsillon et l’introduction des formats audio numériques MP3 en 1998 ont continué à faire évoluer cette technologie.

Mémoires vibratoires

Les Archives akashiques sont une mémoire universelle enregistrée sur une fine pellicule autour de la Terre. Les vibrations présentes dans le vide contiennent de l’information qui crée la matière et influence notre réalité. Ainsi, les vibrations affectent les objets et nos pensées aurait un impact sur notre réalité pouvant provoquer des visions du passé chez certaines personnes sensibles.

Les sons modèlent notre humeur

Les recherches de Masaru Emoto sur les cristaux de glace formés à partir de différentes eaux montrent que la qualité des cristaux est influencée par la pollution de l’eau. De plus, ses expériences avec différentes musiques révèlent que la musique de Mozart crée des cristaux beaux et structurés, tandis que le métal produit des cristaux informes et désordonnés. Il découvre également que les mots d’amour ont un effet positif sur les cristaux. Tandis que les injures ou les expressions de haine altèrent leur forme. Ces résultats suggèrent que notre corps, composé principalement d’eau, réagit aux influences de la musique, des sentiments et des paroles négatives.

L’art sonore

Ce terme apparaît dans les années 1950 et 1960, avec les artistes des mouvements Fluxus et Happening qui réalisent des performances provocantes combinant son et image. Les musiciens tels que Karlheinz Stockhausen ont également influencé la musique électronique, créant des collages sonores audacieux par les approches de la musique concrète et la musique aléatoire.

L’art sonore est interdisciplinaire. Mêlant arts plastiques et sons, il nous emmène aux frontières des sensations sonores et visuelles. Un inconnu laissant la place à de nouvelles expériences, de nouveaux usages. Que ce soit dans des installations immersives, des vidéos ou sur le web. Il nous invite à réfléchir sur les dimensions sociales et à explorer les sensations spatiales, physiques et psychoacoustiques.

Créer un univers sonore

Les vibrations sonores organisent les particules de matière de façon harmonieuse. Cela permet la transformation du silence en musique et la communication entre les individus. Comme avec la sculpture, les vibrations sonores peuvent être façonnées et modulées pour créer des formes sonores uniques et intrigantes, en jouant avec les harmoniques, les résonances et les variations de ton. Les artistes sonores peuvent donner vie à des œuvres musicales uniques en manipulant ces sons, créant ainsi des univers sonores captivants pour leur public. Des systèmes sonores existent dans ce sens. Ils offrent une expérience immersive et équilibrée pour tous les spectateurs, quelque soit leur position dans un lieu. La répartition des fréquences permet d’assurer une diffusion sonore uniformisée en proximité et en éloigné.

En somme, les vibrations sonores sont un phénomène qui permet de donner vie et de donner forme à une information invisible. Elles offrent ainsi une riche expérience musicale aux auditeurs.

Le Sphinx au Caire, gardien du secret des pharaons
Le Sphinx au Caire, gardien du secret des pharaons

Sculpter le secret (se crée)

Le Sphinx, créature mythologique et gardien redoutable associé à la connaissance et à l’énigme. Il posait des énigmes aux voyageurs qui passaient près de lui, et ceux qui ne pouvaient pas les résoudre étaient condamnés à mort. Gardien de l’entrée de la ville de Thèbes, il empêchait les voyageurs d’entrer s’ils ne pouvaient pas résoudre son énigme. La sculpture du Sphinx au Caire en Égypte, vieille de cinq millénaires, reste mystérieuse et fascinante jusqu’à aujourd’hui. Cette statue imposante combine le corps d’un lion avec la tête d’un pharaon. Nous ne connaissons pas avec certitude qui l’a construite mais, tournée vers l’est, elle a été témoin de nombreux levers de soleil. Ses lèvres scellées gardent ainsi les secrets des pharaons et les mystères de l’au-delà.

La nature secrète du Sphinx réside dans ses énigmes. Elles symbolisent souvent les mystères de la vie et de l’existence humaine, et interrogent sur l’identité, la destinée et la vérité. Nous invitant à explorer les profondeurs de notre pensée, à nous de chercher la vérité au-delà des apparences. Au delà du côté mystérieux et insondable de l’expérience humaine, elles nous rappelle que certaines vérités enfouies ne peuvent être découvertes que par ceux prêts à relever le défi de percer leurs secrets.

En raison de sa nature tridimensionnelle, la sculpture est déroutante par rapport à la peinture. Se montrant insaisissable parfois car offrant différentes perspectives au spectateur. Ainsi l’artiste sculpteur décide de présenter son œuvre selon un certain point de vue, mais il peut choisir d’en représenter plusieurs. Le spectateur dispose de la liberté de choisir l’angle qui lui parle le plus. D’ailleurs l’effet de la lumière peut y révéler une beauté inattendue, certaines œuvres mobiles offre une lecture différente. De nombreux artistes ont fait preuve de grande créativité pour cacher des secrets symboliques, personnels ou politiques dans leurs sculptures. Ajoutant ainsi une dimension supplémentaire à leurs œuvres.

« Maman », Sculpture monumentale par Louise Bourgeois
« Maman », Sculpture monumentale par Louise Bourgeois

L’artiste contemporaine Louise Bourgeois était connue pour son utilisation de symboles et de métaphores dans ses sculptures. Dans son œuvre « Maman », une araignée géante en bronze, de petits œufs de marbre cachés dans l’abdomen de la sculpture symbolisent la fécondité et la maternité.

Jeppe Hein explore l’interaction avec ses œuvres cinétiques énigmatiques. Le spectateur peut influencer les installations par son expérience. Sa présence, ou son absence, donne vie à des objets en apparence inanimés. Par exemple avec « Did I miss something ? » un jet d’eau qui surgit seulement quand on s’assoit installé en 2012 dans le parc du château de Saint-Jean-de-Boiseau. « Distance », une installation créée entre 2004 et 2014, est composée de sculptures épurées et géométriques munies de capteurs de présence. Elle utilise un circuit en boucle pour propulser des ballons et devient ainsi une sculpture déroutante et impressionnante.

Certains artistes ne dévoilent pas toujours leurs secrets comme Rodin avec « Le secret ». Cette sculpture représente deux mains droites enfermant un secret…invisible. Certaines choses doivent rester cachées et ne pas être révélées. D’autres interprétations suggèrent que la sculpture symbolise le mystère, la sensibilité ou l’intimité. Cela laisse ainsi une certaine interprétation au spectateur et permet une réflexion personnelle sur le mystère et les secrets de la vie.

Sculptures par Danielle Zerd. Le secret invisible dans la sculpture
Dans la série « Un seul Homme » par Danielle Zerd : à gauche « Les trois âges » – au centre « Paternité » – à droite « Le monde »

La sculpture aussi secrète soit-elle, est au final la rencontre entre un artiste et son public.

La sculpture impose sa présence, occupant l’espace avec force et captivant notre attention. Mais le sculpteur se doit de comprendre pleinement la nature fondamentale de son modèle afin de transmettre sa vision. Chaque sculpture réalisée présente une signature distinctive, invisible, la trace de l’artiste. C’est au delà de l’exécution et de la minutie, quelque chose de personnel qui relie ses oeuvres entre elles. Il façonne ses lignes et ses courbes pour une interprétation particulière puis l’idée se précise. La surprise est pourtant parfois au rendez-vous, l’oeuvre aussi a des secrets à livrer.

J’ai réalisé une oeuvre « Les 3 âges » dans laquelle un enfant s’emboîte dans un adulte qui s’emboîte dans un vieillard. Tous les trois ne font au final qu’un seul homme. C’est d’ailleurs le nom de cette série de sculpture. La tête de l’enfant s’emboîte au niveau du ventre de l’adulte comme si c’était son propre enfant. C’est donc le cas quand on y réfléchit, les hommes portent l’expérience de leur propre enfance.

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