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Un artiste, une anecdote sur Philippe Hiquily, sculpteur d’un métal aux formes érotiques.
Philippe Hiquily voit le jour le 27 mars 1925 à Montmartre, Paris. Son père, Jules Prosper Hiquily, est un décorateur renommé. Entre 1927 et 1930, la famille s’installe à Sèvres, puis dans les Landes. De 1931 à 1936, ils résident à Mont-de-Marsan, où Philippe rencontre le sculpteur Despiau. En 1943, à 18 ans, il s’engage dans la Résistance avec son père. La famille s’établit ensuite à Orléans, où Philippe fréquente brièvement l’École des Beaux-Arts.
La vie dans une ville occupée s’avère difficile avec des désillusions amoureuses et des tensions familiales. En quête d’évasion, Philippe part à l’aventure avec la Division Leclerc en Indochine de 1945 à 1947. Il rentre à Paris à la fin de la guerre, décoré mais désorienté. Motivé par un désir de vivre pleinement et de s’amuser, il intègre l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts, dans l’atelier de Gimond-Janniot. Il y rencontre César, Ferraud, Guino et Muller. Hiquily admet avoir énormément travaillé durant ces années, malgré des moments de détente et une certaine prise de distance avec l’académisme.
En 1953, Philippe Hiquily décroche son diplôme de l’École des Beaux-Arts après avoir remporté le Prix de Sculpture grâce à son œuvre « Le Neptune ». Une œuvre monumentale en fer. Avec l’aide de ses parents, il achète un atelier dans le 15ème arrondissement. Pour développer son art de sculpteur, Hiquily utilise une technique, le « Métal Direct ». Inspirée de Julio Gonzalez et des archaïques Grecs elle consiste à repousser et souder la tôle.
Il récupère des morceaux de métal dans des décharges pour créer ses œuvres, témoignant d’un goût pour les matériaux recyclés, comme dans son œuvre « La Pelle » de 1954. Sur les conseils d’un ami, Hiquily rencontre la sculptrice Germaine Richier. Il réalise des socles pour ses sculptures. Il rencontre également Kijno, Müller, Tajiri et Jean Tinguely à son atelier.
Le temps est au mouvement et à la recherche d’équilibre. En 1955, Hiquily organise sa première exposition à la Galerie Palmes. Le Musée d’Art Moderne de Paris acquiert sa pièce « Le Bicycliste ». Son utilisation d’objets abandonnés le lie au Nouveau Réalisme, mais il est également vu comme un précurseur de l’Art cinétique. Ses œuvres érotiques le place en annonciateur de la libération sexuelle des années 1960.
Germaine Richier facilite l’entrée de Philippe Hiquily au Salon de mai et au Salon de la Jeune Sculpture. Elle le présente à des figures influentes comme le critique Alain Jouffroy. À partir de 1957, il intègre des tôles rouillées dans ses sculptures. L’artiste explore des formes humaines simplifiées et stylisées. Il rencontre Henry et Eve Miller, qui adorent ses œuvres, et Max Clarac-Sérou lui propose une exposition à la Galerie du Dragon en 1958. Cette année-là, il discute aussi avec Albert Camus d’un projet d’adaptation avec Alejandro Jodorowsky.
En 1959, Hiquily connaît un grand succès aux États-Unis grâce à une exposition à New York et se lie avec des figures célèbres comme Leo Castelli, Jasper Johns, et d’autres artistes pop. En France, il reçoit le Prix des Critiques à la Biennale de Paris, et réalise « Fougasserie architecturale I » et « Fougasserie architecturale II ». Hiquily se lie d’amitié avec la journaliste Ninette Lyon. Il rencontre ainsi des figures notables telles que la vicomtesse Marie-Laure de Noailles, Max Ernst et Man Ray.
En 1959 « Le Copulateur » annonce se série des « Zoomorphes » qui connaît le succès aux États-Unis. Au début des années 1960, l’érotisme dans les œuvres de Hiquily se fera plus réel. Grâce à une évolution technique l’artiste peut jouer avec les formes dans une même œuvre, en creux, en plat ou rondes. En 1961, Hiquily expose à New York avec Juliet et Man Ray et rencontre le sculpteur Marcel Duchamp, puis en 1962 Calder.
Hiquily explore alors la création de meubles en métal pour des personnalités comme la vicomtesse de Noailles et attire l’attention de Henri Samuel. Son mobilier onirique et surréaliste capte l’intérêt des Van Zuylen et Rothschild. En 1963, il installe à Marbella sur le terrain d’un collectionneur, un ensemble de girouettes monumentales de 12 mètres de haut. À partir de 1964, l’artiste commence ses accouplements. Il intègre des objets du quotidien dans ses sculptures comme par exemple « La Motocyclette » au Salon de mai. De même en 1966, « La Secrétaire » présente cette figure féminine typique avec une machine à écrire sur les genoux. Suite à une exposition à la Galerie Claude Bernard, il crée des meubles en laiton et des sculptures pour des mécènes prestigieux, marquant le début de son aventure dans le design mobilier.
En 1967, Philippe Hiquily se rend à Cuba pour « El Salon de Mayo », où il crée « La Compañera ». En 1972, il rencontre Louise de Vilmorin, qui lui commande des tables pour André Malraux. Hiquily continue de créer des meubles uniques, tels que miroirs et lampadaires, comme une extension de son art. En 1974, son exposition « Accouplements » à la galerie Odermatt mélange matériaux et objets, avec des œuvres comme « Lady Cocofesse ».
En 1976, il expose « Pièges à Louves » au Musée d’Art Moderne de Paris puis de 1977 à 1983, il expose au Salon de Montrouge. À Papeete, il passe des hivers avec son fils Tara. Dans les années 1980, influencé par Alexander Calder, Hiquily explore la mobilité et le mouvement, utilisant des moteurs dans des œuvres comme « Poly-Games ». L’artiste participe à des expositions telles que « Énergie et Mouvement » à Reims en 1980. Sa sculpture « La Marathonienne » de 1982 à Vitry-sur-Seine exprime la force et l’élan grâce à ses éléments interactifs, mêlant art et plaisir.
En 1984 la Galerie Fabien Boulakia présente « Sinusoïde Lady » à la FIAC. L’année suivante Philippe Hiquily est fait Chevalier de l’Ordre National des Arts et Lettres et expose à la Galerie Eolia. En 1987, il signe un contrat avec Patrice Trigano pour l’édition de bronzes, réalisant soixante modèles avec le fondeur Régis Bocquel. Ses bronzes remportent un franc succès à la FIAC, et Hiquily prend part à diverses expositions, notamment « I Surrealisti » à Milan en 1989 et « Objets sculptures » à Paris en 1991.
Philippe Hiquily rend hommage à « L’Aurige de Delphes » en 1997. Il combine laiton, humour et références érotiques avec « L’Aurige ». Le personnage, aux traits expressifs et bisexuels, s’inspire effectivement des mythes d’Hermaphrodite. Cette œuvre célèbre les traditions antiques grecques, évoquant le passé historique du Cap Ferrat, lié aux colonies grecques anciennes. En 1999, il décore un salon et un étage à l’hôtel Lutetia de Paris.
En 2010, Philippe Hiquily participe à l’Exposition Universelle de Shanghai, le sculpteur réinterprète alors ses girouettes de 1963 que la ville décidera d’acquérir. À la demande du Roi du Maroc Hiquily s’inspire de sa sculpture « Marathonienne » mais avec les jambes fermées. L’artiste réalise alors « Épicurienne », une œuvre de 5 mètres de haut, décrite par sa nièce Malika Vinot comme une figure « saisie dans un moment de sérénité ». Elle est à la fois coquette et pudique, avec les genoux serrés et une main caressant doucement, tout en rêvant. L’artiste capture ainsi la beauté et l’épanouissement féminin. En 2011, l’artiste devient Officier de l’Ordre des Arts et des Lettres.
Dans son processus de création, le sculpteur Philippe Hiquily mêle constamment les énergies masculines et féminines, accompagnées de leurs représentations. Il refuse l’appartenance à un mouvement artistique particulier, malgré l’influence du Surréalisme. L’artiste considère l’art comme une expérience interactive alliant esthétique et ludisme.
Philippe Hiquily décède le 27 mars 2013, jour de son anniversaire.
Dans son œuvre, l’érotisme est omniprésent, avec une sensualité ancrée dès le travail quotidien du métal. L’artiste utilise des métaphores sexuelles pour décrire le métal. Par exemple, le métal « ne se laisse pas faire », il faut « l’amadouer ». L’artiste estime l’acier et le fer plus « virils » que le laiton qu’il caresse comme une femme.
« Quand je fait une pièce, je l’ai toujours dans la main, je l’ai appuyée sur le ventre, je subis sa chaleur ses vibrations, sa résistance, je me brûle quelquefois. Il y a contact. Il y a accouplement. » Philippe Hiquily
Au revoir et à bientôt pour une nouvelle anecdote !