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Une artiste, une anecdote sur Sylvie Fleury, artiste subversive entre féminisme, luxe et ironie
Sylvie Fleury, née le 24 juin 1961 à Genève, est une artiste contemporaine suisse qui explore et célèbre la superficialité ainsi que le glamour des produits de luxe à travers ses sculptures, installations, œuvres multimédias et performances. En utilisant divers médias, elle s’intéresse aux symboles de la société de consommation ainsi qu’à la mode. Au cours des années 1980, Sylvie Fleury passe brièvement par l’école de photographie Germain à New York. Elle rentre ensuite à Genève et, sous le pseudonyme de Silda von Braun, commence à collectionner des objets ornés du logo de la Croix-Rouge. En tant qu’autodidacte, elle collabore avec le plasticien John Armleder, qui l’invite à exposer à la galerie Rivolta de Lausanne en 1990.
L’œuvre de Sylvie Fleury est influencée par des figures de l’appropriation telles que Marcel Duchamp et Andy Warhol. Elle critique tout en affirmant la superficialité et le glamour des produits. Pour cela, elle utilise des objets commerciaux afin de les subvertir.
Sylvie Fleury crée des installations sophistiquées incorporant des éléments tels que des fourrures voyantes, des néons vibrants et des matériaux étincelants. Avec une touche d’ironie, elle explore l’objet du désir et le fétichisme tout en mettant en valeur les industries culturelles populaires. Son œuvre a été décrite comme « post-appropriationniste » par son usage de la mode et des cultures féminines pour défier les paradigmes établis.
Difficile de la « caser », d’une part son travail permet une interrogation de l’art face à la consommation. D’autre part, ses œuvres montrent ces objets de luxe et les comportements de shopping associés comme des actes de plaisir et non de soumission. Elle détourne habilement des concepts comme le « Concetto Spaziale » de Fontana, les appliquant à des matériaux issus de la mode. Cela illustre ainsi sa capacité à fusionner rêve, désir, et défis aux conventions établies.
« Je montre les objets tels qu’ils apparaissent. De cette façon, je décris les mécanismes qui font d’eux ce qu’ils sont »
À partir de 1991, Sylvie Fleury expose ses « Shopping bags ». Ces installations présentent des sacs contenant des achats de grandes marques de la mode mais non ouverts. En 1992 pour « Tableau n°1 », Sylvie Fleury utilise le principe du capitonnage dans ses œuvres. L’artiste détourne un tableau de Piet Mondrian en recréant les motifs avec de la fourrure colorée. De même dans « Mondrian Boots » l’artiste utilise à nouveau ces motifs dans le design de bottines.
En 1993, elle crée « Slimfast (Délice de vanille) ». L’artiste reprend la boîte de Brillo, en référence à Warhol, y appliquant la fameuse marque de « produit minceur ». Deux ans plus tard, en 1995, elle réalise « First Spaceship on Venus », des fusées de 3 mètres de haut en fibre de verre aux couleurs flashy de vernis à ongle. Sylvie Fleury reprend la fusée provenant d’un film de science fiction des années 60 et la réinterprète. Elle détourne sa forme érigée, phallique, promesse d’une ascension fulgurante, en objet plus féminin. Elle crée parallèlement « Untitled (Soft Rocket) », une version « molle » de sa fusée.
Une de ces fusées sera présentée en 1997 dans l’environnement intime d’une chambre lors de l’exposition « Ne dites pas non! » au MAMCO de Genève. La même année lors de « Home Sweet Home » au Deichtorhallen de Hambourg, Sylvie Fleury présente « Bedroom Ensemble 1 ». Elle réinterprète la chambre de motel de Claes Oldenburg de 1963, l’habillant de fourrure synthétique. L’artiste poursuit ainsi sa pratique d’appropriation de références masculines en art. Elle crée également « Skin Crimes », couvrant de peinture émaillée ou de vernis à ongles des voitures compressées. Le titre de ces œuvres est une réappropriation du nom d’un produit cosmétique.
Aimant jouer avec les conventions l’artiste Sylvie Fleury expose en 2000 au MBAL « 8 ». Cette installation prend la forme d’une capsule spatiale. Le titre évoque le symbole de l’infini et l’œuvre ne permet l’accès qu’à une personne à la fois. Une fois la capsule fermée, le visiteur peut s’immerger de façon méditative dans un univers étincelant de strass et d’huile essentielle, tout en écoutant la bande-son du film de science-fiction « Queen of Outer Space » de 1958. Cette œuvre puise ses références dans un film montrant une conquête spatiale masculine, dominatrice. Sylvie Fleury s’empare donc à nouveau de ce thème en y apportant une perspective féminine. Elle transforme l’intérieur de la capsule en un espace brillant, comme constellé de diamants. Une illustration en début de millénaire des désirs de l’artiste d’une exploration spatiale féminine.
Cette même année, Sylvie Fleury crée également « Caddy ». Dans cette œuvre l’artiste présente des chariots de supermarché plaqués or, placés sur un socle rotatif en miroir. Symboles du consumérisme, ces caddies reflètent le poids de notre culpabilité en tant que consommateurs. À partir de cet objet ordinaire, Fleury transforme une banalité et élève une idole.
En 2001, elle présente des carcasses de voitures avec des peintures murales de flammes et expose au Magasin de Grenoble. Par la suite, en 2003, elle réalise « Prada Boots », une sculpture de bottes Prada en bronze chromé. L’œuvre « Eternal Wow on Shelves (Multidimensional blue) » est créée en 2007, s’inspirant de Donald Judd.
En 2008 Sylvie Fleury investit totalement le MAMCO avec « Paillettes et Dépendances ou la fascination du néant », une rétrospective de son travail. L’artiste y présente « Astarte’s Cave », inspirée par la déesse phénicienne de l’amour, évoquant des grottes mystiques à l’intérieur sombre, avec des fontaines en pneus de porcelaine dorée, créant une ambiance immersive et sophistiquée. Le contraste avec l’extériorisation colorée de « Bedroom Ensemble » souligne le style distinct de Fleury. Elle se réapproprie le slogan d’une marque de parfum afin de créer « Be Good, Be Bad, Just Be ». Une installation montrant l’entrée d’une grotte reconstituée dans la salle d’exposition.
En 2010 elle appliquera ce même slogan en version néon sur des fûts en métal. Un pied de nez, sachant que habituellement c’est le contenu (essence, pétrole, huile,…) qui à plus de valeur que le fût.
En 2019, l’artiste expose « Palettes of Shadows ». Une série de peintures présentant des palettes de maquillage surdimensionnées sous forme de tableaux abstraits. L’artiste transforme ces objets cosmétiques en symboles des mécanismes de désir et de pouvoir qui leurs sont liés.
L’artiste Sylvie Fleury revisite l’histoire de l’art en jouant sur une esthétique mêlant futilité et glamour. Ainsi elle dépasse les apparences pour déconstruire les symboles de superficialité, tout en incitant à la réflexion et au rêve. Bien qu’associée au fétichisme des produits de luxe, ses œuvres dévoilent parfois une sorte d’admiration pour le pouvoir de l’esthétique matérielle. Cela expose les tensions entre l’art contemporain et ses aspects conceptuels et matériels.
Au revoir et à bientôt pour une nouvelle anecdote !