You are currently viewing Un art de la forme : le design – 2ème partie

Un art de la forme : le design – 2ème partie

Les créateurs de mouvements révolutionnaires en design ont rompu avec la tradition pour se tourner vers l’avenir. Notamment les Italiens qui ont su allier modernité et tradition. Les artistes contemporains quant à eux, intègrent souvent des œuvres classiques dans leurs créations en hommage aux ruptures artistiques du passé. Cette volonté d’innovation a marqué l’histoire du design au 20ème siècle depuis l’Art déco.

Bien que souvent relégués au second plan, le rôle des designers reste crucial dans la compétitivité des entreprises, l’innovation et la créativité. Ils jonglent entre les rôles d’artiste, de technicien et d’ergonome. Ils sont également des acteurs clés pour la profitabilité des entreprises et des figures marquantes de la scène médiatique. Cette pression de visibilité constante pousse certains jeunes designers à délaisser le design industriel pour des projets plus attractifs. De plus, en intégrant une dimension écologique et en encourageant une consommation plus responsable, le design peut jouer un rôle essentiel dans la transition vers des modes de vie plus durables et respectueux de l’environnement.

Économie et conséquences du design

Au 19ème siècle, l’Angleterre domine l’industrie mondiale et inspire le reste du monde. Hermann Muthesius, architecte allemand, espionne les travaux anglais pour renforcer l’industrie allemande et cofonde le Deutscher Werkbund. Il défend la standardisation pour un goût commun et une création artistique universelle. Son influence s’étend au courant Getzalt et Getzaltung, ce qui a possiblement influencé le Bauhaus. Sa théorie vise à unir artistes et entreprises industrielles pour développer un design allemand de haute qualité. Un design basé sur la technique et l’esthétique, tout en valorisant également le travail à la machine pour le bien-être et le confort.

L’esthétique du produit

Dans les années 1930 aux États-Unis, les designers industriels ont donné une nouvelle esthétique aux produits en série. Le magazine « Fortune » de 1934 (voir l’article en anglais scanné en pdf) rapporte que le design de l’appareil de chauffage au gasoil de Walter Dorwin Teague a augmenté les ventes de 400%, tandis que la radio conçue en 1933 par Raymond Loewy pour la Colonial Radio Company, a été un succès malgré son prix élevé pour les États-Unis en pleine dépression. Selon le publicitaire William Acker, un design aérodynamique favorise une meilleure performance commerciale en surmontant les obstacles à la vente dans un contexte de concurrence économique.

Le design fait vendre

Après la Seconde Guerre mondiale, le Japon a utilisé le design et la technologie pour conquérir le marché mondial, avec Sony en tête grâce à ses radios et téléviseurs innovants.

De son côté le Suédois Ingvar Kamprad révolutionne le marché du mobilier en 1949 avec la création de IKEA. Il développe un concept de magasin d’ameublement différent. S’inspirant certainement des concepts de Thonet il propose des meubles en kit à partir de 1956, du mobilier pratique et facile à assembler. Le succès international de la marque est incontestable. Néanmoins, aujourd’hui la démesure de cette chaîne interroge sur des questions d’éthique concernant son approvisionnement en bois.

La société Thomson Consumer Electronics collabore avec Philippe Starck en 1993 pour moderniser son image, mais malgré le succès, les résultats économiques n’ont pas été à la hauteur des attentes.

Le design est devenu essentiel en publicité. Les marques mettent en avant leurs produits créés avec l’aide de designers, y ajoutant ainsi l’image de la créativité. Cependant, une approche stratégique est nécessaire pour que le design contribue efficacement au succès commercial.

Le rôle du Design évolue

Dans les années 1940 et 1950, les designers étaient principalement des autodidactes issus de la technique ou de l’art appliqué. La reconversion de l’industrie de guerre en industrie de reconstruction a stimulé le marché européen, favorisant la consommation populaire et le crédit à la consommation. Les designers sont devenus des missionnaires de l’amélioration des conditions de vie pour tous les consommateurs, plutôt que de servir uniquement une clientèle aisée.

Par exemple dans les années 1950, les designers comme Charles et Ray Eames ont exploré le moulage plastique pour créer des chaises connues sous le nom de « Plastic chairs ». Ainsi la chaise « Eames Plastic Chair DSX » a été créée en 1950 pour participer au concours « Low Cost Furniture Design » organisé par le Museum of Modern Art de New York. Ces chaises se composent de plastique renforcé de fibre de verre avec des pieds en métal.

Une filière qui se structure

Des organisations professionnelles comme l’Icsid (International Council of Societies of Industrial Design) en 1957 puis devenue en 2017 le WDO (World Design Organization), l’Icograda (International Council of Graphic Design Associations) en 1963 et l’IFI (International Federation of Interior Architects / Designers) en 1963 voient le jour. Elles ont pour but de soutenir les designers dans leur quête de reconnaissance, de statut et de formations spécifiques.

Les années suivantes ont vu la multiplication des magazines spécialisés comme « Domus », « Casabella », « Rassegna » ont été suivis par « Design Magazine », « Interni », « Form », « Abitare ». Puis sont apparus « Modo », « Blueprint », « Design Week », « Intramuros ». Dans les années 1990, sont arrivés « Wallpaper », « ID », « Frame » reflétant l’importance croissante de cette discipline dans la société.

Loewy : « La laideur se vend mal »

Lorsque Raymond Loewy, pionnier franco-américain du design (1893-1986), lance en 1952 son célèbre slogan « La laideur se vend mal », il fait comprendre aux industriels américains qu’un produit « beau » se vend mieux qu’un produit « laid ». Il est critiqué pour être perçu comme un « styliste marchand de soupe » qui rend désirable des objets nécessaires pour le bonheur des marchands et de l’industrie capitaliste.

Cependant, sa longue carrière raconte le progrès technique du 20ème siècle, de ses débuts en tant que spectateur des premiers vols d’avions à son travail avec la NASA pour la capsule spatiale Skylab. Il a été le designer emblématique de « l’American Way of Life » à partir des années 1940, créant des designs célèbres pour des marques telles que Lucky Strike, Shell, Coca-Cola, New Man, L’Oréal et Liebig.

Il croit fermement que le design est important pour les affaires, une idée chère aux designers américains. Cependant, la question de ce qui est beau ou laid est subjective. Cette phrase a contribué à brouiller la frontière entre le design et l’art, posant un défi pour la reconnaissance du design en tant que discipline à part entière pendant longtemps.

Design et sculpture

L’art et le design se distinguent par leur objectif : le design vise souvent à inciter à une action commerciale, tandis que l’art cherche à communiquer des idées, des opinions ou des émotions. Les créations les plus marquantes sont celles qui ont un impact sur le consommateur, tandis que les œuvres d’art les plus connues établissent un lien émotionnel entre l’artiste et son public. L’art est sujet à interprétation, tandis que le design est conçu pour être compris. Chacun interprète l’art de manière subjective, tandis que le design vise à être clair et direct pour inciter à une action précise. L’art et le design ont des similitudes et des différences subtiles.

L’art est souvent l’expression personnelle et émotionnelle, tandis que le design est plus pragmatique et utilitaire. Malgré ces distinctions, les deux domaines peuvent se chevaucher, mais chacun apporte sa propre contribution à la culture et à la société.

Les Lalanne

Le couple de sculpteurs Les Lalanne, amis des surréalistes et des nouveaux réalistes, se rencontrent en 1952 et partagent une attirance pour le merveilleux et un regard décalé sur la nature. Leur collaboration débute en 1956 lorsqu’ils décident de fusionner leurs œuvres. Leur entente rare évolue vers une harmonie parfaite, sans rivalité. Découvrez ce couple d’artistes designers dans le podcast : « Les Lalanne, un couple du design et de la sculpture ».

Gaetano Pesce : la Mamma

Gaetano Pesce est italien, il travaille avec de grands éditeurs de mobilier et a réalisé des projets emblématiques dans le monde entier, notamment à New York et Paris. Il collabore en 1965 avec Cesare Cassina, éditeur de mobilier italien. En 1994, il conçoit les bureaux de Chiat Day à New York. En 1998, il innove dans les techniques de mise en forme du verre au Cirva à Marseille. Sa collection « Nobody’s Perfect » de 2001 pour Zerodisegno illustre parfaitement sa vision de la diversité et de la beauté imparfaite. À travers ses créations, il témoigne de son époque et de son refus de la standardisation.

L’œuvre de Gaetano Pesce mêle architecture et design dans ses créations artistiques. Avec le «Organic building» à Osaka il propose un jardin vertical sur toute la façade de l’immeuble. Il remet en question les normes de l’industrie en créant des objets à double fonctionnalité et en exploitant esthétiquement les défauts de fabrication. Il se distingue dès 1969 en critiquant le statut de la femme avec son célèbre fauteuil « la Mama » de la série UP éditée par C & B. Le corps de ce fauteuil en polyuréthane expansé aux formes généreuses est attaché à un pouf en forme de boulet. Il incarne parfaitement l’objet d’art et de design à double fonctionnalité cher à Pesce, où le symbolique se mêle à l’utile.

Marcel Wanders : Knotted Chair

Marcel Wanders est un designer néerlandais connu pour surprendre et pour provoquer l’instauration de nouveaux standards esthétiques. Inspiré par des artistes comme Magritte, il joue avec les perceptions visuelles et crée des pièces énigmatiques qui défient les conventions. Ses créations allient innovation technique et esthétique originale, comme en témoignent ses collaborations avec des marques renommées telles que Cappellini et Flos. En tant que directeur artistique de la société « Moooi », il continue d’explorer de nouvelles idées et de repousser les limites du design contemporain.
Membre fondateur de Droog Design, il a fondé sa propre agence en 1995, devenue Marcel Wanders Studio en 2001. Il a réalisé des objets tels que la célèbre « Knotted Chair » en 1996 et des collaborations avec des marques prestigieuses comme Swatch et Apple. Son style éclectique et original lui a valu une renommée internationale.

Philippe Starck un designer écologique et démocratique

Chaque nouvelle création du célèbre designer Philippe Starck est présentée avec une grande fanfare, comme un spectacle au cirque où chaque numéro est plus audacieux, poétique et impressionnant que le précédent. Comme un Monsieur Loyal, il met en lumière l’exploit de ses créations et les présente de manière spectaculaire. De la transformation de la triste gare de Prague au « Café Costes » en passant par le concept du « moral market » des restaurants Bon, ses diverses réinterprétations des archétypes lui ont permis de conquérir sa place de leader incontesté dans le monde du design.

Au-delà des aspects marketing et de l’engagement dans le capitalisme, Philippe Starck se voit d’abord comme un fournisseur de services pour ses clients et, à travers eux, pour les utilisateurs finaux. Il se définit comme un critique de la production, cherchant à promouvoir des produits basés sur la non-violence, la compassion, la surprise et la responsabilisation écologique des consommateurs.

Une autre réflexion

Bien que ses idées soient parfois empruntées à d’autres disciplines comme la sociologie ou la psychanalyse, et que ses créations puissent sembler déjà vues, Starck continue à proposer des projets pérennes qui incitent à une réflexion sur notre rôle de consommateur et sur notre relation à la production. Son objectif est de nous pousser vers une « humilité productive » qui remet en question nos habitudes de consommation.

Dès 1970, il travaille pour des entreprises italiennes renommées telles que Driade, Alessi et Kartell. Il s’est distingué par son style original et avant-gardiste, passant du mobilier à l’architecture d’intérieur, et même à des projets spatiaux comme les modules privés de la Station spatiale internationale. Engagé pour l’environnement, préconisant des objets durables et écoconçus, il promeut une « écologie démocratique » en rendant le design accessible à tous. Depuis les années 1980, il prépare l’ère du post-plastique en utilisant des matériaux non-polluants. Ses créations emblématiques, telles que la chaise « Café Costes », ainsi que la chaise « Louis Ghost » ou encore la lampe « Flos Chapo », illustrent son style unique.

Vers l’écologie

Son engagement pour l’écologie se manifeste à travers des projets à faible empreinte carbone et des collaborations humanitaires. Il est reconnu pour son approche humaniste du design et son désir de rendre le design accessible à tous.

Starck imagine la « Starckhouse » en 1994, en collaboration avec le catalogue 3 Suisses. Le projet se présente sous la forme d’un coffret contenant les plans, notice, notes, d’une maison alliant des matériaux plus « nobles » : le bois, le verre, le zinc. Boudée et décriée à l’époque cette initiative précoce aurait certainement plus de succès aujourd’hui.

Le secteur des transports n’est pas en reste. Le designer propose en 2012 la « V+ » une voiture électrique pour la marque Volteis. Sa fabrication reste toutefois onéreuse car produite par une petite entreprise et non à la chaîne.

Design et écologie

Les designers conçoivent des objets qui fonctionnent et sont utiles, mais leur usage peut également être d’ordre émotionnel. Les objets sont de véritables sculptures du quotidien dans l’interaction constante. Un véritable chemin vers une nouvelle consommation est donc à définir.

L’innovation met l’accent sur les investissements pour rester compétitif à l’échelle mondiale. Cependant, il est essentiel que les designers intègrent des considérations écologiques dans leurs créations, en privilégiant des matériaux durables et des solutions écoresponsables.

Innovation et écologie

Certaines entreprises ont répondu aux besoins des consommateurs en créant des produits et services innovants qui améliorent les aspects pratiques de la vie quotidienne. Par exemple, en étudiant l’impact des nouvelles technologies sur le travail, Olivetti a développé des solutions pour rendre les tâches professionnelles plus efficaces. Nec a réfléchi à la manière d’intégrer l’ordinateur dans la maison pour faciliter les tâches quotidiennes. Whirlpool a réinterprété le four à micro-ondes pour offrir une expérience de cuisson plus rapide et pratique. Matsushita a repensé les ustensiles du petit-déjeuner pour rendre les matins plus agréables et Philips a créé des vêtements avec des puces électroniques pour apporter des fonctionnalités modernes à la mode. Ces initiatives témoignent de la volonté des entreprises de proposer des solutions qui correspondent aux besoins et aux modes de vie des consommateurs d’aujourd’hui.

Créer un lien

Le défi majeur pour les designers est de créer un lien entre l’homme et son environnement technologique en constante évolution. La dématérialisation croissante souligne l’importance de l’aménagement domestique et de la charge symbolique des objets. Des designers proposent alors de nouvelles typologies de mobilier, comme le « Matrable » par Habërli et Marchand qui combine canapé et espace de travail, ou des pièces hybrides telles que les chaises-tablettes et les canapés-lits modulables. Les meubles aux proportions généreuses et le confort de la sphère domestique sont également des tendances actuelles. Les designers doivent répondre à un consommateur de plus en plus actif dans la création de sa réalité.

Certains designers cherchent à impliquer les consommateurs dans la conception des objets, tandis que d’autres s’inspirent du passé pour créer des designs chargés de sens. Le cadre de vie évolue vers un espace où les individus cherchent à laisser leur empreinte.

L’écoconception dans le secteur du mobilier en Europe

Le secteur du mobilier en Europe doit tenir compte de son impact environnemental croissant face à la surproduction. Les concepteurs, fabricants et distributeurs doivent intégrer des pratiques écoresponsables pour répondre aux nouvelles attentes des consommateurs. Certains progressent dans l’écoconception, tandis que d’autres utilisent encore cette approche comme un simple argument commercial. Il est essentiel de produire de manière plus durable pour réduire les impacts environnementaux dès les premières étapes du processus de développement des produits.

Engagement des designers pour un avenir durable

Anthony Boule, cofondateur de la coopérative Mu, est un acteur majeur dans l’accompagnement des entreprises du secteur vers une approche éco-responsable. De son côté, Samuel Accoceberry, designer renommé, souligne l’importance de choisir des matériaux durables dès la phase de conception pour garantir la longévité des produits. Avec Cécile Figuette, designeuse textile, ils montrent ainsi qu’il est possible de concilier beauté et responsabilité environnementale. Il est essentiel que l’industrie du design poursuive sur cette voie pour un avenir plus durable et esthétique.

Avec la marque de papier peint « Bien Fait », Cécile Figuette privilégie cette approche éco-responsable. Elle limite le nombre de modèles pour favoriser la durabilité et la qualité. Son choix de matériaux et d’encres respectueux de l’environnement montre son engagement envers la protection de la planète. De son côté, la marque NoMa se distingue en concevant des meubles et objets du quotidien principalement à partir de matériaux recyclés. Elle souhaite sensibiliser une clientèle désireuse d’esthétique et de durabilité. Les fondateurs mettent l’écoconception au cœur de leur démarche. Ils proposent ainsi des produits de haute qualité alliant durabilité, esthétique, confort et fonctionnalité.

Face à la controverse, Ikea propose des produits fabriqués à partir de plastique recyclé. Malgré les progrès, il reste des défis à relever, notamment en matière de modèle économique et de consommation de bois.

Des designers renommés comme Martino Gamper, A+A Cooren, Charlotte Juillard, Jean-Marc Gady, Sam Baron, RDAI relèvent les défis de l’écoconception. La maison Saint-Louis en Alsace met en avant des valeurs humaines et durables en favorisant l’emploi local et en soutenant des initiatives écologiques. Les jeunes designers intègrent ainsi déjà des aspects environnementaux dans leurs créations pour une clientèle consciente de l’importance de la durabilité.

Tournés vers la mer

Les designers d’aujourd’hui ont pris conscience de l’urgence écologique et se sentent donc obligés d’innover et de proposer des solutions radicales. Lucile Viaud, spécialiste des matières marines, en est un exemple frappant. En transformant les déchets marins en matériaux durables et esthétiques, elle montre qu’il est donc possible de créer des objets tout en sensibilisant à l’écologie. Pour elle, l’avenir du design réside dans la création d’objets qui racontent une histoire territoriale. Cela engage ainsi un large public à travers leurs produits. Elle collabore avec le chef Hugo Roellinger pour des contenants à base d’ormeaux locaux. Une parfaite illustration d’une approche innovante et engagée pour un design contemporain qui répond ainsi aux défis environnementaux actuels.

Si vous avez aimé, faites le savoir :)

Laissez moi un commentaire :)

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

  • Temps de lecture :25 min de lecture