« La main est la fenêtre ouverte sur l’esprit »

Kant

Pourquoi avons-nous été doté de la main nous dit Kant dès le XVIIIème siècle. Quelle est la finalité de l’existence, de l’être doué d’une raison et d’une main ? Il existe la nature qui s’oppose en quelque sorte à l’art et à la technique. L’oiseau a des ailes pour voler, l’homme une main et une raison pour accomplir certains objectifs. L’homme serait doté de raison et non d’instinct, à lui par contre de trouver sa liberté car la nature ne lui a donné ni les griffes du lion ni les crocs du chien, mais seulement des mains. L’évolution et le progrès par le travail, la conquête et le plaisir donnent-ils à l’homme un mérite moral qui lui permet d’atteindre sa quête du bonheur ? Cette main polyvalente fait-elle de l’être une fatalité ou un libre arbitre ? Dans les deux cas elle en fait un créateur.

Quelle relation entretenez-vous avez vos mains ?

Dans quel famille êtes vous née, né ? Vous a t-il été imposé l’ennui de la formation qui ne vous intéressait pas et qui a pu faire de vous un être ne se sentant pas épanoui. Jetez donc un œil sur les paroles du « Blues du Businessman », chanson de Michel Berger écrite pour Starmania. Ou avez-vous eu des parents à l’écoute de votre sensibilité pour développer ce que vous aviez envie d’exprimer, prenant en compte que votre place dans la société pourrait aussi se faire en exerçant un métier dans lequel on utilise ses mains. Il faut énormément d’intelligence pratique pour réussir manuellement. Je me demande comment serait notre société si nos politiques se confrontaient plus souvent à la matière du terrain plutôt que de se circonscrire à la poésie des mots.

La main a besoin d’apprendre

L’utilisation de la main n’est pas instinctif ou innée comme chez les animaux prêt à partir dès leur naissance. L’enfant humain a besoin d’apprentissage pour appréhender sa motricité fine. Il utilise certains petits muscles des doigts de ses mains coordonnés avec ses yeux pour faire des mouvements précis. Cela implique déjà chez l’enfant une visée afin d’atteindre, saisir, manipuler, mettre à sa bouche. Il apprend progressivement à utiliser ses deux mains en même temps pour réaliser des tâches manuelles et minutieuses, déchirer, couper, peindre, empiler, colorier, écrire pour gagner en autonomie et sécurité dans la réalisation des activités quotidiennes. Sa maîtrise est une vaste conquête.

La main intelligente

Prométhée a volé aux dieux les arts et le feu pour que l’espèce humaine puisse subvenir à ses besoins et surmonter l’adversité. Mais pour Aristote l’homme n’est pas cet être démuni, faible et désavantagé par la nature. Au contraire il serait le plus avantagé des animaux avec cette main prodigieuse qui prolonge avec perfection la raison. Dans son texte sur les parties animales, il remet
les mains à leur juste place : « Ce n’est pas parce qu’il a des mains que l’homme est le plus intelligent des êtres, mais parce qu’il est le plus intelligent qu’il a des mains ».
Elle n’est pas un outil, mais plusieurs. Pour chaque question, différentes solutions. L’être utilise sa main pour explorer la distance du monde, pour communiquer, s’informer, sentir la résistance ou la profondeur. Elle sert de pince, de marteau, de moule en jouant avec sa paume. Elle trouve le geste adapté lors de situations inédites. La main peu se substituer à des instruments et elle peut également les mettre en œuvre. Agile cette main est capable de saisir et de tout tenir. Incroyablement bien conçue ses parties peuvent s’écarter, elles peuvent aussi se rassembler.

La main symbole

L’art célèbre la main depuis ses origines. Le geste fondamental par lequel l’artiste effectue un voyage intérieur. Mains en prière symboles de ferveur et de dévotion et représentent le pouvoir spirituel. Main qui invoque et supplie. Les mains qui dialoguent avec des gestes d’amour mais qui désignent, qui accusent aussi. La gestuelle plus forte que les mots ou les commentaires sont superflus, ce qu’elle évoque s’imprime comme une image dans le mental.

La main violente entravant la chair. L’enlèvement de Proserpine par le dieu des Enfers est une sensualisation d’un acte d’une extrême violence, servant alors de justification à une pratique sociale. D’autres mains encore, celle du pouvoir celle qui possède de l’arrogance, à la pudique. La main est un symbole qui inscrit sa présence dans toute l’histoire de l’art.

La main qui soigne

Les mains ont aussi trouvé leur poète avec Paul Valéry lorsqu’en 1938 il apostrophe ses auditeurs dans son discours aux chirurgiens : « Un artiste est en vous à l’état nécessaire (…). Toute la science du monde n’accomplit pas un chirurgien. C’est le faire qui le consacre. Le nom même de votre profession met ce faire en évidence, car faire est le propre de la main ». À ses côtés son ami Henri Mondor, chirurgien : « C’est un spectacle heureux que celui de ces deux mains douces, intelligemment dirigées, adroites, progressant dans la découverte, suggérant confiance au malade ».

Elle motive la création du musée de la main, installé à Lausanne en 1994 à l’initiative du professeur Claude Verdan, pionnier de la chirurgie de la main en Suisse. De cette main qui opère à celle qui se rééduque, les mains font avancer la médecine grâce aux mains du sculpteur Rodin. Cliquez ici pour voir l’article sur Slate.fr.

La main reconnaissance

Fascination pour la main de l’artiste, outil merveilleux par sa conception qui lui permette une infinité de mouvements dans l’espace. Tel le maître d’œuvre qui crée l’œuvre d’art. Elle est un objet de fascination. Du non voyant qui lit en braille à celle de Chopin dont on expose le moulage, que l’on ne dissocie pas de l’œuvre. On peut lire sur le fronton du palais de Chaillot ceci :

« Dans ces murs voués aux merveilles j’accueille et garde les ouvrages de la main prodigieuse de l’artiste. Égale et rivale de sa pensée l’une n’est rien sans l’autre »

Paul Valéry

Aujourd’hui la technologie permet de se passer de ses mains, mais l’ordinateur sans influence émotionnelle ne peut faire partager les humeurs subtiles qui varient et qui donnent une couleur et un ressenti différents. À la même œuvre musicale joué deux fois par le même compositeur, elle va nous émouvoir de façon différente.

La main artisan ou artistique

Il existe des endroits où l’on peut apprendre à se servir de ses mains. On y trouve des professeurs qui vous indiquent la meilleure manière d’y arriver. Habileté et maîtrise vous demandera de la patience. L’artiste possède déjà son œuvre dans la tête, mais l’étape suivante consiste à demander à sa main de la réaliser. Après l’acquisition de la technique et l’étape de l’expertise reste le dialogue induit entre idée mentale et réalisation par la main. Arrive l’étape de la négociation puis la résistance comment faire quand la main tâtonne, hésite. On attend, on recommence, on insiste puis la récompense apparaît avec la forme recherchée. On devient alors le premier spectateur de l’œuvre. La main représente cette part de mystère dans l’espace, entre mental et matière.

La main chef d’œuvre

Des empreintes sur les parois des cavernes, une métaphore d’un geste identitaire autant que d’appropriation. Laisser sa trace s’exprime déjà au paléolithique. La force créatrice de la main à la Renaissance par Michel-Ange (voir une anecdote sur l’artiste ici) avec en 1512, la fresque du jugement dernier dans la chapelle Sixtine, Adam prenant vie effleuré par le doigt de Dieu. Plus près de nous Rodin en 1884 qui accueille Camille Claudel, artiste talentueuse, dans son atelier. Elle réalisera une « étude de main gauche », cette main rééditée par trois fois est une des rares études dont l’attribution soit certaine à Camille car portant sa signature sur la base. La proximité stylistique des deux artistes était telle à cette période, qu’on les distinguait difficilement.

Le sculpteur César quand à lui valorise son pouce symbole du travail manuel ou clin d’œil à César 12 mètre visible à la défense depuis 1994 (cliquez ici pour lire une anecdote sur le blog à propos de l’artiste César). Il est levé vers le ciel, implacable et optimiste. Yves Klein et son bleu breveté pour ses empreintes de mains. Symbole de l’imagination qui possède une dimension sacrée, celle d’ouvrir sur le monde invisible des idées et de la spiritualité comme pour fermer provisoirement la boucle des premières empreintes.

Voici une sélection d’articles à propos des mains et leurs actions

La main dans l’art sur perezartsplastiques

On dit « fait à la main », « jeux de mains, jeux de vilains », « en un tour de main ». De nombreuses expressions témoignent de l’importance de la main dans notre langage quotidien. Mais qu’en est-il de l’art ? Quel rôle…

Travailler avec ses mains est bon pour le cerveau sur Nos Pensées

Toucher, sentir, mouler, tisser, jardiner, peindre… Toutes ces tâches manuelles génèrent un grand bien-être dans notre cerveau, à tel point qu’il nous récompense avec des endorphines, réduisant ainsi le stress et même l’anxiété…