You are currently viewing Tout un art pour Ben !

Tout un art pour Ben !

Un artiste, une anecdote sur Ben, un artiste d’avant-garde et provocateur pour qui tout est art.

Benjamin Vautier, plus connu sous le nom de Ben, est né le 18 juillet 1935 à Naples, en Italie. Il est issu d’une famille bourgeoise du côté de sa mère, Janet Giraud, originaire d’Occitanie. Ses ancêtres ont émigré de France à Izmir juste avant la révolution française.

Malgré ses origines, sa mère était une rebelle. Elle défendait des idées communistes ce qui surprenait Ben. Son père Max-Ferdinand suisse francophone, était le petit-fils du célèbre peintre Marc Louis Benjamin Vautier (1829-1898). Ce dernier était reconnu jusqu’en Russie pour ses représentations de la vie paysanne.

Ben a passé ses cinq premières années à Naples. La Seconde Guerre mondiale l’a contraint avec sa mère à voyager à travers la Suisse, la Turquie, l’Égypte et l’Italie. Il a grandi à Izmir, où il a appris le turc, avant de déménager à Alexandrie puis à Lausanne. Il reçoit une éducation multilingue, son père lui parlait allemand tandis que sa mère voulait qu’il fréquente une école anglaise. Ben est donc devenu polyglotte.

En 1949, il s’installe à Nice et poursuit ses études à l’école du Parc Impérial ainsi qu’à la pension du collège Stanislas. Après avoir occupé un poste de garçon de courses dans une librairie, sa mère lui achète une librairie-papeterie. Il la revend à la fin des années 1950 pour ouvrir sa propre boutique. Il connaît alors ses premiers succès en affichant une grande bâche sur la façade de sa boutique transformée en « laboratoire 32 », située au 32 rue Tonduti de l’Escarène. Un message provocateur y est inscrit : « l’art est inutile, rentrez chez vous ». Ben aime taquiner ses clients et ose tout pour expérimenter. Ainsi, bien avant l’avènement d’internet, il crée une newsletter pour partager ses aphorismes. Ben s’amuse à repousser les limites de l’art en s’inspirant de Piero Manzoni. Ce dernier avait en 1961, commercialisé ses excréments en or.

En 1969, il recouvre ses yeux, sa bouche et ses oreilles de ruban adhésif, et affiche un panneau disant : « Je ne vois rien, je ne dis rien, je n’entends rien. C’est de l’art contemporain ». Cette boutique est alors devenue un lieu de rencontre pour les membres de l’école de Nice tels que César (une anecdote à lire et à écouter), Arman (une anecdote à lire et à écouter), et Martial Raysse. Inspiré par Yves Klein (une anecdote à lire et à écouter) et le nouveau réalisme, Ben est convaincu que l’art doit être avant-gardiste et provocateur.

Au début des années 1960, de nombreux artistes explorent la notion d’art en intégrant leur environnement dans leurs œuvres. De son côté, Ben se distinguait en signant simplement tout ce qu’il trouvait : « les trous, les boîtes mystères, les coups de pied, Dieu, les poules, etc. ». Il établit ainsi un lien entre l’art et la vie. Il affirme que tout peut être considéré comme de l’art et que toutes les possibilités sont envisageables dans ce domaine.

Ben, célèbre pour ses écrits ronds et provocateurs, est un artiste engagé. Ses phrases, revendications, pensées et aphorismes questionnent l’actualité, la société et le monde de l’art, avec une dimension de réflexion et d’engagement à son travail artistique. Inscrites ou peintes le plus souvent en blanc sur des pancartes noires, elles prennent alors vie en trois dimensions, comme en sculpture.

Il compile, amasse et entasse des objets dans un bric-à-brac indescriptible, rappelant le catalogue d’une quincaillerie universelle et absurde. Son œuvre emblématique « le Magasin » était, à l’origine, une boutique de disques d’occasion. Il l’a métamorphosée en un musée spontané regorgeant d’une collection hétéroclite et envahissante. Ses travaux alternent dans un rigoureux désordre, entre collages, assemblages et traces de happenings. Il offrent ainsi un regard unique et ludique sur la pratique artistique.

Ben, fortement associé au mouvement Fluxus, met en avant le concept de non-art et inclut des activités centrées sur le flux et l’interaction dans ses œuvres artistiques. Son art ne se limite pas à l’écriture, mais s’étend aussi à la sculpture. Il joue également avec les objets et les formes pour provoquer la réflexion et l’amusement chez les spectateurs. Son engagement constant et sa recherche incessante de nouvelles formes d’expression lui permettent de repousser les limites de l’art. Il invite alors le public à découvrir un univers artistique foisonnant et plein de surprises. La performance pour lui est une manière d’explorer et de repousser les limites de l’art en utilisant son propre corps ou d’autres moyens pour exprimer des idées et des émotions. C’est un acte artistique qui défie les conventions et invite le public à réfléchir et à réagir.

Le « Festival des désaxés » à Londres réunit des artistes tels que John Cage, Gustav Metzger, et Ben lui même. Il fonde alors la revue « Ben Dieu » à Nice, tandis que Vostell met en scène « Cityrama », un happening itinérant à Paris. Entre 1960 et 1963, il explore la notion d’appropriation artistique. Ben soutient que tout peut être considéré comme de l’art et que toutes les formes d’expression artistique sont envisageables. C’est à cette époque qu’il commence sa série de « tas », consistant à amonceler de la terre et des déchets sur des terrains et à les signer.

À partir de 1959 jusqu’à 1966, Ben commence sa série de sculptures vivantes en quête de capturer l’essence même de la ressemblance. Plutôt que de mouler les formes des personnages, il choisit d’exposer directement l’individu lui-même, estimant qu’il n’y a rien de plus ressemblant à un corps, qu’un corps en chair et en os. La première sculpture vivante fut la tête de Jean Claude Orsatti, avec un certificat signé par les deux parties. Ben réserve ensuite un socle lors de ses expositions pour une sculpture vivante, se considérant lui-même comme une œuvre vivante.

En 1961, suite à un défi de la part de Daniel Templon, Ben décide de détruire une partie de ses œuvres d’art puis d’en créer uniquement pour les détruire ensuite. Il reproduira cette performance dans un film tourné par Templon.

À partir de 1962 Ben entame « Je signe la vie » sur la promenade des Anglais à Nice. Tenant un large carton peint en noir et ouvert en son centre, l’artiste déclare que toute personne qui passe par cette ouverture devient une œuvre d’art signée par lui. La même année, Ben prend la décision de « jeter Dieu à la mer ». Il le considère présent partout, y compris dans une boîte en carton. Cet événement s’est déroulé sur la plage de la réserve à Nice.

En 1964 Ben se marie avec Annie Baricalla, ils auront deux enfants, Eva et François. Par la suite, Ben fait la rencontre de l’artiste conceptuel George Brecht à New York. Il participe à des concerts au « fluxhall » situé au 359 Canal Street, un espace à la fois boutique et lieu de performance. En 1965, il signe sa fille, Éva Cunégonde, âgée de trois mois à l’époque. En 1970 il signe son fils François Malabar dans une performance intitulée « Faire un enfant ».

Dans son magasin, Ben aménage une galerie de trois mètres sur trois dans la mezzanine baptisée « Ben doute de tout ». Il y organise des expositions mettant en avant des artistes tels que Martial Raysse, Albert Chubac, Daniel Biga, Marcel Alocco, Bernar Venet, Serge Maccaferri, Serge III, Sarkis, Robert Filliou, Christian Boltanski, et bien d’autres. Le centre Pompidou acquiert en 1974 les premières œuvres de Ben, il met fin à son activité de boutique suite à cela. De nombreuses grandes institutions commencent ensuite à collectionner ses œuvres.

L’artiste s’est profondément impliqué dans le paysage artistique contemporain. Ben a toujours soutenu de jeunes artistes et exprimé ses points de vue sur une variété de sujets. Culturels, politiques, anthropologiques ou artistiques. L’artiste explore trois questions de manière récurrente :

L’ego : il considère l’ego comme un aspect crucial de la survie, et cultive donc le sien avec humour pour survivre.
Les ethnies : Ben promeut un monde pluriculturel, soutient l’Occitanie libre. De même il s’oppose au « génocide » linguistique des groupes linguistiques par les puissances dominantes.
Le doute : Ben n’hésite pas à remettre en question les choses. Il exprime ses doutes sans détour et utilise une calligraphie naïve pour transmettre ses idées avec simplicité.

Depuis 1975, il vivait et travaillait sur les hauteurs de la colline niçoise de Saint-Pancrace. Ses œuvres figurent parmi les collections privées et publiques les plus prestigieuses au monde. L’exposition « On est tous fous », qui s’est tenue en 2023/2024, a été la dernière de Ben de son vivant et a été présentée au Musée International d’Art Naïf Anatole Jakovsky à Nice.

Ben a été découvert sans vie à son domicile le 5 juin 2024, quelques heures après le décès de sa femme, Annie. Il avait 88 ans.

Au revoir et à bientôt pour une nouvelle anecdote !

Si vous avez aimé, faites le savoir :)

Laissez moi un commentaire :)

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

  • Temps de lecture :10 min de lecture