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Folie et création : un voyage à travers l’art et la psyché

Depuis l’Antiquité, l’art et la folie ont tissé des liens complexes, influençant les perceptions culturelles et sociales des diverses époques. Les civilisations anciennes, comme celles des Perses, des Babyloniens et des Hébreux, percevaient souvent la folie comme une conséquence d’actions divines ou démoniaques. En revanche, chez les Grecs et les Romains, elle était vue comme une absence de maîtrise personnelle due à des émotions incontrôlées. Ces perspectives ont donné lieu à des récits mythologiques captivants, offrant une multitude de sujets pour l’exploration artistique.

Des penseurs comme Aristote ont exploré la notion de « créativité mélancolique ». Ils ont fait la distinction entre une mélancolie passagère et des états plus profonds, souvent perçus comme des catalyseurs de l’inspiration. Des objets d’art tels que l’aquamanile intitulé « Aristote et Phyllis » exposé au Metropolitan Museum of Art de New York, démontrent ces thèmes.

Au Moyen Âge, les artistes demeuraient souvent anonymes. La Renaissance marque un tournant décisif, réévaluant leur statut et célébrant leur génie. Le 19ème siècle romantique commence à voir la folie comme une source potentielle d’inspiration créative. Les artistes pouvaient alors exprimer leur angoisse intérieure à travers des œuvres puissantes.

Toutefois, la création artistique n’est pas toujours intrinsèquement liée à la folie. À travers les siècles, les artistes ont navigué entre ces concepts, façonnés par les perceptions culturelles et sociales de leur époque.

La folie dans l’antiquité

Dans les civilisations perses et babyloniennes, la folie est vue comme le résultat d’actions démoniaques ou comme une punition divine. Dans la culture hébraïque, elle est perçue comme une punition pour un péché. Les Grecs et Romains par contre, considèrent la folie comme volontaire. Elle serait une question de degré d’émotion et de passion non contrôlée. Cicéron la définit comme une absence de surveillance personnelle dès l’origine. La mythologie grecque explore le lien entre transgressions, punitions divines et manifestations de folie. Les récits emblématiques tels que ceux d’Actéon et d’Héraclès ont marqué l’art figuratif.

Actéon et Diane : le danger de la transgression

Actéon est le petit fils du dieu Apollon. Chasseur habile et orgueilleux, il surprend un jour la déesse Diane (Artémis pour les grecs) dans son bain. Ayant prit plaisir à ce spectacle, il fut transformé en cerf et dévoré par ses propres chiens qui ne le reconnaissaient pas. Le jardin du Palais de Caserte en Italie présente la fontaine de Diane et Actéon. Elle illustre cette chasse tragique au moment ou Actéon, transformé en cerf, est acculé par ses chiens. Une leçon sur les dangers de la transgression des limites sacrées et sur les conséquences de la colère des dieux.

La folie d’Heraclès : la perte de contrôle

Héraclès ou Hercule ce célèbre héros mythologique, représente également cette folie. Ayant achevé ses 12 travaux, il reprend la ville de Thèbes et enfin revient des enfers. Hera/Junon, épouse de Zeus/Jupiter, ne supporte plus les victoires du dernier de son époux et d’une mortelle. Par vengeance elle demande à Lyssa, incarnation de la folie furieuse, de s’emparer de son esprit. Dans une démence meurtrière, il tue ses propres enfants et sa femme Mégara. Reprenant ses esprits Hercule souhaite mettre fin à ses jours. Son ami Thésée le calme et assène alors cette morale.

« Quand un mortel est bien né, il supporte les coups portés par les dieux et sait s’y résigner. »

Mosaïque présentant La folie d'Héraclès
Mosaïque présentant La folie d’Héraclès – Photo carole Raddato – Flickr

L’histoire figure parmi les tragédies du théâtre antique. La bienséance empêchait toutefois de montrer la violence de la scène, elle était alors racontée. Exposée au Musée National d’Archéologie de Lisbonne, une mosaïque romaine du 3ème – 4ème siècle relate cet épisode. « La folie d’Héraclès » montre une Mégara dans une attitude d’incompréhension face à un Hercule brandissant sa massue au dessus d’un de ses fils.

Le tournant de la renaissance

L’imprimerie : vecteur de diffusion de la folie

Grâce à l’imprimerie, un ouvrage de 1494 traitant de la folie a connu une large diffusion. « La Nef des Fols de ce monde », écrit par Sébastien Brandt dénonce et tourne en dérision la folie humaine. Chaque chapitre décrit un « vice », accompagné d’une illustration, dont certaines sont de la main de Albrecht Dürer. Noble, magistrat, paysans, clerc,… les différentes strates de la société de l’époque sont ainsi dépeintes. Cet ouvrage a d’ailleurs inspiré le peintre Jérôme Bosch pour son tableau « La nef des Fous » vers 1500. Vers 1511 « L’Eloge de la folie » rédigé par Erasme connaîtra un franc succès. Ici également il s’agit d’une satire dénonçant la folie de différentes catégories sociales.

La reconnaissance des artistes

La Renaissance marque un véritable tournant, notamment grâce à l’œuvre de Giorgio Vasari. Architecte et peintre notable, il travaillait pour les Médicis et le Vatican. Ami de Michel-Ange, il voyagea beaucoup en Italie, rencontrant de nombreux artistes. Il utilisera le premier le terme « Renaissance » en 1550 pour décrire le renouveau des arts et des lettres inspiré de l’Antiquité.

Vasari publie en 1550 « Les Vies des plus excellents peintres, sculpteurs et architectes italiens ». Un ouvrage fondateur de l’histoire de l’art qui sera enrichi en 1568. Il réévalue l’importance des créateurs, les définissant non plus comme de simples exécutants mais comme des figures nobles et emblématiques. Sa création de l’Académie en 1563 renforce cette nouvelle perception, érigeant l’artiste en figure centrale de la scène culturelle.

Vasari établit également une hiérarchie. Des artistes tels que Léonard de Vinci sont mis en lumière, tandis que d’autres, comme Piero di Cosimo, sont moins valorisés. Ainsi à cette époque la distinction entre artistes et artisans devient nette. Cela refaçonne le rôle et la reconnaissance des artistes dans la société.

Au 18ème siècle: l’artiste perturbé passe de mode

Franz Xaver Messerschmidt : du caractère

Franz Xaver Messerschmidt, sculpteur bavarois né en 1736 se forme à l’Académie des Beaux-Arts de Vienne. Il gagne rapidement une renommée pour son style réaliste, réalisant des bustes pour la cour royale, notamment pour l’Impératrice Marie-Thérèse d’Autriche et sa fille Marie-Antoinette. Cependant, dans les années 1770, sa vie bascule en raison de problèmes de santé mentale. L’Académie lui refuse alors la titularisation, craignant pour la sécurité des élèves, et la cour cesse de solliciter ses talents.

Contraint de quitter Vienne, Messerschmidt s’installe à Bratislava chez son frère et se consacre à ce qui deviendra son œuvre la plus célèbre : la série des « Têtes de caractère ». Ces autoportraits aux expressions extrêmes et caricaturales intriguent par leur intensité.

En 1932, selon différents témoignages Messerschmidt aurait souffert de schizophrénie. L’écrivain Friedrich Nicolaï décrit l’artiste en proie à des hallucinations et obsédé par « l’esprit des proportions ». Cependant, des chercheurs comme Martial Guédron appellent à une vision plus nuancée de Messerschmidt. Elle souligne sa capacité à maintenir des liens avec la haute société de Presbourg.

Malgré les épreuves, l’artiste n’est pas isolé et continue de bénéficier d’un certain respect. Cette ambiguïté entre art et folie confère à Messerschmidt une dimension mystérieuse qui continue de fasciner. Alors est-ce un génie incompris ou une personne simplement en proie à ses démons ? Son art, fruit d’une introspection profonde, continue de défier les interprétations et de captiver les esprits.

De la folie à l’inspiration créatrice dans l’art du 19ème siècle

Le 19ème siècle introduit une nouvelle perspective grâce au mouvement romantique. Ce dernier envisage la folie comme une source d’inspiration potentielle pour le génie tourmenté. L’image de l’artiste maudit s’élevant alors au rang de figure emblématique. Certaines œuvres ont ainsi suscité une réflexion sur les états mentaux extrêmes, se liant à l’exploration de la folie, tandis que d’autres artistes ont intégré leur propre souffrance et détresse psychologique dans leurs créations. Ainsi Vincent Van Gogh avec « La nuit étoilée » et Edvard Munch avec « le Cri » ont également traduit leurs souffrances mentales en œuvres marquantes. Elles témoignent de l’angoisse et de l’intensité de leurs états intérieurs.

Francisco de Goya : la folie du désespoir

« Saturne dévorant un de ses fils » est une peinture intrigante de Francisco de Goya. L’artiste la réalise entre 1819 et 1823 dans le cadre de sa série des « Peintures noires ». Le tableau, aujourd’hui exposé au Musée du Prado, dépeint le mythe de Saturne, dieu du temps dans la mythologie gréco-romaine. Il dévore ses enfants pour éviter sa destitution. Goya capture grâce à son art la violence, le désespoir et la folie à travers une figure spectrale au visage tourmenté. Ce tableau est à mettre en regard du tableau éponyme de Rubens datant de 1636. Il montre un Saturne plus froid et calculateur et un enfant bien plus jeune et en pleine douleur.

L’artiste crée ce tableau à une période sombre de sa vie, marquée par la maladie et la solitude. L’œuvre est également perçue comme une allégorie de la situation politique répressive en Espagne sous Ferdinand VII. Les interprétations modernes incluent des allégories du temps, des craintes de paternité et des critiques du pouvoir destructeur des autorités. « Saturne dévorant un de ses fils » est devenu une œuvre classique du romantisme, elle continue de fasciner par sa profondeur et sa noirceur.

Auguste Rodin : ivresse ou démence

Avec la sculpture « Bacchantes s’enlaçant » Auguste Rodin explore la fine frontière entre ivresse et folie. Cette œuvre, offerte à Claude Monet, met en scène deux femmes, les bacchantes, servantes mythiques de Bacchus. Leurs gestes évoquent à la fois la liberté et le chaos des célébrations bachiques, où l’ivresse mène à une extase frôlant la démence. La sculpture capture la tension entre la vulnérabilité d’une femme agenouillée et la domination presque vampirique de l’autre, reflétant l’emprise des pulsions incontrôlées.

Rodin, fasciné par ces figures de démesure, les réinvente comme symboles d’une féminité à la fois envoûtante et dangereuse, oscillant entre charme et menace. À travers cette œuvre, il interroge notre perception des plaisirs charnels et des interdits. Un flirt avec la folie créatrice alimentée par l’ivresse collective des bacchanales. Ce thème, omniprésent dans son travail, invite à repenser la relation tumultueuse entre la passion débridée et la raison, en remettant en question les limites de la représentation artistique du féminin. retrouvez Rodin dans « Rodin, trop réaliste pour être vrai », une anecdote à lire et à écouter.

Camille Claudel : sculpture et folie tragique

Camille Claudel, sculptrice française, est célèbre pour son talent et sa vie tragique. Née en 1864, elle poursuit la sculpture à Paris et rencontre Auguste Rodin, dont la relation passionnée influence son œuvre. Sa sculpture « L’Âge mûr » est souvent limité à son aspect autobiographique. Cependant, bien que la sculpture reflète sa rupture avec Auguste Rodin, Camille Claudel y aborde avant tout le tragique de la condition humaine.

Bien que souvent vue comme une disciple de Rodin, Camille aspire à une reconnaissance pour son travail personnel. Ces œuvres témoignent d’une grande maîtrise technique et d’une charge émotionnelle unique. Elle réussit à exposer régulièrement ses sculptures et obtient même des commandes de l’État. Cependant, sa relation avec Rodin se détériore, et sa santé mentale se dégrade.
Camille se sent persécutée, notamment par ce qu’elle appelle la « bande à Rodin ». De plus en plus recluse elle détruit parfois ses propres œuvres. En 1913, sa famille prend la décision de l’interner dans un asile. L’artiste y passe les trente dernières années de sa vie, coupée du monde extérieur. Retrouvez cette artiste dans « Camille Claudel, l’inoubliable » l’anecdote à lire ou à écouter.

Influence de la psyché dans l’art contemporain

Freud et l’art

Freud a toujours établi un lien entre la psychanalyse et l’art, voyant dans la création artistique un moyen d’explorer l’appareil psychique. Inspiré par des œuvres littéraires comme « Œdipe Roi » de Sophocle, il a théorisé des concepts clés tels que le complexe d’Œdipe. Pour Freud, l’art et la psychanalyse partagent une finalité commune : la sublimation. Ce processus consiste à transformer, inconsciemment, nos angoisses en stimulations positives, permettant d’échapper au refoulement. On en parle dans cet article : « Sublimation et pulsion artistique : comment je crée ».

L’œuvre artistique, souvent née de souffrances, devient une représentation agréable, libératrice pour son créateur et source de satisfaction pour le contemplateur. Mélanie Klein voyait l’art comme un régulateur psychique et considérait même la psychanalyse comme une forme d’art. Aujourd’hui, l’art-thérapie est l’un des outils permettant d’explorer l’inconscient et traiter divers troubles psychiques. Artistes et psychanalystes auraient donc des objectifs communs.

L’art des fous

Une voie vers l’inconscient

Les surréalistes cultivent une fascination pour les œuvres des malades mentaux et les théories de l’inconscient. Ils voient la folie comme une voie d’accès à l’inconscient, avec des artistes tels que Salvador Dalí et Max Ernst qui recherchent des visions transcendant la rationalité. André Breton, quant à lui, s’engage dans la folie créatrice par le biais de techniques comme l’écriture automatique, percevant l’art des fous comme une porte ouverte sur l’imaginaire.

L’authenticité spontanée de l’Art Brut

À partir du milieu du 20ème siècle, le concept d’art brut émerge. Dans sa publication de 1949 « L’art brut préféré aux arts culturels », Dubuffet met en lumière des œuvres créées spontanément par des non-artistes. Ce sont souvent des patients psychiatriques ou des autodidactes, échappant aux influences culturelles traditionnelles. L’artiste s’inspire des travaux du Dr. Prinzhorn, qui voyait ces créations comme des expressions saines plutôt que comme des manifestations de démence. La folie à son art, voilà de quoi révolutionner sa perception psychiatrique. Retrouvez l’anecdote à lire et à écouter « Dubuffet, un art brut accessible à tous ».

Ils esquissent, peignent et sculptent, récupérant des objets abandonnés ou s’inspirant de la nature. À travers des assemblages et des collages, ces artistes s’affirment tantôt comme expérimentateurs, tantôt comme créateurs raffinés. Ils explorent des formes d’expression archaïques et jouent avec des matériaux bruts. Leurs créations naviguent entre le familier et l’étrange, à la croisée de l’art et de la folie douce. Les normes sont réinterprétées.

Dubuffet apprécie la spontanéité et l’authenticité de ces créations. Il les considère comme préservées des courants artistiques conventionnels. Cependant, la popularité croissante de l’art brut et son intégration dans les musées ont complexifié sa définition. Dubuffet avertissait que cette authenticité pourrait être compromise si ces créateurs devenaient reconnus comme artistes. Cela introduisant en effet une contradiction au sein du monde de l’art traditionnel. Cette dynamique continue de soulever des questions sur la capacité de l’art brut à conserver ses origines malgré son institutionnalisation.

La folie créatrice de l’art contemporain

Judith Scott : les cocons de l’isolement

Judith Scott naît en 1943 à Cincinnati, dans l’Ohio, aux États-Unis. Son parcours est unique : atteinte de trisomie 21 et d’une surdité non diagnostiquée, elle est placée en institution dès l’âge de sept ans jusqu’à ses 43 ans. En 1986, sa sœur jumelle devient sa tutrice et l’emmène vivre en Californie. C’est là que Judith rejoint le Creative Growth Art Center à Oakland et commence à créer librement à l’âge de quarante-quatre ans. La sculpture devient alors son moyen d’expression.

Elle commence par collecter des objets divers (ventilateurs, parapluies, magazines) qu’elle intègre au cœur de ses œuvres. Ces objets sont assemblés et solidement fixés avant d’être complètement enveloppés de fils, ficelles, cordelettes et fibres variées. Ce processus créatif peut s’étendre sur plusieurs mois. Il aboutit à des sculptures de grandes dimensions, aux formes parfois non-figuratives, organiques ou anthropomorphes. Elles évoquent des cocons géants symboles de l’isolement du handicap.

Judith Scott décède en 2005, à l’âge de 61 ans. En momifiant et en préservant des objets dans ses cocons, Judith Scott est devenue une figure emblématique de l’art brut. Ses créations font désormais partie des collections des plus grands musées d’art contemporain à travers le monde.

Bruce Nauman : perturber la perception du réel

L’artiste américain Bruce Nauman est considéré comme l’un des pionniers de l’installation dans l’art contemporain. Il explore de manière rigoureuse et innovatrice plusieurs moyens d’expression tels que le néon, la vidéo, la performance, le dessin. Ses sculptures au néon et installations lumineuses envahissent l’espace, proposant des jeux de mots, ou représentant des figures aux allures clownesques. Avec ses œuvres de lumière, l’artiste traite avec ironie et humour des contradictions de la condition humaine : le sexe et la violence, l’humour et l’horreur, la vie et la mort, le plaisir et la douleur. Ses installations architecturales font quant à elles vivre au visiteur une expérience sensorielle pour le moins déroutante.

En 1989 l’artiste réalise « Butt to Butt (Large) », la perte de repères est au cœur de cette sculpture mobile. Deux créatures imposantes, en mousse de polyuréthane ou en aluminium, sont fixées l’une à l’autre par l’arrière train. Elles sont ensuite suspendues au plafond par des fils de fer. Cette œuvre reflète l’intérêt de Bruce Nauman pour les animaux et les comportements instinctifs proches de l’état originel de la vie. Il utilise des formes de corps d’ours, de loups et de cerfs, employées par les taxidermistes. Démembrées puis reconstituées, ces structures prennent des postures qui défient la nature, perturbant ainsi la perception du réel.

Yayoï Kusama : oblitérer les limites

Aujourd’hui, la perception de la folie dans l’art a évolué grâce aux avancées dans la compréhension des troubles mentaux et à la diminution de la stigmatisation. Yayoi Kusama explore les obsessions et les états mentaux altérés avec ses « Infinity Rooms ». Cela remet en question les notions de normalité et de réalité.

Cette artiste contemporaine japonaise, transforme son expérience de santé mentale fragile en une force créative. Dès l’âge de dix ans, ses hallucinations l’inspirent à créer un art qui explore l’infini de l’univers et l’idée d’être « intégrée au décor ». Installée à New York en 1958, elle participe aux mouvements Pop Art et Psychédélique, utilisant des techniques variées comme le monochrome et les installations environnementales. Son engagement dans le mouvement hippie des années 60 contre la guerre du Vietnam et pour des causes comme le féminisme témoigne de son désir de diffuser des messages de paix et d’amour.

Les pois de la folie

En 1973, elle retourne au Japon et choisit de vivre dans un établissement psychiatrique à Tokyo, tout en continuant à travailler. Kusama utilise les pois, qu’elle considère comme des symboles de l’harmonie entre le féminin et le masculin, pour exprimer ses obsessions et sa volonté de « self-obliteration », un moyen de camoufler mais aussi d’affirmer son identité artistique. Voici « Yayoi Kusama et son art pop, un voyage excentrique » une anecdote à lire ou à écouter en podcast sur cette artiste.

Kusama invite les spectateurs à entrer dans sa folie obsessionnelle. L’artiste met à disposition une pièce meublée entièrement blanche du sol au plafond. Chaque visiteur adulte et enfant se voit remettre une feuille d’autocollants de pois colorés. Ainsi chacun peut laisser sa trace, son habillage jusqu’à atteindre un résultat véritablement vertigineux. Vous pouvez voir cette vidéo sur le site de la Tate Modern à Londres montrant l’évolution de la pièce.

Art et folie : de la condamnation à l’inspiration créative

Au fil des siècles, la perception de la folie dans l’art a évolué, passant de la condamnation comme un acte de transgression ou de punition divine dans l’Antiquité, à une exploration plus nuancée de ses implications psychologiques et sociales. Ces premières conceptions considéraient la folie comme un déséquilibre émotionnel ou comme le résultat d’interventions divines, illustrant la fragilité de l’équilibre humain.

Avec l’avènement de la Renaissance et de l’imprimerie, la critique de la société par le prisme de la folie se diffuse plus largement. Cela suscitant la réflexion sur les comportements humains et la condition humaine. Cette période redessine également le statut de l’artiste, le positionnant comme un penseur et non plus comme un simple artisan.

Le 19ème siècle marque un tournant dans la conception de la folie. Elle devient associée à l’inspiration artistique et à la créativité géniale. La notion de l’artiste tourmenté et incompris émerge. Une transformation de la perception de la folie en un potentiel d’exploration créative. Cela catalyse une transformation culturelle où la souffrance psychique est perçue non seulement comme un défi à surmonter, mais aussi comme une source de richesse artistique.

De nos jours, les avancées en matière de compréhension des troubles mentaux permettent d’explorer davantage la relation entre art et folie. La stigmatisation recule et la créativité née de ces expériences est valorisée. L’art contemporain continue de repousser les limites et d’encourager une réflexion sur les notions de normalité et de réalité, soulignant le rôle essentiel de l’art dans l’expression individuelle et l’exploration intérieure. Cette approche moderne de la folie comme catalyseur de changement individuel et collectif enrichit notre compréhension de l’art et de sa capacité à transformer le regard que nous portons sur le monde et sur nous-mêmes.

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